Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UC) publiée le 13/02/2025
M. Hervé Maurey attire l'attention de Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur le projet de règlement européen 2025/0021 (COD) visant à majorer certains produits importés directement ou indirectement de Russie et de Biélorussie, dont les engrais azotés.
Ce projet de règlement prévoit une hausse progressive des droits de douane sur certains engrais, débutant par une majoration de 40 voire 45 euros par tonne et pouvant aboutir à une majoration de 315, voire 430 euros, par tonne d'engrais au bout de trois ans d'application dudit règlement.
L'Union européenne a importé de la Fédération de Russie au moins 3,6 millions de tonnes d'engrais azotés en 2023 et la Commission européenne indique que ces importations sont encore plus nombreuses en 2024. En outre, selon le secrétariat général à la planification écologique, 80% de la consommation d'engrais azotés en France sont issus d'importations. Celui-ci souligne, par ailleurs, que l'alternative de l'azote organique fait face à des « impasses techniques et économiques », ce qui démontre la dépendance à court et moyen terme de notre agriculture aux engrais azotés.
En l'absence d'alternative, la hausse de droits de douane européens sur les engrais azotés importés va mécaniquement accroître les coûts de production des agriculteurs, fragilisant davantage un secteur en crise.
S'il est nécessaire de mettre en oeuvre une filière européenne, voire nationale, compétitive de production d'engrais azotés, il est inconcevable que ces barrières douanières soient brutalement mises en oeuvre, aux dépens du secteur agricole européen.
Il souhaite donc connaître les mesures que compte prendre le Gouvernement pour éviter qu'une majoration des droits de douane européens appliqués aux engrais azotés importés renchérissent les coûts de production des agriculteurs français.
- page 546
Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 05/06/2025
La Commission européenne a présenté le 28 janvier 2025 une proposition de règlement augmentant unilatéralement les droits de douane de l'Union européenne (UE) applicables aux derniers produits agricoles non-sanctionnés ou soumis à droits de douane réhaussés jusqu'à présent, et à certains engrais importés de Russie et de Biélorussie. En effet, l'UE est libre de fixer les droits de douanes à l'importation de produits originaires de ces deux pays, ayant révoqué leur statut de la nation la plus favorisée dans le sillage de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. C'est la deuxième fois que la Commission propose de recourir à l'instrument tarifaire pour tarir les importations de Russie et de Biélorussie vers l'UE, après sa proposition adoptée par le Conseil en mai 2024 sur certaines céréales, oléagineux et produits dérivés. Cette proposition de règlement a pour objectif de réduire le financement de l'effort de guerre russe tout en réduisant la dépendance aux engrais russes. Toutefois, afin que ce règlement serve effectivement ces objectifs et celui de renforcer la souveraineté alimentaire européenne, il est nécessaire de préserver, en parallèle, pour les agriculteurs, un accès prévisible et suffisant aux engrais, et à des prix abordables. C'est pourquoi la France a réitéré avec force auprès de la Commission et de ses partenaires européens l'importance d'intégrer pleinement cet objectif dans la mise en oeuvre de la proposition de règlement. Le projet de règlement intègre ainsi plusieurs éléments susceptibles de limiter son impact sur les prix des engrais. Tout d'abord, l'augmentation des droits de douane sur les engrais russes et biélorusses n'est prévue qu'à partir du 1er juillet 2025, et non le lendemain de la publication, comme ce sera le cas sur les produits agricoles dans le champ du règlement. Ensuite, seuls les engrais contenant de l'azote sont concernés par la proposition. En outre, il est prévu qu'un contingent avec des droits plus faibles soit introduit et qu'il soit dégressif pendant trois ans jusqu'au 1er juillet 2028. Les droits intra-contingentaires seront également progressifs. Cette période de montée en charge progressive du dispositif permettra de laisser du temps pour la recomposition des chaînes logistiques en diversifiant les origines des importations d'engrais. Cela permettra enfin de donner des perspectives pour la relance de l'outil productif sur le territoire européen. Par ailleurs, la Commission européenne s'est engagée à mettre en place une surveillance renforcée du marché des engrais pendant quatre ans. En cas de hausse substantielle des prix par rapport aux niveaux de 2024, la Commission s'est engagée à évaluer la situation et à prendre, le cas échéant, toute mesure de remédiation, y compris une suspension des droits de douane erga omnes appliqués aux importations des pays tiers, à l'exception de la Russie et de la Biélorussie. Cela permettra de maîtriser les prix des engrais pour les agriculteurs européens en cas de besoin. La proposition de la Commission a été adoptée à une très large majorité au Parlement européen, illustrant le soutien important dont elle bénéficie. La France restera vigilante quant à ses impacts potentiels sur les coûts de production des agriculteurs. Concernant le développement de la production nationale d'engrais, alors qu'aujourd'hui plus des deux tiers des engrais utilisés en France sont importés et que 80 % sont produits à partir de gaz fossile, le Gouvernement a décidé, lors du dernier conseil de la planification écologique qui s'est réuni le 31 mars 2025, la préparation d'un plan de souveraineté « Engrais » pour l'agriculture et l'alimentation visant à renforcer l'autonomie stratégique en la matière.
- page 2971
Page mise à jour le