Question de Mme SOLLOGOUB Nadia (Nièvre - UC) publiée le 17/10/2024

Mme Nadia Sollogoub attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques sur les conséquences de l'effacement des petits ouvrages hydrauliques sur la préservation de la ressource en eau. Des scientifiques alertent sur le rôle essentiel des petites retenues d'eau, notamment en tête de bassin des cours d'eau, qui assurent une réserve précieuse lors des périodes de sécheresse. Ces retenues, qui prennent la forme de petits seuils de moulins voire de digues d'étangs, ne stockent pas uniquement de l'eau dans les ruisseaux et les rivières mais également dans les nappes alluviales. En période d'étiage, la nappe alluviale soutient le débit du cours d'eau. Par ailleurs, l'amélioration de la qualité des eaux, par le processus de dénitrification qui est observé dans les eaux fluviales ralenties, n'est plus à démontrer. La communauté scientifique est unanime à ce sujet. Par suite, le Parlement a voté la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets comportant une disposition visant à proscrire la pratique de la destruction des retenues d'eau, jusque-là soutenue financièrement et massivement par les agences de l'eau. Dans ce contexte et deux ans après l'adoption de cette mesure, elle demande, d'une part, que lui soit confirmé que les programmes des agences de l'eau ne financent plus de tels massacres aux conséquences désastreuses, et d'autre part, que les aménagements garantissant le maintien de l'eau dans les cours d'eau soient fortement développés notamment dans l'intérêt de la faune, qu'elle soit aquatique ou terrestre.

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Transmise au Ministère de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche


Réponse du Ministère de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche publiée le 17/07/2025

La politique de restauration de la continuité écologique concilie les enjeux de restauration des fonctionnalités des cours d'eau avec le déploiement de la petite hydroélectricité, la préservation du patrimoine culturel et historique, ou encore les activités sportives en eaux vives. La plupart des interventions réalisées et financées sont des mises en place de dispositifs de franchissement avec maintien de l'ouvrage et de la retenue amont. Toutefois, de nombreuses études et publications scientifiques démontrent l'intérêt d'effacer des petits ouvrages en cours d'eau, tant pour la survie et la reproduction des poissons migrateurs que pour l'amélioration générale des fonctionnalités des rivières, de leur biodiversité et de la qualité des eaux. Le bon niveau de conciliation doit donc être adapté aux enjeux de chaque cours d'eau et bassin versant, en laissant une place suffisante à la suppression de seuils inutiles et obsolètes, seule solution de continuité permettant la restauration d'habitats et de la qualité de l'eau. Le règlement européen pour la restauration de la nature en fait d'ailleurs un objectif volontaire, preuve que ces solutions sont globalement positives et nécessaires chaque fois qu'elles sont possibles. Concernant la gestion quantitative de la ressource en eau, sur le plan scientifique, les petites retenues en cours d'eau ne jouent qu'un rôle mineur sur le soutien à l'étiage. Leur faible volume ne permet pas de conserver un débit minimal durable en période de sécheresse. Seules les grandes retenues (plusieurs millions de m3), majoritairement situées en amont des bassins versants, peuvent relâcher sur plusieurs semaines l'eau stockée pour maintenir un écoulement minimal dans les cours d'eau. L'effacement d'un petit nombre d'ouvrages n'est donc pas responsable des assèchements observés l'été sur de nombreux cours d'eau : il s'agit plutôt d'une conséquence du dérèglement climatique, souvent accentué par un usage trop intense de la ressource en eau sur cette période de basses eaux. Par ailleurs, le libre écoulement de l'eau au sein d'un bassin versant, notamment à travers son réseau de cours d'eau, est un processus structurant du grand cycle de l'eau. Cette eau qui s'écoule n'est donc pas perdue, elle est apportée gratuitement aux territoires en aval. Elle contribue au bon fonctionnement des écosystèmes aquatiques naturels et au maintien de leurs services gratuits comme l'auto-épuration de l'eau et la dénitrification naturelle, la création de biomasse ou le maintien des zones humides et du soutien d'étiage naturel qu'elles peuvent assurer tout au long du linéaire. Aussi, en ce qui concerne la gestion qualitative de l'eau et des écosystèmes aquatiques, l'intérêt des petites retenues d'eau qui transforment des eaux courantes en eaux stagnantes, réchauffent les eaux et concentrent les sédiments et les pollutions, est contestable pour le maintien de la biodiversité aquatique et l'atteinte du bon état écologique des cours d'eau. Et c'est pourquoi d'ailleurs, les suppressions de seuils ou plans d'eau réalisés par les collectivités ayant la compétence GEMAPI ont très souvent pour motivation l'amélioration de la qualité biologique et physico-chimique des cours d'eau, avec des résultats globalement positifs observés dans la majorité des cas suivis scientifiquement. Ces bénéfices sont liés à la restauration de la libre circulation des organismes aquatiques (poissons, macro-invertébrés, etc.) et des sédiments, à la diversification des écoulements et des habitats, à la baisse de la température de l'eau ou encore à la disparition des cyanobactéries ou de l'eutrophisation. Ces opérations peuvent néanmoins susciter des inquiétudes légitimes, notamment en lien avec la préservation du patrimoine local ou l'évolution des paysages. Le ministère y est attentif, et c'est pourquoi chaque projet fait l'objet d'un travail de concertation territoriale, au plus près des réalités de terrain. Enfin, la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience ne proscrit pas la pratique de destruction de retenues d'eau, mais encadre celle-ci concernant le cas particulier des moulins situés sur les cours d'eau classés en « liste 2 » au titre du L214-17 du code de l'environnement, soit 11% du linéaire des cours d'eau, en prévoyant que « S'agissant plus particulièrement des moulins à eau, l'entretien, la gestion et l'équipement des ouvrages de retenue sont les seules modalités prévues pour l'accomplissement des obligations relatives au franchissement par les poissons migrateurs et au transport suffisant des sédiments, à l'exclusion de toute autre, notamment de celles portant sur la destruction de ces ouvrages. » Les agences de l'eau financent des décisions respectant les dispositions légales. Il convient également de rappeler que les projets de restauration de la continuité écologique sont portés localement, par les collectivités compétentes au titre de la GEMAPI. Ces interventions sont construites dans le cadre d'un dialogue avec les usagers du territoire et en cohérence avec les objectifs de gestion durable de l'eau à l'échelle des bassins versants. Et, en outre, la cour administrative d'appel de Versailles dans sa décision du 18 novembre 2024 a reconnu légales les dispositions du programme d'intervention de l'agence de l'eau Seine-Normandie prévoyant le financement de suppressions d'ouvrages en lit mineur. Le ministère reste pleinement à l'écoute des retours du terrain et des attentes exprimées par les élus comme les citoyens. Il ne s'agit pas d'opposer les usages, mais de construire des solutions durables permettant de concilier la préservation des milieux aquatiques avec les activités humaines, au bénéfice des territoires et des générations futures.

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