Question de Mme MICOULEAU Brigitte (Haute-Garonne - Les Républicains) publiée le 21/11/2024
Mme Brigitte Micouleau attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la crise durable et profonde que traverse le secteur de la restauration et sur les modalités de remboursement des prêts garantis par l'État (PGE).
Subissant des crises depuis 2018, le secteur a été particulièrement impacté par la pandémie de covid-19. Plus récemment, depuis la dissolution, une forte baisse de fréquentation a été constatée, amplifiée par l'annonce des mesures d'effort budgétaire drastiques contenues dans le projet de loi de finances.
Si le PGE a permis de sauver une grande partie de la profession, il est aujourd'hui un piège pour ce métier ; non le prêt en lui-même mais son système de remboursement avec une durée trop courte qui implique des remboursements mensuels trop élevés.
Les événements extérieurs, la baisse de fréquentation, la baisse des prix moyens, les charges supplémentaires conduisent à une asphyxie totale des établissements du secteur de la restauration par manque de trésorerie.
Le PGE permettait d'emprunter 25 % du chiffre d'affaires sur 4 ans avec un décalage possible de 2 ans sur la première échéance. La grande majorité des entreprises de la restauration a utilisé le décalage autorisé, mais sur la période de 2020 à 2022 encore fortement impactée par les fermetures et les restrictions.
La situation ne leur a donc pas permis de reconstituer une trésorerie afin de se donner du souffle pour le début des remboursements.
Avec un résultat moyen de la restauration en France se situant entre 3 et 5 %, l'équilibre de la situation financière ne peut pas être assuré. Même les meilleures entreprises, celles qui font plus de résultat, se retrouvent sans capacité d'investissement, impliquant une absence d'amélioration de leur espace d'accueil de la clientèle, des conditions salariales de leurs employés, des perspectives d'innovations ... Elles sont ainsi vouées à un déclin forcé.
Si une possibilité de décalage des remboursements pour les petits PGE existe, les entreprises ne l'utilisent pas car cela conduit à être noté en incident bancaire par la Banque de France.
L'avenir est sombre pour la profession qui se dirige vers de nombreuses fermetures par dépôts de bilans, des redressements judiciaires induisant des licenciements et ainsi une forte perte de remboursements pour l'¤État. Ceci sans compter sur la perte de moral des entrepreneurs restaurateurs qui aujourd'hui ne voient plus d'avenir.
Afin d'éviter que le secteur de la restauration ne soit totalement sinistré et afin de lui apporter une lueur d'espoir, elle lui demande donc quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour assouplir les conditions de remboursement des PGE et pour mettre en place des modalités de décalage de remboursement ou des échéances plus étalées dans le temps.
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Transmise au Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique publiée le 05/06/2025
Alors que notre pays était frappé par la crise du COVID-19, le dispositif des prêts garantis par l'État (PGE) a permis d'éviter une paralysie de l'économie. 600 000 entreprises ont pu lever ces PGE en moins de 3 mois et donc trouver une sécurisation immédiate en trésorerie. Tandis que pour celles qui n'ont pas eu recours au PGE, le fait de savoir que cette possibilité existait a permis une continuité de l'activité économique. C'est donc toute la chaîne qui a tenue grâce à ce dispositif massif, psychologiquement et financièrement impactant. En premier lieu, il convient de rappeler que les perspectives macroéconomiques de remboursement de PGE sont encourageantes à ce stade. À la fin juin 2024, 62 % des montants octroyés ont été remboursés et cette proportion est la même quelle que soit la taille d'entreprise. Les appels en garantie s'élèvent à cette date à 4,3 Mds euros, soit 3 % du total octroyé. La part des PGE dans l'emprunt des entreprises représente désormais une portion marginale de leur dette bancaire. Pour les entreprises devant encore finir de rembourser leur PGE, le Gouvernement continue de s'attendre à ce que la très grande majorité d'entre elles soit en situation de le faire. Face aux difficultés de remboursement, le Gouvernement reste attentif au fait que les entreprises qui pourraient rencontrer des difficultés puissent effectivement utiliser les possibilités d'étalement de ces prêts au-delà de 6 ans qui ont déjà été ouvertes. Le cadre existant le permet déjà, et aucune modification du régime des PGE pour augmenter leur étalement n'est possible. En effet, les étalements de PGE au-delà de 6 ans sont possibles dans le cadre de procédures amiables pour tout débiteur qui en aurait le besoin au vu de sa situation. En particulier, il est attendu que ces étalements soient mis en oeuvre sous l'égide d'un tiers qui veille au juste partage de l'effort entre les créanciers lorsqu'il en existe plusieurs de même rang, de sorte à ce que le PGE ne soit pas systématiquement plus mal traité au motif qu'il est garanti par l'État. Ces étalements furent possibles dans le cadre européen des aides accordées lors de la crise du COVID-19. Le contexte économique a aujourd'hui changé et la France ne pourrait plus obtenir une nouvelle dérogation. Par ailleurs, le régime des aides aux entreprises en difficulté est très encadré au niveau européen afin d'éviter toute distorsion de concurrence entre les États membres. Depuis janvier 2022, une procédure simplifiée a même été créée pour les plus petits dossiers (moins de 50 000euros), et fait intervenir la médiation du crédit. Cette procédure est gratuite et confidentielle, ce qui est particulièrement sécurisant pour les très petites entreprises (TPE) qui envisageraient d'y recourir, qui auraient autrement pu être découragées par les frais administratifs des procédures judiciaires amiables ou par la publicité de leurs difficultés financières. Bien que simplifiée, il s'agit néanmoins d'une procédure aboutissant le cas échéant à une restructuration amiable, ce qui signifie d'une part qu'elle nécessite in fine l'accord de la banque et du débiteur, qui doivent co-signer l'accord de restructuration du prêt, et d'autre part le classement du prêt en prêt non performant si tel n'était pas déjà le cas. Autrement dit, pour l'entreprise sollicitant un étalement de son PGE auprès de sa banque dans le cadre d'une de ces procédures, il n'y a donc jamais de certitude sur l'issue de la procédure. La banque est en effet amenée à prendre en compte une multitude de facteurs propres à la situation de l'entreprise, notamment l'état de sa trésorerie, son niveau d'activité et sa solvabilité, qui réunis permettent à la banque d'apprécier la nécessité avérée d'un allongement du prêt. L'État est garant du prêt mais le prêt en lui-même relève de l'échange entre la banque commerciale qui l'a accordé et l'entreprise bénéficiaire, sans ingérence de l'État dans cette négociation privée. En outre, la règlementation bancaire européenne en vigueur, en particulier le règlement CRR (article 178), impose aux banques de requalifier un prêt, garanti ou non, comme « prêt non-performant » dans le cas d'une restructuration telle que celle intervenant dans le cadre de la procédure mentionnée précédemment et régie par la médiation du crédit, si elle ne l'avait pas déjà fait auparavant au vu de sa perception de la dégradation de la situation financière de l'entreprise. Cependant cette requalification n'est connue que de la banque concernée. De plus, les TPE qui auraient besoin de mesures de restructuration supplémentaires à la suite d'un premier étalement obtenu à l'aide de la médiation du crédit, peuvent solliciter l'ouverture d'une procédure amiable judiciaire, où les allongements n'ont alors pas d'autre limite dans le temps que celle qu'approuvera ou constatera le juge. Pour terminer, il est utile de rappeler que ces mesures d'étalement des PGE, qui sont indispensables dans certains cas, impliquent toujours un coût accru pour l'Etat, qui se trouve exposé sur une durée plus longue à un risque de défaillance de l'emprunteur. Aussi, limiter les allongements de PGE aux cas où cela est réellement nécessaire et adapté à la situation de l'entreprise est une mesure essentielle pour prévenir tout dérapage du coût du dispositif pour les finances publiques. Le Gouvernement y est particulièrement attentif dans le contexte budgétaire actuel.
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