Question de M. DUMOULIN Éric (Yvelines - Les Républicains-A) publiée le 16/01/2025

M. Éric Dumoulin interroge M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice à propose du mécanisme du cantonnement au sein de notre droit successoral. En vertu des articles 1002-1 et 1094-1 du code civil, la possibilité est offerte au légataire universel ou au conjoint survivant de limiter
leur acceptation à une fraction déterminée de l'actif successoral, dans le but d'équilibrer les parts entre cohéritiers.
Une problématique émerge cependant, touchant à la faculté de démembrer un bien lors de cette opération de cantonnement. Plus précisément, la question se pose de savoir si l'on peut renoncer exclusivement à la nue-propriété d'un bien tout en conservant l'usufruit. Cette interrogation soulève plusieurs enjeux fondamentaux.

D'une part un problème de conformité légale : le texte de loi ne prévoit pas explicitement cette possibilité, ce qui laisse place à une interprétation divergente au sein de la doctrine. Certains auteurs, tels que MM. Delmas, Saint-Hilaire et Sauvage, défendent l'idée que le cantonnement pourrait s'étendre au démembrement des droits réels, tandis que d'autres, comme M. Grimaldi et B. Vareille, y voient une distorsion de l'esprit des articles susmentionnés.

D'autre part un problème de sécurité juridique : l'absence de clarté sur ce point risque de créer une insécurité juridique, pouvant conduire à des litiges successoraux où les parties seraient en désaccord sur l'étendue exacte des droits dévolus par cantonnement.

En outre, un problème d'équilibre successoral : permettre ou non le démembrement lors du cantonnement pourrait avoir des répercussions sur l'équité entre héritiers, affectant non seulement la répartition des biens mais aussi la gestion et l'usage des biens successoraux.

Enfin un problème d'implications fiscales : une telle pratique pourrait entraîner des complexités fiscales, en modifiant les bases imposables et en influençant les droits de succession ou les obligations en matière de déclaration fiscale.

Il lui demande de bien vouloir l'éclairer sur la position du Gouvernement quant à cette possibilité de démembrement lors du cantonnement, en précisant si des initiatives législatives sont envisagées pour clarifier cette question et garantir ainsi une application homogène et juste de notre droit successoral.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 21/08/2025

La loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités a offert au légataire (article 1002-1 du code civil) et au conjoint survivant gratifié à cause de mort (article 1094-1 alinéa 2 du code civil), sous réserve que le disposant ne s'y est pas opposé, la possibilité de cantonner leur émolument à une partie des biens dont il a été disposé en leur faveur, sans que cette limitation ne soit considérée comme une libéralité faite aux autres successibles. La circulaire du 29 mai 2007 relative à la présentation de la réforme des successions et des libéralités (p. 10) précise que « le cantonnement implique préalablement que la vocation successorale a été acceptée et que cette acceptation est accompagnée ou suivie du choix de n'en profiter qu'en partie, cette partie pouvant être déterminée (en portant sur tel bien compris dans l'émolument), indivise (une quote-part de biens) ou ne porter que sur un droit réel tel l'usufruit ou la nue-propriété ». Cette souplesse dans les modalités du cantonnement est conforme à l'esprit du texte qui est d'offrir un outil permettant d'adapter la transmission en fonction de la casuistique des situations patrimoniales et familiales. Ainsi, si le gratifié a la liberté de renoncer à la pleine propriété d'un bien, il doit pouvoir, a minima, choisir de limiter la portée du leg qui lui a été fait à la seule nue-propriété ou à l'usufruit. En tout état de cause, la pratique notariale peut résoudre la difficulté en prévoyant expressément dans le legs ou l'institution contractuelle entre époux, dès lors que cela est conforme à la volonté du disposant, une clause aux termes de laquelle le légataire ou le conjoint survivant est autorisé à modifier la nature du droit transmis par voie de cantonnement

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