Question de Mme CORBIÈRE NAMINZO Evelyne (La Réunion - CRCE-K) publiée le 10/10/2024

Mme Evelyne Corbière Naminzo attire l'attention de Mme la ministre de la santé et de l'accès aux soins sur l'état de la santé mentale des jeunes Réunionnais. D'après une étude menée par l'observatoire régional de santé (ORS), une personne se suicide tous les quatre jours sur l'île (deuxième cause de mortalité après les accidents de la route) et trois tentatives de suicide sont enregistrées chaque jour. Durant la période de 2020 à 2022, marquée par la crise sanitaire, les cas de solitude, d'isolement et de violences conjugales ont explosé, conduisant à 1 100 hospitalisations pour tentatives de suicide sur l'île. Outre la pression liée aux exigences sociétales, l'état de santé mentale des jeunes Réunionnais est intimement lié à leurs conditions sociales, à leur pouvoir d'achat, au manque de perspectives d'avenir et à un accompagnement insuffisant. En effet, selon la revue Science, les individus classés dans les dix premiers déciles de revenus présentent un risque de souffrir de dépression, d'anxiété ou de problèmes de santé mentale 1,5 à 3 fois supérieur à celui des personnes les plus fortunées. Il s'agit d'une variable à traiter en priorité lorsque l'on sait qu'à La Réunion, les « ni en emploi, ni en études, ni en formation » (NEET) sont surreprésentés chez les jeunes adultes, avec 26 % des 15 à 29 ans soit deux fois plus qu'au niveau national. En parallèle, l'hôpital public à La Réunion est en crise et l'île fait partie des territoires les moins densément équipés de lits et de places pour des prises en charges à temps complet ou partiel en psychiatrie. Il en va de même pour la densité de lieux de prise en charge ambulatoire en psychiatrie et pour la densité de psychologues. Enfin, il est impératif de mettre en place une politique de prévention et d'accompagnement efficace pour les jeunes, plus en proie aux problèmes de santé mentale, avec un accompagnement psychologique facilité par une densification et une meilleure rémunération de l'activité. Cet accompagnement doit également passer par la multiplication des postes universitaires de pédopsychiatrie et des psychologues de l'éducation nationale ainsi qu'une meilleure formation et un plus grand recrutement d'infirmiers et d'assistants sociaux dans les établissements scolaires. Elle attend du Gouvernement des mesures claires et qu'il prenne en compte le vote unanime du Sénat sur l'ensemble de la proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, invitant le Gouvernement à ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale. Elle demande également au Gouvernement de traiter le problème à la racine, en s'attaquant à la grande précarité de la jeunesse et en donnant les moyens aux services publics concernés.

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Transmise au Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins


Réponse du Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins publiée le 24/07/2025

Le Gouvernement est mobilisé de longue date pour inscrire la santé mentale des enfants et des jeunes comme une priorité de sa politique de santé. Dès juin 2018, et en cohérence avec les objectifs de la stratégie nationale de santé, le Gouvernement a adopté une feuille de route santé mentale et psychiatrie organisée autour de trois axes : la prévention, le parcours de soins et l'insertion sociale. Forte de 37 actions concrètes, elle a été enrichie en 2020 par des mesures complémentaires du Ségur de la santé, en 2021 par 30 mesures issues des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, avec un axe spécifique pour repérer et agir plus précocement pour la santé psychique des enfants et des jeunes en réponse à la dégradation de la santé mentale chez les jeunes constatée depuis la crise du Covid, et en mai 2024 par des mesures des Assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant. Les 30 mesures des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie représentent un coût global pour les finances publiques de près de 1,9 milliard d'euros sur 5 ans (soit environ 380 millions d'euros par an sur la période 2022-2026). Elles représentent aussi, à l'horizon 2026, une augmentation du budget annuel supplémentaire pour notre système de santé de plus de 420 millions d'euros dédiés à la santé mentale et à la psychiatrie. Dans le champ de la prévention, les mesures principales sont l'organisation d'une communication grand public régulière sur la santé mentale, notamment avec le projet de création par Santé publique France d'un site internet dédié à la santé mentale ; l'amplification du déploiement du secourisme en santé mentale dans tous les milieux et la poursuite de ce déploiement auprès des étudiants ; le déploiement d'une stratégie nationale multisectorielle de renforcement des Compétences psychosociales (CPS) chez les enfants et les jeunes dans tous les secteurs accueillant des enfants les adolescents et les jeunes (à la Réunion, les associations prévention suicide et SOS solitude proposent des sessions sur le développement des CPS) ; l'expérimentation de maisons de l'enfant et de la famille en charge de la coordination de la santé des 3-11 ans et enfin, la mise en service du numéro national gratuit de prévention du suicide, le 3114. Santé publique France a lancé plusieurs campagnes de communication ciblant spécifiquement la santé mentale des adolescents et des jeunes depuis 2021 : la campagne « #JEnParleA » pour les 11-17 ans en 2021 et 2022, et, plus récemment, cinq courtes vidéos à destination des 11-24 ans, présentant différents comportements favorables à la santé mentale, « Le Fil Good », réalisées dans le cadre d'un partenariat média et diffusées sur les réseaux sociaux d'octobre 2023 à janvier 2024. Ces communications renvoient systématiquement vers le dispositif Fil Santé Jeunes, qui informe les 12-25 ans sur les différents aspects de leur santé, notamment la santé mentale et le bien-être, et propose un forum, un tchat et un numéro d'appel anonymes et gratuits. Il existe également des lignes d'écoute destinées aux étudiants : Nightline qui est un dispositif associatif soutenu par de nombreux partenaires, notamment ministériels et Cnaé (Coordination nationale d'accompagnement des étudiantes et des étudiants), dont la plateforme téléphonique s'adresse depuis décembre 2023 à tous les étudiants, avec le soutien du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Plus spécifiquement, à La Réunion, en sus du 3114, l'établissement public de santé mentale de La Réunion porte une ligne d'écoute dédiée aux jeunes en situation de mal-être ou ayant des questionnements sur leur santé : Kozé Jeunes (epsmr.org/actualites/49/). De plus, des infirmiers de la maison des adolescents interviennent régulièrement dans les collèges et lycées pour faire de la sensibilisation sur la santé mentale et promouvoir la ligne d'écoute. La prévention du suicide constitue aussi un axe prioritaire de la politique de santé publique du ministère chargé de la santé. Décrite dans l'action n° 6 de l'axe 1 de la feuille de route santé mentale et psychiatrie de 2018, la stratégie nationale de prévention du suicide a comme objectif la mise en oeuvre de façon coordonnée, synergique et territorialisée d'un ensemble d'actions intégrées : le maintien du contact avec la personne qui a fait une tentative de suicide (programme VigilanS) ; des formations au repérage, à l'évaluation du risque suicidaire et à l'intervention de crise suicidaire ; des actions ciblées pour lutter contre la contagion suicidaire ; l'information du public et, enfin, la mise en place du numéro national de prévention du suicide, le 3114. Différents travaux en cours permettront de renforcer l'action à destination des jeunes : adaptation du protocole VigilanS pour le public des mineurs, programme de recherche visant à expérimenter une « Equipe en Ligne d'Intervention et d'Orientation pour les Adolescents et les jeunes adultes en Souffrance » (ELIOS) composée de web-cliniciens formés à la prévention du suicide intervenant directement sur les réseaux sociaux pour venir en aide aux jeunes en proie à des idées suicidaires, et mise en place d'un tchat au 3114 afin d'en faciliter l'accès à ce public. A La Réunion, l'Agence régionale de santé (ARS) a financé un plan de formation de plus de 500 professionnels de l'éducation nationale en collèges et lycées pour améliorer le repérage et l'orientation des élèves en souffrance psychologique, ainsi que la formation de formateurs aux premiers secours en santé mentale (module Jeunes) pour des professionnels de l'Education nationale, de l'université, des missions locales, et de structures accueillant des jeunes. Concernant les soins, le dispositif « Mon soutien psy » permet le remboursement par l'Assurance maladie d'une prestation d'accompagnement psychologique dès l'âge de 3 ans, pour des troubles d'intensité légère à modérée, comprenant jusqu'à 12 séances par an. D'autres mesures clés favorisant l'accès aux soins des jeunes sont le renforcement du réseau des maisons des adolescents, l'augmentation des effectifs des Centres médico-psychologiques pour enfants et adolescents (CMPEA), ainsi que le renforcement en psychologues dans les maisons de santé et centres de santé, avec extension du dispositif aux enfants et adolescents à partir de l'âge de 3 ans. A La Réunion, suite au plan initié en 2019 permettant de renforcer la pédopsychiatrie extra et intra-hospitalière, le taux d'équipement est de 24 lits pour 100 000 jeunes de moins de 18 ans, taux supérieur à celui observé dans l'hexagone. Les CMPEA ont également bénéficié de renforts financiers entre 2021 et 2024, ce qui a permis d'augmenter les files actives et de proposer une première consultation dans les 72h en cas de situation plus urgente. De plus, pour améliorer l'accès des jeunes à une prise en charge psychologique, l'ARS finance la mise à disposition de psychologues au sein des missions locales et des centres de santé universitaires. Le Gouvernement agit donc à la fois sur la prévention et la prise en charge des troubles psychiques des enfants et des jeunes, et reste attentif à l'évolution de l'état de la santé mentale de la population. En déclinaison des orientations nationales, l'ARS de la Réunion s'est également fortement investie sur le sujet, avec des actions concrètes au service de la santé mentale des jeunes Réunionnais. Enfin, dans le cadre de la santé mentale grande cause nationale de 2025, de nombreuses actions de communication seront menées sur l'ensemble des dimensions de la santé mentale.

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