Question de M. HERVÉ Loïc (Haute-Savoie - UC) publiée le 20/02/2025
M. Loïc Hervé attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur sur la facturation des secours de montagne.
L'article 96 bis de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, permet au maire de confier à un opérateur public ou privé, exploitant de remontées mécaniques ou de pistes de ski ou gestionnaire de site nordique, des missions de sécurité sur les pistes de ski, sous réserve que cet opérateur dispose des moyens matériels adaptés et des personnels qualifiés. Dans les mêmes conditions, il peut lui confier la distribution de secours aux personnes sur les pistes de ski, le cas échéant étendue aux secteurs hors-pistes accessibles par remontées mécaniques et revenant de façon gravitaire sur le domaine skiable.
Alors que cet article permet de déroger à la gratuité du secours en montagne, il pose néanmoins la question de l'extension de cette application aux incidents intervenus en marge des pistes. En effet, des doutes subsistent quant à la possibilité d'une prise en charge à titre onéreux par les opérateurs publics ou privés des victimes non usagées du domaine skiable, comme cela pourrait être le cas dans un restaurant d'altitude ou à proximité d'un site nordique. Dans ces cas, l'intérêt économique pourrait primer sur le principe de gratuité.
Aussi, il lui demande de bien vouloir clarifier les compétences de chacun des acteurs pour conforter la légalité des arrêtés pris par les communes-support de station.
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Transmise au Ministère de l'aménagement du territoire et de la décentralisation
Réponse du Ministère de l'aménagement du territoire et de la décentralisation publiée le 05/06/2025
Au titre de son pouvoir de police, le maire a la charge d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Ainsi, conformément aux dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT), il doit « prévenir, par des précautions convenables, et [...] faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, [...] pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, [ ...] provoquer l'intervention de l'administration supérieure». Le maire est donc l'autorité compétente pour organiser les missions de secours sur le territoire de sa commune. Il est principalement chargé en matière de secours en montagne des opérations réalisées sur les domaines skiables, qu'il peut déléguer. En effet, en vertu de l'article 96 bis de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, le maire peut confier à des opérateurs publics ou privés, « exploitant de remontées mécaniques ou de pistes de ski ou gestionnaire de site nordique », des missions de sécurité pour assurer non seulement la sécurité sur les pistes mais aussi la distribution des secours aux personnes y compris dans des zones hors-pistes accessibles par remontées mécaniques « et revenant gravitairement sur le domaine skiable ». Cette délégation est conditionnée à la possession par l'opérateur de moyens matériels adaptés et de personnels qualifiés. Par ailleurs, le préfet peut également être amené à intervenir en matière de secours en montagne. L'article 96 de loi de 1985 précitée permet au représentant de l'Etat dans le département de pouvoir « mettre en oeuvre un plan d'urgence» si « les opérations de sauvetage nécessitent la conduite d'une action d'ensemble d'une certaine importance ». Le maire et le préfet disposent, en soutien de leurs actions, des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS). Selon les articles L. 1424-2 et L. 1424-3 du CGCT, les SDIS, « placés pour emploi sous l'autorité du maire ou du préfet », sont effectivement chargés de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies, ainsi que des secours et des soins d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes. En ce qui concerne les dépenses réalisées en matière de secours, elles obéissent à un principe de gratuité. En effet, l'article L. 742-11 du code de la sécurité intérieure précise que les dépenses directement imputables aux opérations de secours sont prises en charge par le SDIS, sauf dans les cas où la loi en dispose autrement. Ce même article précise ainsi que l'Etat « prend à sa charge les dépenses afférentes à l'engagement des moyens publics et privés extérieurs au département lorsqu'ils ont été mobilisés par le représentant de l'Etat ». Concernant les opérations de secours réalisées par les communes, le même article L. 742-11 indique également que « dans le cadre de ses compétences, la commune pourvoit aux dépenses relatives aux besoins immédiats des populations ». De même, il résulte de l'article L. 2321-2 du CGCT que les dépenses de personnel et de matériel relatives au service d'incendie et de secours relèvent des dépenses obligatoires de la commune. Les dépenses de secours sur les domaines skiables sont donc prioritairement à la charge de la commune. Cependant, le législateur a prévu des dérogations à ce principe de gratuité. L'article L. 2331-4 du CGCT offre la possibilité aux communes de percevoir le remboursement de tout ou partie des frais engagés à l'occasion d'opérations de secours consécutives à la pratique de toute activité sportive ou de loisirs. En matière de secours en montagne, selon l'article R. 2321-6 du CGCT, les deux activités pouvant faire l'objet d'un tel remboursement sont le ski alpin et le ski de fond. Il existe donc très peu de situations où le principe de gratuité est écarté. Toutefois, la gratuité des secours s'impose aux seules dépenses prises en charge par les autorités publiques. En conséquence, le législateur, en autorisant le maire à déléguer ses missions de secours à des opérateurs publics ou privés, entérine le fait que le secours en montagne peut être payant. Cette position est d'ailleurs confirmée par la jurisprudence qui permet le remboursement de certains frais engagés par des opérateurs notamment privés dans le cadre d'opérations de secours (Cour de cassation, Civ 1, 24 mai 1989, 87-17.931, publié au bulletin). S'agissant d'une dérogation au principe de gratuité, le cadre de l'article 96 bis de la loi de 1985 ne saurait être entendu de manière extensible et doit être limité à un champ strictement déterminé. La facturation des frais de secours concerne ainsi uniquement les pistes de ski, les sites nordiques, et l'ensemble du domaine skiable, tel que défini par l'article R. 122-4 du code de l'urbanisme, desservi par les remontées mécaniques.
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