Question de M. BAZIN Arnaud (Val-d'Oise - Les Républicains) publiée le 27/02/2025

M. Arnaud Bazin attire l'attention de Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles sur les organes sur puces, désormais disponibles et déjà utilisés dans l'industrie pharmaceutique afin de mieux identifier les effets indésirables potentiels des médicaments en stade préclinique.
Parmi ces effets indésirables, les lésions hépatiques induites par les médicaments (« Drug-induced liver injury » - DILI) sont responsables de plus de 20 % des retraits du marché de médicaments et de 13 % des échecs des essais cliniques. Une étude phare, publiée dans le journal Nature en décembre 2022, a montré que le « foie sur puce » « a détecté près de 7 médicaments sur 8 qui se sont avérés hépatotoxiques en utilisation clinique bien qu'ils aient été considérés comme ayant une fenêtre thérapeutique appropriée par des modèles animaux ». L'utilisation systématique du « foie sur puce » en stade préclinique augmente donc la probabilité de succès clinique tout en améliorant la sécurité des patients ainsi que des volontaires sains des essais cliniques. En outre, la mise sur le marché de médicaments plus sûrs et plus efficaces à moindre coût et en un temps réduit a un impact bénéfique important sur l'industrie pharmaceutique. Récemment, la Food and Drug Administration (FDA) a accepté, pour cette technologie liver-chip, la première lettre d'intention (LOI) dans le cadre du programme pilote ISTAND, dédié aux approches innovantes pour le développement de nouveaux médicaments. Le programme ISTAND, lancé aux États-Unis en 2020, vise à soutenir le développement d'outils de recherche innovants pour la régulation des nouveaux médicaments. L'acceptation de cette LOI marque la première étape d'un processus en trois phases, au terme duquel le liver-chip pourrait être intégré aux procédures réglementaires de développement de médicaments. Aussi, il souhaiterait savoir si, en France, il est prévu de prendre en considération ces avancées scientifiques d'intérêts avérés multiples et d'instituer une utilisation systématique du « foie sur puce » pour l'obtention d'une autorisation de mise sur le marché des médicaments et, dans l'affirmative, sous quel délai.

- page 863

Transmise au Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins


Réponse du Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins publiée le 12/06/2025

A l'heure actuelle en France, aucune autorisation de mise sur le marché n'a été octroyée sur la base d'organes sur puce. Il s'agit de nouveaux outils aptes à mimer, même partiellement, la physiologie de l'organe humain de façon plus fidèle à la réalité physiologique que les modèles traditionnels (in vitro 2D, 3D et animal). Formés à partir de cellules souches, ces représentations d'organes en reproduisent les fonctionnalités et s'auto-organisent selon l'environnement 3D dans lequel elles sont plongées. Concrètement, les cellules sont cultivées dans un système microfluidique de la taille d'une carte de crédit. Ce système, appelé « puce », va reproduire partiellement l'environnement d'un organe et ses fonctionnalités, y compris dans des conditions pathologiques. Le développement de cette méthode répond notamment à une volonté d'améliorer le taux de succès des essais cliniques tout en limitant les tests pratiqués sur les animaux. Ainsi, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) qui est engagée dans une démarche visant à remplacer, réduire ou raffiner les tests sur les animaux (principe des 3Rs) mène, à ce titre, une large réflexion autour de l'utilisation des organes sur puce dans la chaîne de développement des nouveaux médicaments. Sur le plan national, des travaux ont été engagés par l'ANSM en se concentrant sur le foie, qui est un organe majeur et essentiel pour les études de toxicologie et de pharmacologie lors du développement d'un médicament. Ces travaux ont eu notamment pour objet de rédiger une première liste de critères de validation pharmaco-toxicologiques, afin de garantir un niveau d'exigence réglementaire élevé et de proposer une ébauche de molécules de référence. Cette initiative a abouti à la publication d'un article dans la revue Toxicology Letters, intitulé « Réflexion nationale sur les organes sur puce pour le développement de médicaments : nouveaux défis réglementaires » et disponible via le lien suivant : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37776962/. Par ailleurs, la filière des organes sur puce est en train de se structurer en France, dans une dynamique qui tend à fédérer les efforts de recherche de tous les acteurs concernés par cette thématique. Dans cette perspective, un nouveau Contrat stratégique de la filière « Industries et technologies de santé » (CSF-ITS), portant sur la période 2023-2026, a été signé le 27 novembre 2023 au ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Sur la base de ce contrat, les différentes parties prenantes se sont réunies au sein d'un collectif « filière française Organoïdes & Organes-sur-puce » (F3OCI). La filière F3OCI, qui fédère des acteurs publics et privés de la santé, aura pour objectif de piloter différents projets afin d'encourager la recherche et le développement de technologies médicales innovantes. Ainsi, de nouvelles méthodes de diagnostic et des thérapies personnalisées pourraient être développées. A l'échelle communautaire, la France est également engagée dans une réflexion commune visant à définir un cadre réglementaire autour de ces technologies innovantes applicable aux organes sur puce. A cet égard, l'Agence européenne du médicament (EMA) est attentive au développement de « Nouvelles approches méthodologiques » (NAMs) » ou « méthodologies non animales » incluant les organes sur puces (OoC). Ces NAMs englobent toutes les technologies, méthodologies ou approches telles que la modélisation QSAR (Quantitative Structure-Activity Relationship), le modèle pharmacocinétique physiologique (PBPK), les Adverse OutcomePathways (AOP) ou encore l'intelligence artificielle (IA). Parmi ces NAMs, les technologies OoCs se développent de plus en plus afin de réduire le recours à l'expérimentation animale. Elles s'appuient sur la microfluidique (systèmes micro-électro-mécaniques) et servent de support à la culture de cellules qui vont mimer une fonction physiologique d'un organe. Les travaux relatifs à ces technologies sont consultables via le lien suivant : https://www.ema.europa.eu/en/committees/working-parties-other-groups/chmp/non-clinical-new-approach-methodologies-european-specialised-expert-community. Sur le plan juridique, la ligne directrice relative au principe des 3Rs, élaborée par l'EMA dès 2012, est actuellement en cours de révision. Cette actualisation vise à inclure des critères d'acceptation réglementaire pour les systèmes microphysiologiques. Parmi ces systèmes, qui reproduisent de plus en plus fidèlement la biologie humaine, figurent les organes sur puce pour le foie (DILI ou « Drug-Induced Liver Injury ») et pour le coeur (pharmacologie de sécurité cardiovasculaire). L'ensemble de ces travaux et réflexions concertés, menés sur le plan national ainsi que dans un cadre européen, constitue un préalable indispensable avant de pouvoir envisager un recours à plus large échelle à ces technologies, en particulier dans les dossiers soumis pour l'octroi d'une autorisation de mise sur le marché.

- page 3368

Page mise à jour le