Question de M. OUZOULIAS Pierre (Hauts-de-Seine - CRCE-K) publiée le 03/10/2024
M. Pierre Ouzoulias interroge M. le ministre de l'intérieur sur la participation du Gouvernement aux processus de nomination des évêques.
Les évêques de Strasbourg et de Metz sont nommés par décret du Président de la République conformément aux dispositions des articles 4 et 5 de la loi du 18 germinal an X. Pratiquement, le Saint-Siège propose un candidat au Président de la République qui l'accepte en prenant un décret de nomination qui reste secret. Ensuite, le pape nomme l'évêque par une bulle adressée à l'ambassadeur de France près le Saint-Siège. Après son examen par le Conseil d'État, le Président de la République prend un décret de nomination qui est publié par le Journal officiel.
Pour les autres évêchés métropolitains, la relation entre la République française et le Saint-Siège est organisée par un document de mai 1921 appelé « aide-mémoire Gasparri ». Son deuxième paragraphe, rédigé en latin, stipule : « ad Congregationem pro negotiis ecclesiasticis extraordinariis spectat [...] ad vacantes dioeceses idoneos viros promovere, quoties hisce de rebus cum civilibus guberniis agendum est ». Il peut être traduit ainsi : « Il appartient à la Congrégation pour les affaires ecclésiastiques extraordinaires [...] de promouvoir aux évêchés vacants les hommes idoines, après qu'il en a été traité avec les gouvernements civils ».
Ce texte donnerait donc la possibilité au Gouvernement français de donner un avis sur les candidats choisis par le Saint-Siège pour pourvoir un siège épiscopal vacant.
Il souhaite donc qu'il l'informe sur le statut juridique du document appelé « aide-mémoire Gasparri » et sur la valeur de l'avis donné au Saint-Siège par le Gouvernement. Plus fondamentalement, il lui demande s'il est loisible de conserver ce vestige de gallicanisme dans une République laïque à laquelle la loi de 1905 impose la séparation des Églises et de l'État.
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Transmise au Ministère de l'intérieur
Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 05/06/2025
L'aide-mémoire du 20 mai 1921 intervient dans le contexte du rétablissement des relations diplomatiques entre la France et le Saint-Siège qui avaient été interrompues en 1904. La négociation entre Jean Doulcet, chargé d'affaires de l'ambassade de France près le Saint-Siège et le cardinal Pietro Gasparri, secrétaire d'Etat du pape Benoît XV, avait porté sur plusieurs enjeux portés par la France, dont la nomination des évêques et le régime juridique des cultes. Cet aide-mémoire a été accompagné d'un autre accord qui confirme la réciprocité des postes diplomatiques. L'aide-mémoire se présente sous la forme d'un accord non conventionnel entre la France et le Saint-Siège. Le choix d'un aide-mémoire visait à éviter une atteinte au régime de séparation des Eglises et de l'Etat comme l'indiquait Jean Doulcet au ministère des Affaires étrangères en 1920 : « Si l'on tente d'en venir à un échange de stipulations, cela devient un accord bilatéral et l'on rentre dans la voie des concordats et l'on fait une brèche au principe de la séparation ». Cet aide-mémoire, qui s'inscrit par ailleurs dans le cadre de l'article 255 du code de droit canonique adopté en 1917 prévoyant de traiter des nominations épiscopales avec les gouvernements civils, utilisait une formulation qui a été réutilisée par la suite pour l'essentiel par le Saint-Siège avec d'autres Etats. Sur le fond, outre le deuxième paragraphe cité, cet aide-mémoire est suivi par un troisième paragraphe rédigé comme suit : « Par conséquent, la Secrétairerie d'Etat devra désormais s'occuper de la promotion des évêques de France et c'est au Cardinal Secrétaire d'Etat qu'il appartient d'interroger S.E. l'Ambassadeur Français si le Gouvernement a quelque chose à dire au point de vue politique contre le candidat choisi. ». Si les observations d'ordre politique ont pu s'envisager à l'époque comme le moyen de promouvoir un épiscopat compatible avec le régime républicain, elles se sont rapidement cantonnées à des considérations d'ordre public et constitutionnel. L'avis au Saint-Siège ne concerne que les évêques et archevêques résidentiels ainsi que les évêques coadjuteurs avec droit de succession, pour la France hexagonale (hors les diocèses concordataires de Metz et de Strasbourg), la Guadeloupe, la Martinique et La Réunion. Le décret Christus Dominus sur la charge pastorale des évêques dans l'Eglise du 28 octobre 1965, adopté par le concile Vatican II, a rappelé le droit propre et exclusif du pape de nommer des évêques dans l'Eglise catholique et le caractère non-liant de l'avis, nonobstant son caractère éventuellement réservé voire négatif. En tout état de cause, le Saint-Siège n'a à ce jour pas demandé la modification de cet accord.
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