Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UC) publiée le 10/10/2024
M. Hervé Maurey attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le pouvoir des prêtres de refuser certaines manifestations ou programmations dans une église.
L'article 13 de loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État prévoit que les édifices ainsi que les objets mobiliers les garnissant sont laissés gratuitement à disposition du culte. Ainsi, même si la commune est propriétaire d'une église, elle ne peut y imposer la tenue d'un événement sans l'accord du curé.
Cette disposition est appliquée, dans certains cas, avec une rigueur jugée excessive par les élus, lorsque le prêtre n'accepte que la programmation de musique religieuse. S'il est tout à fait compréhensible que certaines musiques, activités ou chants soient jugés inadaptés au lieu, il convient de faire, toutefois, preuve de discernement et de mesure en la matière.
Il rappelle, en effet, qu'au titre de l'article 5 de la loi du 13 avril 1908, les collectivités locales financement souvent largement les églises et consentent des investissements souvent très importants au regard de leur budget limité pour assurer leur rénovation et notamment leur restauration.
Le sénateur souhaite donc connaître les mesures que compte prendre le Gouvernement afin d'éviter des positions trop strictes en la matière et difficilement acceptables par les élus.
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Transmise au Ministère de l'intérieur
Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 05/06/2025
La loi de séparation des Eglises et de l'Etat du 9 décembre 1905 a prononcé la dissolution des établissements publics du culte (article 2) et a prescrit le transfert des biens mobiliers et immobiliers leur appartenant construits entre la loi du 18 germinal an X et le 9 décembre 1905 (article 4) aux associations cultuelles. Le culte protestant et le culte israélite ont accepté les principes posés par la loi du 9 décembre 1905. Les édifices du culte appartenant à leurs établissements publics sont donc devenus la propriété des associations cultuelles créés par ces cultes. En revanche, l'Eglise catholique ayant refusé la constitution d'associations cultuelles, ses édifices du culte n'ont pas pu être attribués à de telles associations. Les édifices affectés à l'exercice du culte catholique, construits avant 1905, sont ainsi devenus la propriété des communes (article 9 de la loi de 1905 modifié par la loi du 13 avril 1908) et ont été laissés à la disposition des fidèles et des ministres du culte pour la pratique de leur religion (article 5 de la loi du 2 janvier 1907). En vertu des dispositions de l'article 13 de la loi du 9 décembre 1905 et de l'article 5 de la loi du 2 janvier 1907, l'affectation des édifices servant à l'exercice public du culte, ainsi que les objets mobiliers les garnissant, est gratuite, exclusive et perpétuelle. L'affectation cultuelle signifie que l'édifice du culte doit être utilisé à des fins cultuelles et, en premier lieu, aux célébrations du culte. Le curé desservant a ainsi autorité dans l'édifice. Il ne peut être mis un terme à cette affectation cultuelle légale, que dans le cadre d'une procédure de désaffectation dont les modalités sont précisées à l'article 13 de la loi de 1905 précité. Par ailleurs, le juge administratif est venu préciser que l'affectation cultuelle comprenait l'ensemble d'un édifice cultuel, ainsi que les dépendances nécessaires et fonctionnellement indissociables de ce lieu de culte (CE, n° 340648, 20 juin 2012, Commune des Saintes Maries de la Mer). Si le caractère cultuel de ces édifices est primordial du fait de leur affectation légale, le législateur a néanmoins considéré que ceux-ci font partie du patrimoine public et que leur intérêt architectural et artistique ainsi que la valeur des objets mobiliers qu'ils contiennent, peuvent conduire à leur classement (article 16 de la loi du 9 décembre 1905). Ainsi l'article 17 de la loi de 1905 en admettant la visite des édifices reconnait un usage non cultuel aux édifices grevés d'une affectation légale. Depuis le 1er juillet 2006, l'article L. 2124-31 du code du patrimoine vient préciser les conditions de l'usage non cultuel de l'édifice affecté au culte. Ce dernier peut être utilisé pour des « activités compatibles avec l'affectation cultuelle » telles que des expositions, concerts ou visites à condition d'obtenir préalablement l'accord de l'affectataire, à savoir le curé. Le juge est également très attentif au respect de l'accord de l'affectataire estimant que l'autorité publique commet une illégalité manifeste en autorisant une manifestation dans un édifice affecté à l'exercice d'un culte sans l'accord du ministre du culte chargé d'en régler l'usage. L'organisation d'une manifestation non autorisée constitue une atteinte à une liberté fondamentale, en tant qu'elle viole la liberté du culte (CE, référé, n° 284307, 25 août 2005, Commune de Massat). Ainsi, la liberté de culte étant une liberté fondamentale (Décision n° 2012-297 QPC du 21 février 2013), toute disposition réglementaire ou législative qui aurait pour objectif de restreindre le pouvoir de l'affectataire du lieu de culte encourt le risque d'être considérée comme inconstitutionnelle. Dès lors, l'usage « partagé » ou « compatible » des édifices du culte admis par le législateur doit se faire dans le respect de l'affectation légale par la voie du dialogue avec les représentants du culte. En s'appuyant sur les résultats très riches des Etats-généraux du patrimoine religieux menés par l'Eglise catholique entre septembre 2023 et décembre 2024, le ministère de l'intérieur souhaite travailler avec la Conférence des évêques de France (CEF) à la mise à jour des documents de conseil à destination des affectataires et des maires pour améliorer les modalités d'un usage partagé respectueux de la liberté de culte et adapté aux réalités de terrain.
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