Question de Mme CONWAY-MOURET Hélène (Français établis hors de France - SER) publiée le 10/10/2024

Mme Hélène Conway-Mouret attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le statut des policiers français exerçant au sein du centre de coopération policière et douanière de Tournai.

Les centres de coopération policière et douanière (CCPD) sont des maillons de coopération transfrontalière essentiels dans la lutte contre la petite et moyenne délinquance. Ils sont composés à part variable d'agents de la police nationale, de militaires de la gendarmerie nationale et de douaniers français. Actuellement, six sont basés à l'étranger - et sont régis par des accords bilatéraux - dont le CCPD franco-belge de Tournai en Belgique.

D'une part, il semblerait que les agents affectés à ce centre, dont les missions ne sont pas restituées en France, ne se voient en conséquence attribuer ni prime de fidélisation ni compensations des frais de mission.

D'autre part, ils ne peuvent être considérés comme des agents à l'étranger, leur résidence administrative étant fixée en France.

Par ailleurs, il apparaît que ces fonctionnaires perdent les avantages liés à leur affectation précédente sur le territoire national et que la plupart d'entre eux n'aient pas été proposés à l'avancement depuis longue date.

Compte tenu de ces difficultés, elle souhaiterait donc savoir si une adaptation - voire une refonte - du statut administratif de ces effectifs pourrait être envisagée afin que leurs droits soient reconnus.

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Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 05/06/2025

Institués en application du cadre juridique de l'accord de Schengen et d'accords bilatéraux, les centres de coopération policière et douanière (CCPD), situés à proximité des frontières, sont des organes d'appui à la coopération transfrontalière chargés, notamment, de l'échange d'informations et de la facilitation de la coordination opérationnelle. Le personnel de la partie française d'un CCPD compte des agents de la police nationale et des douanes et des militaires de la gendarmerie nationale. En application du règlement d'emploi des centres de coopération policière et douanière du 25 novembre 2002, les agents qui servent dans un centre de coopération policière et douanière sont soumis au lien hiérarchique et au pouvoir disciplinaire de leur administration d'origine. En ce qui concerne les personnels actifs de la police nationale qui y exercent, sont applicables les dispositions du code général de la fonction publique (issues de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État). Les policiers sont mis pour emploi opérationnel auprès du CCPD, auprès duquel ils sont affectés de manière permanente. Le fonctionnaire de police « mis pour emploi opérationnel » auprès d'un CCPD reste en position d'activité, que le CCPD soit en France ou à l'étranger, et il est rattaché administrativement à sa direction d'emploi. Il a ainsi le même statut que l'ensemble des fonctionnaires rattachés à la direction d'emploi, quel que soit le lieu d'exercice de son activité. Leur affectation au CCPD ne modifie pas l'affectation administrative, qui reste établie à la circonscription dans laquelle l'agent doit être considéré comme exerçant ses fonctions. S'agissant de l'indemnité de fidélisation, il a été confirmé par la juridiction administrative (cour administrative d'appel de Douai) que si un fonctionnaire certes affecté administrativement dans un « secteur difficile » (au sens du décret du 15 décembre 1999 modifié portant attribution d'une indemnité de fidélisation en secteur difficile aux fonctionnaires actifs de la police nationale) exerce en réalité ses attributions ailleurs, en l'espèce dans la zone de compétence d'un CCPD, il ne peut prétendre au bénéfice d'une telle indemnité. La cour administrative d'appel de Douai s'est en effet prononcée, le 26 décembre 2019, concernant la zone de compétence du centre de coordination policière et douanière de Tournai, en jugeant qu'elle s'étend aux cinq départements français de l'Aisne, des Ardennes, du Nord, de la Meuse et de la Meurthe-et Moselle, et non au ressort de la circonscription de police nationale de Lille. Concernant les frais de mission, des agents mis pour emploi dans des CCPD avaient saisi le juge administratif aux fins d'indemnisation de leurs déplacements selon le barème des frais de mission. Le tribunal administratif de Lille avait initialement fait droit aux requêtes des agents en 2017 en les regardant comme « agents en mission » au sens des dispositions du décret du 3 juillet 2006 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l'État. Le ministère de l'intérieur avait fait appel de ces jugements et la cour administrative d'appel de Douai, par 12 arrêts de décembre 2019, avait suivi la position de l'administration en jugeant qu'un agent affecté en CCPD ne pouvait être regardé comme un agent effectuant des déplacements temporaires au sens du décret du 3 juillet 2006 et ne saurait, dès lors, solliciter une indemnité de mission au titre des repas et des frais divers exposés à l'étranger. Déboutés de leur demande, ces agents avaient alors introduit des pourvois devant le Conseil d'État contre les arrêts par lesquels la cour administrative de Douai avait refusé de les regarder comme des « agents en mission ». Par une décision du 27 mai 2021, le Conseil d'État a rejeté leurs pourvois en confirmant le raisonnement de la cour administrative d'appel de Douai : les policiers sont, à raison de leur « mise pour emploi opérationnel » au centre de coopération policière et douanière de Tournai, affectés à ces postes de manière permanente et sans limitation de durée, de sorte que leurs trajets quotidiens entre leurs domiciles personnels situés dans le département du Nord et leur lieu de travail de Tournai ne pouvaient être regardés comme des déplacements temporaires pour l'application du décret du 3 juillet 2006, et ce alors même que l'administration considérait que la résidence administrative de l'intéressé restait à Lille et qu'elle lui avait établi des ordres de mission mensuels pour exercer ses fonctions à Tournai. Le droit à indemnité au titre du décret de 2006 précité est donc aujourd'hui tranché. Il convient également de rappeler que les agents mis pour emploi opérationnel auprès du CCPD bénéficient d'une convention de restauration prenant en charge leurs repas pris sur le temps de service, avec un reste à charge (environ 2 euros) modeste pour les fonctionnaires. Par ailleurs, ils peuvent se voir proposer à l'avancement par leur service d'origine, sur proposition du coordonnateur du CCPD. La situation des policiers affectés en CCPD demeure l'objet de débats juridiques sur le champ d'application du décret du décret du 28 mars 1967 fixant les modalités de calcul des émoluments des personnels de l'État et des établissements publics de l'État à caractère administratif en service à l'étranger. Se pose essentiellement la question de la spécificité des charges liées aux fonctions exercées dans le CCPD, que ce décret a vocation à indemniser, à savoir des conditions d'exercice des fonctions et des conditions locales d'existence. La question est donc celle de l'indemnité de résidence à l'étranger (IRE). En effet, tirant les conséquences de l'arrêt, précité, rendu par la cour administrative d'appel de Douai, des agents affectés en CCPD ont estimé que « si l'agent ne pouvait être considéré comme étant en mission à l'étranger, il était nécessairement considéré comme affecté à l'étranger ». Ces agents ont ainsi entendu se prévaloir du versement de l'indemnité de résidence à l'étranger. Au cours de l'été 2020, ils ont ainsi saisi la juridiction administrative de recours indemnitaires visant à obtenir la réparation des préjudices nés du non-versement des sommes auxquelles ils estiment avoir droit en application du décret du 28 mars 1967 précité. Par trois jugements de février 2023, le tribunal administratif de Paris a reconnu aux fonctionnaires de police la qualité d'agents affectés à l'étranger, et condamné l'administration à leur verser la différence de rémunération. Le juge administratif a ainsi estimé qu'un agent affecté de manière permanente à un poste de travail situé à l'étranger, l'occupant effectivement et ne relevant d'aucune des exceptions définies à l'article 1er du décret du 28 mars 1967, devait être regardé comme en service à l'étranger au sens des dispositions de ce même article 1er et en situation de présence au poste au sens de l'article 18 du même décret. La présence au poste comptant parmi les situations dans lesquelles peuvent être placés les personnels titulaires des services actifs de la police nationale en service à l'étranger, le juge a considéré que l'État avait commis une faute en estimant que la situation de ces agents ne donnait pas droit aux émoluments pour services à l'étranger prévus par les textes. Le juge reconnaissait ainsi aux fonctionnaires de police exerçant au sein des CCPD la qualité d'agents affectés à l'étranger pouvant prétendre à l'IRE. En revanche, la juridiction administrative a estimé que le fonctionnaire de police étant en position d'activité, il n'était pas fondé à se prévaloir de l'irrégularité de sa position administrative, et a donc rejeté les préjudices financier et moral. L'administration avait interjeté appel de ces jugements. Par 12 arrêts en date du 21 décembre 2023, la cour administrative d'appel de Douai avait rejeté ces appels. En février 2024, le ministère de l'intérieur s'est pourvu en cassation devant le Conseil d'État, considérant qu'eu égard à l'objet même de l'IRE, aux conditions d'exercice des fonctions et aux conditions locales d'existence(article 5 du décret du 28 mars 1967), une telle indemnité n'a pas vocation à être versée aux agents affectés en CCPD, qui rejoignent, chaque soir, leur domicile situé en France. Ces pourvois ont été admis par le Conseil d'État en novembre 2024. Par ailleurs, des réflexions sont en cours à l'administration centrale du ministère de l'intérieur afin de clarifier le statut juridique des agents en CCPD.

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