Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UC) publiée le 28/11/2024
M. Hervé Maurey attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur l'opportunité de mettre en place une autorité européenne de régulation des plateformes de cryptoactifs afin de protéger les épargnants et de renforcer la sécurité financière au sein de l'Union européenne.
La Banque de France et l'autorité des marchés financiers (AMF) ont récemment pris position en faveur de la mise en place d'une autorité européenne capable de superviser directement les investissements réalisés au sein de l'Union européenne au travers des plateformes de cryptoactifs. Elles soulignent que, dès 2019, la France a mis en place sa propre règlementation en la matière et que l'entrée en vigueur à venir du règlement sur les marchés de cryptoactifs (dit MiCA) (notamment la mise en place d'un passeport européen pour les plateformes opérant au sein du marché unique) devrait améliorer la régulation d'une industrie très mondialisée (toutes les transactions étant réalisées sur Internet) et difficilement contrôlable à l'échelle nationale.
Elles précisent, toutefois, que l'entrée en vigueur d'un texte européen ne peut pas, seule, garantir son application stricte et homogène, notamment lorsque le siège social d'un acteur est situé dans un État membre, mais que l'essentiel de son activité est opéré dans d'autres États.
La Banque de France et l'AMF demandent donc que la supervision des plateformes de cryptoactifs ne soit pas confiée aux autorités de régulation nationale, mais plutôt à l'autorité européenne des marchés financiers (ESMA) qui serait, selon elles, plus efficace que les autorités nationales pour lutter contre le blanchiment de capitaux et les transactions occultes à grande échelle.
Il souhaite donc connaître la position de la France au sein du Conseil de l'Union européenne en la matière et les mesures qu'il compte prendre afin d'appuyer le projet de création d'une autorité européenne de supervision directe des plateformes de cryptoactifs.
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Transmise au Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique publiée le 05/06/2025
L'intégration de la supervision financière européenne figure parmi les priorités stratégiques françaises pour l'union de l'épargne et de l'investissement (UEI) depuis la relance des réflexions autour de cet agenda en amont de la prise de fonction de la nouvelle Commission. Cette volonté que la supervision financière, jusqu'ici laissée aux mains des autorités nationales, soit centralisée au niveau européen sous l'égide de l'autorité européenne des marchés financiers (ESMA), a été identifiée comme un axe prioritaire pour l'accomplissement de l'UEI par l'ensemble des rapports de haut niveau sur le sujet (rapports Noyer, Draghi, Letta), qui poussent tous pour une transition vers une supervision unique des principaux acteurs financiers européens, dont notamment les prestataires de service sur crypto-actifs (PSCA). Le règlement européen relatif aux marchés de crypto-actifs (dit MiCA), dont la négociation a été réalisée sous présidence française de l'UE au premier semestre 2022 impose, notamment sous impulsion française, aux PSCA comptant plus de 15 millions d'utilisateurs actifs dans l'UE (en moyenne par jour au cours d'une année civile), considérés comme « significatifs », de notifier leur autorité nationale du franchissement de ce seuil dans un délai de 2 mois, cette dernière devant à son tour en informer l'ESMA. Si les PSCA significatifs restent supervisés au niveau national, les autorités nationales doivent, au moins une fois par an, informer l'ESMA des principales évolutions en matière de surveillance (« key supervisory developments ») concernant les PSCA significatifs. Ces « key supervisory developments » concernent à la fois : (i) les agréments en cours ou octroyés, (ii) les procédures de retrait d'agrément, (iii) la mise en oeuvre de mesures de supervision telles qu'une suspension de la fourniture de services sur crypto-actifs, un avertissement sur le fait qu'un PSCA ne respecte pas les obligations auxquelles il est soumis, le transfert de contrats existants à un autre PSCA en cas de retrait de l'agrément d'un PSCA, le retrait d'une personne physique de l'organe de direction d'un PSCA, la fermeture de site internet, ou encore l'ordre de supprimer des noms de domaines. En outre, l'ESMA est chargée d'établir une liste des CASP conformes (avec la liste des États membres dans lesquels le CASP prévoit de fournir ses services) et une liste non exhaustive des entités non conformes fournissant des services sur crypto-actifs. Cette dernière comprend les entités fournissant des services en violation des dispositions relatives à l'agrément des PSCA et à la reverse sollicitation. Ces listes sont publiques, disponibles sur le site internet de l'ESMA et mises à jour régulièrement, sur la base des informations transmises par les autorités nationales compétentes. Il convient de noter que, dans le cadre du rapport d'application du règlement MiCA, la Commission devra évaluer la pertinence du seuil de 15 millions d'utilisateurs actifs permettant de désigner les PSCA significatifs et une évaluation de la coopération entre les autorités compétentes et l'ESMA concernant leur supervision, dans les 2 ans suivant l'entrée en vigueur du règlement (soit d'ici juillet 2026). Si le débat sur la supervision des marchés à l'échelon européen a pendant longtemps été motivé par des préoccupations très principalement liées à la stabilité financière, il s'inscrit aujourd'hui dans un agenda plus large de renforcement de la compétitivité des acteurs financiers européens et de meilleur financement de nos entreprises européenne, deux axes renforcés par le contexte international actuel. Ce renouvellement des termes du débat au profit des problématiques de compétitivité et de développement du marché a ainsi permis à cet agenda promu par la France de recueillir progressivement un soutien plus marqué, auprès de plusieurs États membres comme des acteurs privés, jusqu'ici fermement opposés à tout renforcement des prérogatives confiées à l'ESMA. La Commission européenne a pris des engagements relativement forts en la matière, comme l'a confirmé la récente présentation de la « communication UEI » de la Commission [i]. Ce plan d'action de la Commission, fruit d'un travail d'influence actif des autorités françaises notamment suite à l'écho trouvé par le rapport Noyer, témoigne d'un degré élevé, annonçant la publication d'une proposition législative en vue d'une « supervision financière plus unifiée, notamment via un transfert de tâches au niveau européen » dès le 4e trimestre 2025 permettant d'européaniser la supervision de certains acteurs avec des activités transfrontières (infrastructures de marché, gestionnaires d'actifs) et mentionne également explicitement les PSCA. Dans la continuité des positions exprimées depuis deux ans, la France reste mobilisée pour renforcer l'intégration européenne de la supervision des PSCA. ------------ [1] https://finance.ec.europa.eu/document/download/13085856-09c8-4040-918e-890a1ed7dbf2_en?filename=250319-communication-savings-investmlents-union_en.pdf
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