Question de Mme VARAILLAS Marie-Claude (Dordogne - CRCE-K) publiée le 13/02/2025

Mme Marie-Claude Varaillas appelle l'attention de Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la nécessité de reconnaître le préjudice moral subi par les éleveurs contraints à l'abattage préventif de leur cheptel en raison de la tuberculose bovine.

Au-delà des pertes économiques, ces abattages constituent un véritable drame humain et professionnel. De nombreux éleveurs témoignent du traumatisme provoqué par la disparition brutale de leurs animaux, qui représentent bien plus qu'une simple production et font partie intégrante de leur quotidien. Face à des protocoles administratifs rigides et complexes auxquels s'ajoute un protocole de surveillance extrêmement lourd, imposant des mesures strictes de mise en quarantaine et des tests de dépistage répétés, nombre d'éleveurs se retrouvent contraints à l'abattage total de leur troupeau. Des années de travail sont alors réduites à néant en quelques jours et l'abattage des bêtes saines par mesure de précaution accentue le sentiment d'injustice et d'impuissance des éleveurs.

De plus les indemnisations existantes restent insuffisantes et inadaptées aux réalités du terrain. Elles se limitent aux pertes matérielles sans prendre en compte les répercussions psychologiques pour ces professionnels, qui peinent à reconstruire leur exploitation. Les conditions d'octroi sont d'ailleurs particulièrement contraignantes : 30 % du montant ne sont versés qu'à la condition de reconstituer le cheptel dans un délai d'un an et à l'identique, ce qui est souvent impossible, notamment pour les races rares ou les troupeaux patiemment constitués au fil des années.

Dans ce contexte, de nombreux éleveurs s'interrogent sur la rigidité du protocole actuel et plaident pour une approche plus pragmatique. L'exemple du département de la Côte-d'Or démontre qu'une lutte efficace contre la tuberculose bovine est possible grâce à des mesures de biosécurité adaptées et une gestion ciblée de la faune sauvage. En treize ans, le nombre de foyers est passé de 45 à un seul, et la prévalence de la tuberculose chez les blaireaux a été divisée par deux. La concentration des cas dans certaines zones localisées, dont le Sud-Ouest, et le développement de la maladie chez certaines espèces d'animaux sauvages (sangliers, cerfs et blaireaux) rend son éradication plus complexe et appelle une réponse adaptée, juste et durable, permettant aux éleveurs de poursuivre leur activité tout en garantissant la lutte contre la maladie.

En juin 2024, le ministère de l'agriculture annonçait la mise en place pour la fin de l'année 2024 d'un groupe de travail associant les représentants agricoles afin d'adapter les dispositifs d'indemnisation et de mieux répondre aux attentes du terrain.

Elle souhaite donc savoir si le Gouvernement envisage d'adapter le protocole actuel en privilégiant un abattage sélectif, associé à un suivi renforcé, afin de limiter les pertes inutiles et si une reconnaissance spécifique du préjudice moral subi par les éleveurs pourrait être intégrée aux dispositifs d'indemnisation existants.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 11/09/2025

La France a été déclarée officiellement indemne de tuberculose bovine en 2001, ce qui garantie un niveau sanitaire favorable et des débouchés commerciaux fluides pour les bovins vivants et leurs produits. L'objectif répété depuis de nombreuses années dans la lutte contre cette maladie est de maintenir le statut indemne du pays et ainsi éviter les possibles contaminations humaines par la tuberculose bovine cette maladie qui reste une zoonose mondialement répandue. En 2024, il a été identifié 81 foyers de tuberculose bovine en France. En 2023 on en dénombrait 93. La situation s'est donc nettement améliorée depuis 2018 (123 foyers), année de référence de la mise en place du système de surveillance actuel. La tuberculose bovine est une maladie complexe dont l'élimination sur un territoire est longue et demande de nombreux efforts de tous les acteurs. Un des points les plus sensibles est la qualité de la mise en oeuvre de la surveillance qui doit être optimale afin de détecter précocement tous les foyers de la maladie. C'est par de tels efforts qu'en Côte-d'Or, dans les Ardennes et en Camargue que la tuberculose bovine a quasiment disparu malgré la présence d'animaux sauvages également infectés. Les nombreuses questions soulevées sont bien identifiées par les services du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Elles font actuellement l'objet de travaux dans le cadre de la feuille de route tuberculose bovine adoptée le 9 juillet 2024 pour la période 2024-2029. Les acteurs professionnels sont associés à ces travaux, ce qui doit leur permettre d'être force de propositions. L'objectif n'est pas le statut quo. Cependant les mesures qui résulteront de cette feuille de route devront rester dans le cadre des dispositions réglementaires européennes et être scientifiquement fondées. Parmi les axes de travail, des discussions scientifiques et épidémiologiques concernant une évolution des modalités d'assainissement des foyers ont été initiées en décembre 2024 et janvier 2025. Des propositions sont actuellement au stade de la discussion avec les représentants des éleveurs. Quant à la notion de préjudice moral, ce n'est pas une donnée prise en compte dans le cadre de ces travaux, ni d'ailleurs dans la réglementation sanitaire européenne et française. Le métier d'éleveur est exigeant, exposé à des aléas dont les risques sanitaires. Si la feuille de route doit rechercher à améliorer les dispositions à ce jour en place, que ce soit concernant la gestion des suspicions et des foyers ou sur les modalités d'indemnisation sanitaire, le principe de préjudice moral relève quant à lui de contentieux devant les tribunaux et ne saurait être intégré dans le cadre des travaux précités. Le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire suit avec attention tous les territoires où cette maladie demeure afin que les mesures de lutte soient déployées avec le discernement qu'il se doit, en ne perdant pas de vue l'objectif qui demeure la protection de la santé publique et l'amélioration de la situation sanitaire nationale pour donner du sens et de la perspective aux éleveurs exposés au risque de cette maladie sur leurs animaux.

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