Question de M. CAMBIER Guislain (Nord - UC) publiée le 03/10/2024

M. Guislain Cambier attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur concernant l'information des maires sur l'identité des personnes inscrites au fichier S et au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT).
Suite aux menaces terroristes qui pèsent sur notre pays et qui mettent en danger nos concitoyens, les maires, et notamment ceux du Nord, demandent régulièrement la transmission de la liste des personnes résidentes faisant l'objet d'une fiche S, une des 21 catégories du fichier des personnes recherchées (FPR) ou du FSPRT.
Différentes justifications sont évoquées : prévenir des menaces potentielles ; éviter d'employer, en tant qu'agents municipaux, des personnes radicalisées ; être informé de la présence de personnes potentiellement dangereuses sur le territoire de sa collectivité pour les empêcher d'être en contact avec le public ; assurer la sécurité des administrés ; éviter les risques associés à la mise à disposition de locaux par la collectivité...
Cette information permettrait de mettre en place une surveillance renforcée, notamment avec les policiers municipaux, ou une prise en charge adaptée de prévention de la radicalisation, avec l'aide des services sociaux. Il rappelle que l'article L. 2122-24 du code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit que le maire exerce des pouvoirs de police sous le contrôle administratif du représentant de l'État dans le département.
Les maires entendent évidemment l'argument qu'une diffusion systématique des informations concernant le fichier S serait de nature à nuire aux enquêtes judiciaires en cours et compromettre la confidentialité des actions des services de renseignement. Ils entendent également l'argument selon lequel les partages et transmissions d'informations puissent conduire à fonder des décisions potentiellement discriminatoires et donc illégales, mais ils souhaitent, plus génériquement, qu'une large réflexion soit menée pour permettre a minima un partage ponctuel d'informations concernant les individus faisant l'objet d'une inscription au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT).
Dès lors, il lui demande des réponses pour savoir dans quelles situations et dans quel cadre il envisage d'informer les maires concernant des individus faisant l'objet d'une inscription au FSPRT.

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Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 30/10/2025

Les traitements de données à caractère personnel sont encadrés par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, sous le contrôle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Dans sa décision n° 2012-652 DC du 22 mars 2012 sur la loi relative à la protection de l'identité, le Conseil constitutionnel a rappelé que « la collecte, l'enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d'intérêt général et mis en oeuvre de manière adéquate et proportionnée » à l'objectif recherché. Une personne ou autorité ne peut donc légalement consulter un fichier que si cette consultation est nécessaire et proportionnée à raison de ses attributions. L'accès des maires à des informations contenues dans des fichiers mis en oeuvre par le ministère de l'intérieur exige donc qu'il soit justifié au regard des prérogatives qui sont les leurs. Or, le fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) recense et centralise des informations relatives aux personnes qui, engagées dans un processus de radicalisation, sont susceptibles de se rendre à l'étranger sur un théâtre d'opération de groupement terroriste ou de vouloir prendre part à des activités terroristes. Les éléments figurant dans le fichier permettent d'assurer un échange d'informations optimisé entre les services concernés, à savoir essentiellement des services de renseignement, judiciaires et préfectoraux. Les fiches S sont, quant à elles, émises par les services de renseignement pour diffusion dans le fichier des personnes recherchées (FPR) et dans le système d'information Schengen au titre de la sûreté de l'État. Elles constituent un outil de renseignement permettant une mise en attention et une surveillance discrète des individus par les services de renseignement, cette surveillance pouvant parfois résulter de leur simple proximité avec d'autres individus et non à raison de leur propre dangerosité. Le ministère de l'intérieur a défini, dans une instruction du 13 novembre 2018 relative à la mise en oeuvre d'un dialogue renforcé entre l'État et les maires dans le domaine de la prévention de la radicalisation violente, un cadre en vue de permettre un partage ponctuel et non systématique avec les élus locaux d'informations nominatives et confidentielles sur des individus présentant une menace, et ce, sous certaines conditions. Cette instruction énonce notamment que : « l'inscription d'une personne au FSPRT ou l'émission d'une fiche S au FPR constituent des mesures opérationnelles de suivi discrètes, qui doivent, pour être efficaces, rester inconnues de celui qui en fait l'objet. Une diffusion large de ces informations serait susceptible de compromettre les investigations et de nuire à l'exhaustivité des informations contenues dans ces fichiers. C'est pourquoi le maire ne peut avoir un accès direct aux informations contenues dans ces fichiers ». Une information nominative confidentielle sur l'inscription d'une personne au FSPRT ou une fiche S au FPR peut cependant être communiquée par le préfet aux maires. Cette communication s'effectue de façon encadrée, dès lors que le maire peut avoir à en connaitre et sous réserve de l'accord du chef du service de police, de gendarmerie ou de renseignement menant et du procureur de la République territorialement compétent. Par ailleurs, en ce qui concerne le fichier des personnes recherchées (FPR), l'article 5 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 prévoit, depuis 2013, que les agents de police municipale peuvent être rendus destinataires de certaines informations qu'il contient, « dans le cadre des recherches des personnes disparues » ou, à titre exceptionnel, « afin de parer à un danger pour la population ». Dans ce dernier cadre, les informations relatives à une personne inscrite dans le fichier sont transmises oralement par les services de la police nationale et les unités de la gendarmerie nationale. Les maires sont donc associés, autant que possible, dans le cadre du continuum de sécurité et selon le principe du besoin d'en connaître, à la politique de lutte contre la radicalisation à caractère terroriste.

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