Question de Mme JOSEPH Else (Ardennes - Les Républicains) publiée le 03/10/2024

Mme Else Joseph interroge M. le ministre de l'intérieur sur ce qui est arrivé le vendredi 9 décembre 2022 à Charleville-Mézières. Un homme de 83 ans a abattu un jeune de 21 ans dans un quartier classé en quartier prioritaire de la politique de la ville (QPPV). Ce drame fait suite au calvaire subi par cet octogénaire, un Harki et ancien serviteur de la France, porte-drapeau des anciens combattants depuis plus de trente ans, qui, outre le fait d'avoir été honoré à plusieurs reprises de médailles, était sans histoires. Cependant, il ne pouvait plus supporter des jeunes alcoolisés ou fumant du cannabis dans son hall d'immeuble. Cette situation de harcèlement et de provocation durait en effet depuis 9 ans et tous les signalements très nombreux auprès des autorités, allant du bailleur social à la police, ont été vains et sans résultat. Pire : le soir du drame, de nouvelles provocations ont eu lieu. En effet, cet octogénaire a été empêché de passer et a même été insulté : on lui aurait craché au visage, ce qui a conduit à ce fait dramatique et au décès d'un jeune qui, lui, était connu des services de police. Si l'émotion à l'égard de cet homicide est légitime, il faut quand même déplorer le saccage du logement de l'auteur des faits par les amis de la victime. Le procureur de la République a ainsi parlé le dimanche 11 décembre 2022 de « crime d'exaspération », ce qui traduit bien l'ampleur du problème et l'embarras évident d'un drame qui fait suite à une inaction prolongée des autorités. Il n'est pas question de justifier le fait que l'on fasse justice soi-même : ce point de notre droit ne saurait être discuté. Cependant, quand l'exaspération est à son comble et que des signalements répétés et continus n'ont pas abouti, on doit s'interroger sur tout ce qui a pu conduire à un tel drame. Sans préjuger de la responsabilité de cet homme de 83 ans la qualification pénale prendra nécessairement en compte toutes les circonstances de ce drame -, la responsabilité de l'autorité publique est clairement engagée dans cet acte. Elle aimerait connaître la réponse de l'État face à cette défaillance incontestable de tous les services, qu'ils soient publics ou sociaux : pourquoi des signalements nombreux ne débouchent sur rien, sauf sur un geste d'exaspération de la part de celui qui se plaint des harcèlements ? Il faut éviter à l'avenir le renouvellement de ces drames qui interrogent sur l'inefficacité des signalements et des saisines. Le harcèlement récurrent à l'égard d'un citoyen qui ne posait pas de problèmes ne doit pas être une fatalité. La peur et la crainte doivent changer de camp et non rester du côté des gens honnêtes qui n'ont rien à se reprocher. Cela est d'autant plus étonnant que les moyens de police avaient été renforcés à Charleville-Mézières et dans le quartier où a eu lieu ce drame.

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Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 12/06/2025

Dans la soirée du 9 décembre 2022, les policiers de la circonscription de police nationale de Charleville-Mézières (Ardennes) étaient requis pour un homme d'une vingtaine d'années gravement blessé par balle sur la voie publique, dans le quartier sensible de « La Ronde Couture ». Les sapeurs-pompiers et le SAMU étaient déjà sur place. La victime était transportée à l'hôpital dans un état critique. Elle y décédait peu après. L'auteur présumé était désigné comme s'étant réfugié dans son appartement. Une foule menaçante tentait d'y pénétrer. Encerclés par des dizaines de jeunes du quartier qui exprimaient la volonté de « se faire justice », les policiers parvenaient à repousser les individus hostiles et de plus en plus virulents et à entrer dans le logement où ils interpellaient un homme âgé, muni d'une arme longue. Il expliquait avoir tiré, excédé par l'agressivité des jeunes du quartier. Pris à partie par une cinquantaine d'individus et soumis à de nombreux jets de projectiles, les policiers parvenaient, dans une situation extrêmement tendue, à quitter les lieux avec le gardé à vue, en préservant son intégrité physique et celle des jeunes qui souhaitaient se confronter à lui. Plusieurs dizaines d'individus commettaient des exactions et prenaient violemment à partie les policiers revenus sur place pour la poursuite de l'enquête. La police nationale, appuyée par la gendarmerie départementale, parvenait à mettre un terme aux violences urbaines. À la suite de ces événements, une compagnie républicaine de sécurité (CRS) était déployée. Au cours de ces interventions, les policiers ont fait preuve d'un professionnalisme et d'un courage qui doivent être salués. Le mis en cause a lui été présenté au pôle criminel du tribunal judiciaire de Reims le 11 décembre 2022 dans le cadre d'une information judiciaire. Il appartient à l'autorité judiciaire de communiquer sur les suites. Dans les quartiers sensibles de Charleville-Mézières comme dans tout le territoire national, le ministre d'État, ministre de l'intérieur, a fait de la sécurité du quotidien une priorité absolue, notamment dans le cadre des plans d'action départementaux de restauration de la sécurité du quotidien qu'il a demandé à chaque préfet d'élaborer et de lancer en février 2025. Celui des Ardennes prévoit spécifiquement que le secteur de Ronde Couture, qui figure parmi les quartiers prioritaires de la politique de la ville pris en charge par la police nationale, doit faire l'objet d'une attention particulière, avec une présence de voie publique renforcée et quotidienne, jour et nuit. Des interventions ciblées y sont régulièrement menées : contrôles d'identité, recherches dans les parties communes des immeubles d'habitation, contrôles routiers, opérations anti-rodéo, etc. Le nord du quartier fait notamment l'objet de nombreuses interventions. Face aux violences urbaines et aux attaques contre les forces de l'ordre, la police nationale répond systématiquement et par une présence immédiate. Il doit également être noté que le quartier est suivi dans le cadre d'un groupe local de traitement de la délinquance (GLTD), réactivé en septembre 2024. Le quartier fait l'objet d'un partenariat intense entre la préfecture, la police nationale, la police municipale et les bailleurs sociaux. Un partenariat a été initié, notamment, dans le cadre du groupe de partenariat opérationnel (GPO) du secteur « Charleville Est », piloté par le commissariat. Ce partenariat ce poursuit à ce jour dans le cadre de ce GPO associant police nationale, police municipale et bailleurs. Les enjeux du trafic de stupéfiants et d'économie souterraine dans les quartiers sensibles de Charleville-Mézières mobilisent pleinement les forces de l'ordre, notamment dans le cadre du plan d'action départemental de restauration de la sécurité du quotidien qui en fait une priorité. Au cours des quatre premiers mois de l'année 2025, 64 opérations de lutte contre les points de deal ont par exemple été menées, majoritairement dans ce secteur. Ces opérations ont notamment permis de dresser 117 amendes forfaitaires délictuelles et de procéder à de substantielles saisies (1,3 kg d'herbe de cannabis, 0,105 kg d'héroïne, plus de 9 000 euros d'avoirs criminels, etc.). Le plan d'action départemental fait de la lutte contre les atteintes à la tranquillité publique, en lien avec les bailleurs et les collectivités, une autre priorité. Face à l'ampleur des défis, l'action de l'État ne saurait suffire. Une action collective est indispensable pour combattre le recul du civisme, les atteintes à l'autorité, les incivilités, les violences et le communautarisme. La prévention est de la responsabilité de tous. Le ministère de l'intérieur, ainsi que les forces de l'ordre, sont chaque instant mobilisés pour la sécurité de nos concitoyens.

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