Question de M. CHAIZE Patrick (Ain - Les Républicains) publiée le 16/01/2025
M. Patrick Chaize appelle l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique sur l'état d'application de la loi n° 2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique dite loi SREN, et en particulier sur la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles dans le secteur du cloud computing.
L'objectif de ce texte est de renforcer la souveraineté numérique française et européenne, notamment par l'introduction de l'article 26, qui permet à l'Autorité de la concurrence de s'auto-saisir en cas de pratiques déloyales telles que la vente liée, fréquente dans ce secteur. Ces pratiques, utilisées par certains acteurs dominants du cloud empêchent la portabilité des licences logicielles, restreignent la liberté des utilisateurs et nuisent à l'innovation et à la compétitivité, notamment dans des secteurs stratégiques comme l'intelligence artificielle. La Federal Trade Commission (FTC) aux États-Unis et la Competition and Markets Authority (CMA) au Royaume-Uni se sont d'ailleurs récemment saisies du sujet, menant actuellement des enquêtes.
Malgré les objectifs affichés par la loi SREN, aucun décret d'application pourtant annoncé pour novembre 2024, n'a encore été publié. En outre, le texte prévoit que l'Autorité de la concurrence présente au Parlement et au Gouvernement un rapport d'évaluation sur ces pratiques dans un délai de 18 mois à compter de sa promulgation, mais aucune information n'a été communiquée à ce sujet.
Dans ce contexte, il lui demande quelles mesures immédiates le Gouvernement compte prendre pour garantir la publication rapide des décrets d'application de la loi SREN et permettre à l'Autorité de la concurrence d'agir pleinement. Il souhaite également connaître les initiatives prévues pour lutter contre les pratiques anticoncurrentielles et assurer un marché du cloud compétitif et souverain. Enfin, il l'interroge sur sa volonté de travailler avec la Commission européenne pour une régulation coordonnée et efficace du cloud.
- page 88
Réponse du Ministère délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'intelligence artificielle et du numérique publiée le 05/06/2025
Le Gouvernement s'est engagé depuis plusieurs années dans une politique ambitieuse pour soutenir le développement d'un marché cloud diversifié, concurrentiel et de confiance, reposant à la fois sur l'instauration d'un cadre réglementaire protecteur et sur le soutien au développement de l'offre française et européenne. Cette stratégie s'illustre tout d'abord par la mise en place d'une stratégie de cloud de confiance qui repose sur la qualification SecNumCloud. Délivrée par l'agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), elle garantit un niveau de protection élevé des services qualifiés contre les accès non-autorisés aux données qu'ils hébergent et traitent, notamment par le recours à des lois extraterritoriales. Par ailleurs, grâce à la loi n° 2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et réguler l'espace numérique (SREN) portée par le gouvernement, et à la demande des parlementaires, les dispositions législatives relatives à la protection des données sensibles contre les législations extraterritoriales, s'agissant des administrations de l'État, ses opérateurs ou certains groupements d'intérêt public, ont été renforcées. A cette dynamique s'ajoute la politique industrielle du Gouvernement, portée par la stratégie d'accélération cloud dans le cadre du plan d'investissements France 2030. Cette stratégie vise à soutenir l'essor des offres françaises innovantes - y compris provenant du logiciel libre, accélérer le passage à échelle des acteurs français sur les technologiques critiques et intensifier le développement de technologies de rupture, telles que l'edge computing, afin de positionner la filière française à la pointe de l'innovation. En l'espace de trois ans, près de 300 millions d'euros ont été investis dans l'innovation française au travers : d'un appel à manifestation d'intérêt qui a permis de faire émerger et de soutenir une grande diversité de projets sur toutes les thématiques du continuum cloud-edge. du projet important d'intérêt européen commun (PIIEC Cloud), porté par la France et l'Allemagne en tant que co-coordinateurs et validé par la commission européenne, avec 3 grands projets français pilotés par Orange, Atos et Amadeus accompagnés de laboratoires et de petite et moyenne entreprise (PME). d'appels à projets ciblés pour accompagner la structuration de certaines communautés (suites collaboratives, espaces de données, etc.). d'un programme et équipements prioritaires de recherche (PEPR) pour faire progresser les technologies cloud et faciliter le transfert des innovations et solutions issues de la recherche vers l'industrie. S'agissant des décrets d'application de la loi SREN, et en particulier de celui relatif à l'article 26, les travaux rédactionnels sont actuellement en cours au sein des services concernés, afin d'aboutir au choix des meilleurs dispositions permettant d'atteindre les objectifs fixés par le législateur, sans pour autant pénaliser les acteurs français du cloud au détriment de leurs concurrents, sur un marché du cloud que l'on sait encore insuffisamment concurrentiel. En effet, à la suite de l'arrêt de la Cour de justice du 9 novembre 2023 dit « Google Irlande », la Cour de justice a eu l'occasion de rappeler les conditions dans lesquelles les États membres sont en mesure de réglementer les opérateurs installés dans d'autres pays de l'Union, selon la procédure définie notamment dans la directive européenne e-commerce. Mettre en oeuvre des dispositions qui ne s'appliqueraient qu'aux acteurs français reviendrait à les pénaliser. Cette analyse complexe des réalités économiques et des conséquences majeures sur les acteurs du marché du cloud, y compris les acteurs français, recquiert un travail poussé. Aussi, ces travaux sont menés en concertation avec les acteurs du marché et la Commission européenne pour qu'ils s'appuient sur une vision réaliste de la situation et des pratiques actuelles du marché. Cette méthode, dont découle des rélais de rédaction allongée, est celle qui permettra de parvenir à un texte équilibré et qui satisfait de manière efficace les objectifs fixés. Les équipes des services concernés sont pleinement mobilisées afin de faire aboutir ces travaux dans les meilleurs délais.
- page 3208
Page mise à jour le