Question de M. CARDON Rémi (Somme - SER) publiée le 20/02/2025

M. Rémi Cardon attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique quant à la situation du groupe ArcelorMittal en France.

Après l'annonce, le 25 novembre 2024, de la fermeture de ses sites dans le Nord et la Marne, le groupe prévoit désormais de délocaliser certaines de ses activités support vers l'Inde. Cette politique suscite de vives inquiétudes, notamment pour l'avenir du site de Dunkerque, où travaillent 3 200 personnes.

ArcelorMittal représente à lui seul les deux tiers de la production d'acier en France et a bénéficié de financements publics considérables. Pourtant, le groupe semble poursuivre une logique de désengagement industriel et social du territoire national. Cette situation est d'autant plus préoccupante dans un contexte de guerre commerciale exacerbée, notamment avec les États-Unis, où l'administration Trump défend vigoureusement son industrie sidérurgique.

Il lui demande quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour garantir le maintien des capacités industrielles stratégiques du pays et éviter que l'acier français ne soit sacrifié au profit d'intérêts financiers de court terme. Il l'interroge également sur les engagements qu'ArcelorMittal a pris en contrepartie des soutiens publics reçus et sur les moyens de contraindre ce groupe à respecter ses responsabilités économiques et sociales en France.

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Transmise au Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie publiée le 01/05/2025

L'industrie sidérurgique est un secteur stratégique pour l'économie de l'Union européenne, car elle fournit des intrants essentiels à de nombreux secteurs comme l'automobile, l'énergie, la construction et la défense. Une transition propre et numérique ne peut se faire sans l'acier, qui se trouve à la base de nombreuses chaînes de valeur industrielles. Le Gouvernement est conscient de la situation préoccupante de la sidérurgie européenne, confrontée à plusieurs défis majeurs menaçant sa pérennité. Les coûts de production ont augmenté en raison de la hausse des coûts de l'énergie et du carbone, alors que les prix ont chuté en raison des surcapacités mondiales, de la concurrence déloyale des pays tiers et de la baisse de la demande. En conséquence, la production de l'Union européenne a diminué et l'utilisation actuelle des capacités est inférieure aux niveaux de rentabilité. Cette situation compromet la décarbonation des usines sidérurgiques européennes, plusieurs producteurs ayant interrompu leurs investissements dans des projets d'acier vert, à l'image d'ArcelorMittal à Dunkerque, dont le projet de décarbonation est une étape indispensable dans le maintien - à terme - de son activité. Cette situation tout à fait inédite unique appelle la France à s'engager au niveau national (i) et au niveau européen (ii). Au niveau national, l'État soutient ce projet stratégique, puisqu'il a signé en janvier 2024, via l'ADEME, une convention d'aide de 850 millions d'euros. Cette aide n'a pas encore été versée puisqu'elle est conditionnée à la commande effective des actifs stratégiques du projet, à savoir les fours à arc électrique (EAF) et le réacteur DRP. Par ailleurs, pour permettre à ArcelorMittal et plus généralement aux industriels électro-intensifs d'accéder à une électricité compétitive, EDF développe, dans le cadre de l'accord conclu avec l'État en novembre 2023, une nouvelle politique commerciale basée sur des contrats de long terme d'environ 10 ans, négociés bilatéralement avec les industriels dans une logique de partage du risque. En janvier 2024, ArcelorMittal a d'ailleurs annoncé avoir signé avec EDF une lettre d'intention relative à la conclusion d'un contrat d'allocation de la production, ce qui lui permettra de sécuriser ses approvisionnements futurs en électricité en France, et ce à un prix compétitif. Au niveau européen, le gouvernement plaide pour des mesures urgentes nécessaires pour assurer à ArcelorMittal, ainsi qu'aux autres acteurs européens, des perspectives économiques claires et porteuses lui permettant d'engager ses investissements dès 2025. En octobre dernier, nous avons été à l'initiative de la réouverture de la mesure de sauvegarde afin d'améliorer la protection de la filière de l'acier européen. Nous avions également alerté la Commission européenne sur la nécessité absolue d'élaborer un plan d'urgence pour l'acier européen. Ce plan a figuré parmi les priorités des 100 premiers jours du nouvel exécutif européen, en faveur d'une amélioration significative des instruments de défense commerciale, afin qu'ils soient plus efficaces et rapidement opérationnels. Il a été annoncé le 19 mars 2025 par le Commissaire Séjourné. En parallèle, et pour maintenir l'enjeu de la sidérurgie européenne sur le haut de la pile des priorités de l'Union Européenne, le Gouvernement a été à l'initiative d'un « Sommet européen pour une stratégie autour de l'industrie de l'Acier » coprésidé par les ministres chargés de l'industrie de la France, de l'Italie et de l'Espagne, et soutenu par les gouvernements de la Belgique, du Luxembourg, de la Roumanie et de la Slovaquie. Ce sommet tenu à Bercy a été l'occasion de rappeler à la Commission les mesures urgentes à prendre, notamment la mobilisation complète et accélérée des instruments anti-dumping et antisubventions dès que nécessaire. L'amélioration rapide de la mesure de sauvegarde actuellement en vigueur, y compris avec la mise en place de niveaux de quotas plus adaptés à la demande européenne ou encore la présentation d'un nouveau mécanisme de défense commerciale ont aussi été évoquées. Enfin, il a été question de l'amélioration du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) pour garantir que les aciers importés supportent une tarification carbone alignée sur celle que paient déjà les sidérurgistes européens dans le cadre de l'EU-ETS. Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour assurer à ArcelorMittal un cadre national et européen lui permettant de confirmer ses investissements en France, en dessinant des perspectives solides à long terme. Il en va non seulement de notre souveraineté en matière de production d'acier, maillon essentiel de nombreuses chaînes de valeur, mais aussi de la capacité de notre sidérurgie à se décarboner, en assurant à la fois sa viabilité économique et la réalisation de nos objectifs climatiques. L'Union européenne et la France ne sauraient devenir un simple atelier de transformation d'acier produit hors du continent, toutes les grandes puissances industrielles étant également des puissances sidérurgiques.

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