Question de M. GREMILLET Daniel (Vosges - Les Républicains) publiée le 24/10/2024

M. Daniel Gremillet interroge M. le ministre de l'intérieur sur la remise en cause du modèle français de secours.

Le volontariat français est en danger. En outre, le comité européen des droits sociaux a conclu, à l'unanimité, en février 2023, à la violation de la charte sociale européenne. Sa décision arrête trois violations. Précisément, son article 1er, paragraphe 2 en raison de la différence de traitement discriminatoire en matière de rémunération entre les sapeurs-pompiers volontaires (SPV) et les sapeurs-pompiers professionnels ; son article 2, paragraphe 1 en raison de la non prise en compte de la totalité du temps de travail des sapeurs-pompiers volontaires , son article 7, paragraphe 2 compte tenu du fait que l'implication des jeunes des SPV dans les opérations de lutte contre les incendies n'est pas strictement nécessaire à leur formation professionnelle et que les mesures prises pour protéger la sécurité et la protection de la santé de ces adolescents sont insuffisants.

Cette décision, en assimilant les SPV à des « travailleurs » et en considérant qu'ils sont victimes d'un traitement discriminatoire en matière d'indemnisation et de temps de travail et en condamnant l'implication des sapeurs-pompiers âgés de 16 à 18 ans dans les opérations de lutte contre l'incendie, remet en cause le modèle français de secours. Au-delà, c'est la pérennité du volontariat et la qualité du système de secours , l'engagement citoyen mais aussi la résilience des territoires face aux nouveaux défis climatiques notamment qui sont remis en cause. Ce sont, aussi, toutes les formes d'engagement citoyen qui s'en trouvent ébranlées.

À l'occasion d'un litige sur le droit, ou non, d'accueillir des mineurs dans les sapeurs-pompiers volontaires, le Conseil d'État, dans sa décision du 19 avril 2022, a précisé la valeur, en droit français, de toute une série de normes internationales relatives à l'enfance ou au travail. Il a posé que l'engagement de mineurs âgés de plus de 16 ans comme sapeurs-pompiers volontaires n'attentait ni au préambule de la Constitution de 1946, ni au droit international ou européen en ce domaine.

Au-delà du cas des jeunes soldats du feu, la Haute Assemblée, à cette occasion, a posé que toute une série de normes internationales étaient dépourvues d'effet direct en droit français en ces domaines.

Il demande au Gouvernement de bien vouloir lui indiquer quelles sont ses intentions visant à pérenniser et à développer le volontariat dans les services d'incendies et de secours. Il s'agit de continuer à garantir une réponse opérationnelle efficace et peu coûteuse à travers, également, une bonification retraite en reconnaissance de l'engagement altruiste des SPV.

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Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 05/06/2025

Le comité européen des droits sociaux, organe de suivi de la charte sociale européenne chargé de se prononcer sur la conformité de la situation dans les États parties à cette convention, a effectivement rendu le 14 février dernier une décision, en réponse à une organisation syndicale, qui traite de la situation des sapeurs-pompiers volontaires français, et émis des recommandations, adoptées le 10 juillet dernier par le comité des ministres du conseil de l'Europe. Ces recommandations n'ont pas la même portée juridique que les règlements et directives adoptées par l'Union européenne. Par leur engagement au service de nos concitoyens, les sapeurs-pompiers volontaires occupent une place centrale dans notre modèle de sécurité civile. Aussi, depuis de nombreuses années et quelles que furent les majorités, le Gouvernement et le Parlement ont veillé à mettre en place des mesures destinées à conforter la spécificité des sapeurs-pompiers volontaires, en insistant sur le fait que cet engagement ne pouvait être assimilé à celui d'un travailleur. Une mission a été confiée à l'inspection générale de l'administration (IGA) en 2023, afin de dresser un diagnostic et proposer des recommandations permettant d'assurer la pérennité du modèle de sécurité civile français et de consolider les modalités d'engagement des sapeurs-pompiers volontaires. Cette mission a pris le soin de se rendre sur le terrain pour s'assurer auprès d'élus, notamment des présidents de conseils d'administration, sur la base de données collationnées auprès des services d'incendie et de secours eux-mêmes, de la réalité des situations locales. Le rapport qui en résulte ouvre des perspectives sur le management des sapeurs-pompiers volontaires et leurs attentes ainsi qu'une analyse objectivée de leur activité. Il met par ailleurs en évidence la situation de vulnérabilité de certains services d'incendie et de secours au regard de leurs pratiques. Si la mission conclut que le volontariat n'est pas, en tant que tel, soumis aux règles européennes régissant le temps de travail, des mesures seront à prendre pour éloigner ce risque de qualification des sapeurs-pompiers volontaires comme travailleurs au sens du droit européen. C'est donc bien dans l'esprit de soustraire les sapeurs-pompiers volontaires français à l'application des dispositions de la directive européenne sur le temps de travail que les travaux à venir continueront d'être menés. Les préconisations portées par le rapport de l'IGA appellent des travaux qui font l'objet d'une concertation approfondie avec l'ensemble des acteurs représentant les sapeurs-pompiers. Le « Beauvau de la sécurité civile » en cours, permettant à chacun d'être associé à la réflexion sur l'avenir de la sécurité civile en France, est l'occasion de conforter notre modèle de volontariat en intégrant cette dimension européenne. Ces travaux poursuivent un objectif : traiter les fragilités auxquelles exposent certaines pratiques, pour permettre à la France de continuer à bénéficier de l'apport indispensable de l'engagement citoyen des sapeurs-pompiers volontaires.

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