Question de Mme LINKENHELD Audrey (Nord - SER) publiée le 23/01/2025

Mme Audrey Linkenheld interroge M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur sur les nombreuses difficultés rencontrées par les usagers dans l'utilisation des plateformes numériques mises en place par les préfectures pour effectuer des démarches administratives dématérialisées, telles que la régularisation de leur situation, le renouvellement de leur titre de séjour ou les demandes de naturalisation.

Dans le département du Nord, ces problèmes sont particulièrement aigus, en raison d'un volume important de demandes lié à la densité de la population et à une forte proportion de résidents étrangers. La préfecture du Nord gère chaque année plus de 30 000 titres de séjour, dont 9 000 premières demandes, ainsi qu'environ 40 000 récépissés. Cependant, ces plateformes présentent des dysfonctionnements récurrents qui provoquent une augmentation considérable des réclamations. Ainsi, entre 2020 et 2024, le Défenseur des droits a relevé une hausse de 400 % des plaintes concernant ces outils. Les associations locales signalent que de nombreux usagers se heurtent à des problèmes tels que l'impossibilité de prendre rendez-vous, de déposer des pièces jointes ou de mener plusieurs démarches simultanément, ce qui complique davantage l'accès à leurs droits.

Cette augmentation des réclamations s'inscrit dans un contexte de retards structurels déjà importants dans le traitement des dossiers. Dans le Nord, ces difficultés ont des conséquences graves : pertes d'emploi, interruptions de prestations sociales, et situations administratives critiques, comme le rapportent les associations d'aide aux étrangers. Les pannes informatiques nationales, notamment celle survenue en septembre 2023, n'ont fait qu'accentuer ces problèmes en perturbant la remise de documents officiels, déjà retardée par les défaillances des plateformes numériques locales.

Pour répondre à ces difficultés, le Défenseur des droits préconise des mesures concrètes : permettre le dépôt de dossiers papier en cas de blocage numérique, renouveler automatiquement les attestations provisoires durant le traitement des demandes, et allouer des ressources supplémentaires aux préfectures afin d'améliorer leur capacité de traitement.

Face à ces constats, Madame la Sénatrice demande quelles mesures le Gouvernement envisage pour résoudre ces dysfonctionnements et garantir un accès équitable aux démarches administratives. Elle souhaite également connaître les initiatives prévues pour accompagner les usagers face à la fracture numérique, notamment dans un département comme le Nord, où ces problèmes sont particulièrement prégnants.

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 26/06/2025

Face aux volumes que représente aujourd'hui la délivrance des titres de séjour (1.229.869 titres délivrés en 2024) et conscient des conséquences que peuvent entrainer des délais de traitement dégradés, le ministère de l'intérieur a fait de la lutte contre les ruptures de droit une priorité, notamment dans le cadre du déploiement du programme « administration numérique pour les étrangers en France » (ANEF). Ce portail, utilisable à tout moment, sur ordinateur, tablette ou smartphone, a été conçu pour être simple d'utilisation et fluidifier le parcours des usagers qui n'ont dès lors plus besoin de prendre un rendez-vous pour déposer leurs demandes. Aujourd'hui, plus de 80% des demandes traitées par les préfectures sont déposées au moyen du téléservice. Afin de garantir l'égal accès au service public et l'exercice effectif des droits des étrangers, un dispositif d'accompagnement numérique des usagers étrangers a par ailleurs été mis en place à compter de novembre 2021 pour les personnes éloignées du numérique ou ne disposant pas d'un accès à internet. Cet accompagnement est réalisé par le centre de contact citoyen (CCC) de France Titres et les points d'accueil numérique (PAN) des préfectures et des sous-préfectures. L'administration est en outre tenue de mettre en oeuvre une « solution de substitution » pour les usagers qui demeurent dans l'impossibilité de déposer leur demande de manière dématérialisée pour des raisons tenant à la conception ou au mode de fonctionnement de l'ANEF. La demande de titre est alors effectuée directement auprès de la préfecture ou de la sous-préfecture du département de résidence de l'usager. Un rendez-vous physique individuel est systématiquement proposé et les modalités de prise de rendez-vous comprennent au moins deux vecteurs, dont l'un n'est pas numérique. La dématérialisation des demandes de titres de séjour est ainsi assortie de la mise à disposition d'un accompagnement aux démarches en ligne ainsi que d'une voie de dépôt de substitution en cas de défaillance constatée du téléservice. À cet égard, la direction générale des étrangers en France a renforcé son dispositif de prise en charge des dysfonctionnements affectant le portail ANEF (plan de résolution des anomalies, renforcement de la chaîne de soutien, déplacement des équipes techniques en préfecture). Chaque déploiement de téléprocédures est en outre assorti d'un dispositif d'accompagnement renforcé à l'égard des usagers et des préfectures (mise à disposition, y compris des points d'accueil numérique (PAN) et du centre de contact citoyens (CCC), de guides, foires aux questions, kits de communication etc.). La rubrique « Besoin d'aide ? » du portail ANEF est par ailleurs composée de plusieurs FAQ complètes et fait l'objet de mises à jour régulières. En parallèle, le ministère de l'intérieur travaille à la refonte des sites internet des services de l'État dans les départements. L'accent est mis sur la nécessité d'une information similaire sur l'ensemble du territoire, fiable et à jour notamment en ce qui concerne les démarches pour les titres de séjour. Par ailleurs, l'accompagnement individualisé des préfectures dans le cadre des missions d'appui et de conseil conduites par les services centraux du ministère de l'intérieur a permis la mise en oeuvre par les services concernés de préconisations tendant à rendre plus lisible et accessible l'information mise à disposition des usagers mais également à optimiser les procédures d'instruction et méthodes de travail internes. Depuis 2022, une trentaine de missions d'accompagnement a été conduite auprès du réseau des préfectures. En outre, afin d'éviter les situations de ruptures de droit et d'atténuer ainsi les incidences pour l'usager des délais de traitement s'ils sont dégradés, le téléservice ANEF permet à l'usager de télécharger, via son espace personnel, les documents suivants : - une attestation de prolongation d'instruction d'une durée de trois mois, renouvelable, lorsque l'instruction de poursuit au-delà de la date de validité du titre expiré, dès lors qu'un dossier complet est déposé. Ce document permet de justifier de la régularité du séjour, accompagné du titre expiré dans le cas d'un renouvellement ; - une attestation de décision favorable, générée automatiquement, dès que l'administration statue favorablement sur la demande. Ce document permet de justifier de la régularité du séjour dans l'attente de la remise effective du titre de séjour accordé. Afin de garantir la prise en compte de ces documents et ainsi l'accès aux droits des usagers, une campagne de sensibilisation et de communication a été menée à l'attention des usagers étrangers mais également des acteurs de l'accompagnement de ces publics ainsi que de ceux de la protection sociale et de l'emploi. Par ailleurs, un nouvel outil numérique visant à prévenir les situations de ruptures de droit a été développé par le ministère de l'intérieur. Les usagers étrangers titulaires d'un titre de séjour dont le motif est disponible sur l'ANEF sont désormais alertés par courriel et par SMS de l'arrivée à échéance prochaine de leur titre et du délai dans lequel leur demande de renouvellement doit être présentée. Enfin, il existe un dispositif légal qui permet de garantir la continuité des droits de l'étranger qui sollicite le renouvellement d'une carte de séjour pluriannuelle d'une durée de quatre ans, d'une carte de résident ou d'un titre de séjour d'une durée supérieure à un an prévu par une stipulation internationale. En effet, l'article L.433-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) prévoit que l'étranger, titulaire de l'un de ces titres et qui en demande le renouvellement, peut justifier de la régularité de son séjour entre la date d'expiration de ce document et la décision prise par l'autorité administrative sur sa demande par la présentation de la carte ou du titre expiré, jusqu'à trois mois à compter de cette date d'expiration. Pendant cette durée de trois mois, l'usager conserve l'intégralité de ses droits sociaux ainsi que son droit d'exercer une activité professionnelle. La préfecture du Nord, qui délivre chaque année un peu plus de 40 000 titres de séjour, s'est particulièrement mobilisée pour réduire les délais de traitement. En complément des actions pilotées au niveau national, plusieurs dispositifs exceptionnels visant à réduire le stock de demandes et à piloter plus efficacement les délais de traitement ont été localement mis en oeuvre. En moyenne, il est observé un gain d'un à deux mois sur la délivrance des titres en l'espace d'une année, à l'exception des titres étudiants pour lesquels des actions spécifiques vont être menées. Une convention entre la préfecture et l'université de Lille est notamment en cours de finalisation.

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