Question de Mme LE HOUEROU Annie (Côtes-d'Armor - SER) publiée le 03/10/2024

Mme Annie Le Houerou attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice au sujet du secret professionnel des conciliateurs lorsqu'ils font face à une réquisition judiciaire.
Le devoir de confidentialité et le secret des échanges font l'objet de préoccupations récurrentes parmi les conciliateurs de justice, comme en témoigne une situation rencontrée à la cour d'appel de Rennes. Un conciliateur, confronté à une convocation en gendarmerie suite à une plainte, s'est interrogé sur la nécessité de communiquer une photo exigée par le demandeur lors d'une rencontre de conciliation dans un litige de voisinage.
La réponse du magistrat coordinateur soulève des questions quant à l'obligation de répondre à une réquisition judiciaire, notamment en l'absence de précision sur l'instance, qu'elle soit pénale ou civile. Alors que le code de procédure civile impose la confidentialité (art. 129-4 du code de procédure civile), sauf accord des parties, le magistrat semble insister sur la réponse rapide aux réquisitions judiciaires, sans égard à la nature de l'affaire.
Les interrogations soulevées sont les suivantes : le point de vue d'un juge sur la nécessité de répondre à une réquisition judiciaire reflète-t-il la position de la chancellerie ? La loi n° 95-125 du 8 février 1995, relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, indique clairement les exceptions à la confidentialité. Comment concilier cette loi avec la pression exercée par le magistrat pour répondre sans délai aux réquisitions judiciaires ?
Elle demande des éclaircissements sur la divergence apparente entre la loi et la position du juge, en particulier en ce qui concerne le respect de la confidentialité en l'absence d'accord des parties face à une réquisition.

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Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Ministère de la justice publiée le 12/06/2025

En application de l'article 21-3 de la loi du 8 février 1995, la conciliation est soumise au principe de confidentialité, interdisant de divulguer aux tiers ou d'invoquer ou produire dans le cadre d'une instance judiciaire ou arbitrale sans l'accord des parties les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation. Ce principe reçoit toutefois exception dans deux cas :Toutefois dans le cadre d'une enquête de police aux termes des article 60-1 et 77-1-1 du code de procédure pénale, ou d'une information judiciaire aux termes de l'article 99-3 du même code, la loi prévoit que toute personne doit répondre à une réquisition d'information effectuée par un officier ou le cas échéant un agent de police judiciaire. Il ne peut lui être opposé, sans motif légitime, l'obligation au secret professionnel, sous peine d'une amende de 3 750 euros. Il se déduit de ces dispositions que le conciliateur de justice ou le médiateur doit disposer d'un motif légitime pour refuser de répondre à une telle réquisition. Contrairement aux réquisitions qui sont adressées aux personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-5 du CPP, pour lesquelles la remise des informations ne peut intervenir qu'avec leur accord, un tel refus est subordonné à la démonstration dans le cas d'espèce de l'existence d'un motif légitime, qui ne saurait être caractérisé du seul fait que les mesures de conciliation ou de médiation présentent de façon générale un caractère confidentiel. En effet la protection prévue à l'article 56-5 du CPP, qui ne vise à protéger que les seuls documents susceptibles d'être couverts par le secret du délibéré, n'est pas susceptible de s'appliquer aux conciliateurs de justice ou aux médiateurs, dont les actes n'ont pas de caractère juridictionnel. L'existence d'une enquête pénale ou l'ouverture d'une instruction judiciaire constituera ainsi le plus souvent une raison impérieuse d'ordre public, qui implique pour le conciliateur de déroger au principe de confidentialité et de communiquer la pièce demandée dans le cadre de réquisitions judiciaires. Toutefois, il devra vérifier l'absence de motif légitime s'opposant à la communication. En effet la violation du principe de confidentialité, hors des cas visés par l'article 21-3 précité, n'est pas sans conséquence au plan civil comme pénal. L'article 129-4 du code de procédure civile rappelle que les constatations du conciliateur et les déclarations qu'il recueille ne peuvent être ni produites ni invoquées dans la suite de la procédure sans l'accord des parties ni, en tout état de cause, dans une autre instance, à peine d'irrecevabilité. Au surplus la divulgation par le conciliateur de ce principe l'expose à des sanctions pénales (article 226-13 du code pénal). L'existence d'un motif légitime pour ne pas répondre à une réquisition judiciaire relèvein fine de l'appréciation souveraine des juges du fond qui évalueront, en cas de refus de réponse du conciliateur et de poursuites à son encontre, la suffisance du motif invoqué.

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