Question de M. DUFFOURG Alain (Gers - UC) publiée le 06/03/2025
M. Alain Duffourg attire l'attention de M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins sur l'impact sur la santé publique de la présence dans l'eau potable de chlorure de vinyle monomère (CVM), qui s'ajoute aux substances perfluoroalkylées (PFAS). La pollution de canalisations d'eau en PVC posées avant 1980 par le CVM suscite de vives inquiétudes quant aux effets sur la santé publique au regard du caractère cancérogène reconnu. Depuis l'instruction de 2020, la responsabilité de la surveillance et du contrôle de ces polluants a été transférée aux communes et aux gestionnaires des réseaux de distribution d'eau, sous le pilotage des agences régionales de santé (ARS). Toutefois, ces dernières ne disposent pas des données consolidées, et celles du ministère, lorsqu'elles sont accessibles, restent difficiles à interpréter sans expertise spécifique. De ce fait, il n'existe aujourd'hui ni vision d'ensemble, ni transparence suffisante pour informer correctement les citoyens et les acteurs de la santé publique.
Plusieurs chercheurs pointent des lacunes préoccupantes en matière de surveillance et de prévention. Ils formulent plusieurs recommandations : la mise en place d'une base de données nationale, centralisant les informations issues des analyses des ARS et des gestionnaires d'eau ; l'accélération des campagnes de tests afin d'identifier les canalisations sources de pollution ; l'amélioration du suivi local des niveaux de contamination pour assurer une réactivité plus efficace face aux risques sanitaires, pour une meilleure information du public. Ils soulignent également la nécessité de réaliser une étude épidémiologique sur les cancers du foie, une pathologie dont l'augmentation interpelle et pour laquelle la corrélation avec la pollution de l'eau devrait être étudiée ; et la nécessité de systématiser les tests de l'eau du robinet en cas de diagnostic de maladies du foie rares telles que l'angiosarcome, considéré comme un indicateur sentinelle d'une exposition prolongée à certains polluants comme le CVM.
Cette problématique partagée par plusieurs pays se déploie à l'échelle européenne. La France se doit d'être exemplaire dans la mise en oeuvre des directives européennes sur la qualité de l'eau potable, en continuant à développer les campagnes d'analyses. Elle pourrait mettre en avant cette bonne pratique auprès de ses partenaires européens pour être à la pointe de cet engagement.
En conséquence, il lui demande de lui préciser les mesures qu'il entend mettre en oeuvre pour lutter contre la pollution de l'eau potable aux CVM et substances perfluoroalkylées (PFAS), pour renforcer le suivi sanitaire, assurer une meilleure transparence des données afin de garantir aux citoyens un accès à une eau potable exempte de substances toxiques.
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Réponse du Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins publiée le 26/06/2025
Le Chlorure de vinyle monomère (CVM) est un produit chimique purement synthétique. Il n'existe aucune source naturelle de ce composé. La présence de CVM dans l'Eau destinée à la consommation humaine (EDCH) peut provenir soit d'une contamination de la ressource en eau (pollutions industrielles ou accidentelles), soit d'une migration dans l'eau à partir de certaines conduites en polychlorure de vinyle (PVC) des réseaux de distribution d'eau. En effet, la fabrication du PVC repose sur la polymérisation du CVM. Une étape de fabrication permet désormais de réduire la teneur en CVM résiduel à des concentrations inférieures à 1 ppm dans le PVC fabriqué. Certaines canalisations en PVC antérieures à 1980 (date de modification du procédé de fabrication) peuvent donc avoir potentiellement une teneur en CVM résiduel beaucoup plus élevée, et sont ainsi les seules à pouvoir induire une migration de CVM dans l'eau, sous certaines conditions, notamment quand l'eau circule lentement dans les canalisations (cas des extrémités de réseaux par exemple) et quand la température de l'eau est élevée. Le CVM fait partie des paramètres chimiques inscrits dans la directive européenne sur l'eau potable (98/83/CE, puis 2020/2184) avec une limite de qualité à respecter (0,5 µg/L). Dès 2001, les obligations européennes ont été transposées dans la réglementation nationale (décret n° 2001-1220 du 20 décembre 2001). Conformément à la directive européenne de 1998, le CVM n'était pas systématiquement mesuré dans le cadre du contrôle sanitaire, sauf en cas de circonstances particulières (pollution d'une nappe d'eau d'origine industrielle, réalisation de campagnes de mesures spécifiques, etc). En application des règles techniques précisées par la circulaire DGS/SD7A n° 2003-445 du 17 septembre 2003, la présence de CVM dans l'eau potable était déterminée par calcul à partir des spécifications de la migration maximale du polymère constitutif des matériaux ou des produits de traitement entrant au contact de l'eau. L'analyse du CVM dans l'eau à la sortie des installations de traitement a été rendue systématique dans le cadre du contrôle sanitaire des Agences régionales de santé (ARS) à partir de 2007. Dès lors, la France va plus loin que la réglementation européenne en mesurant directement le CVM dans l'eau, alors que la réglementation européenne prévoit uniquement l'estimation par calcul de la présence théorique de CVM dans l'eau. Ainsi, l'acquisition de données dans le cadre du contrôle sanitaire est effective depuis le début des années 2000, avec une évolution importante à partir de 2007-2008 en lien avec la montée en compétence analytique des laboratoires agréés pour la mesure du CVM dans l'eau. A ce jour, plusieurs centaines de milliers de données sont disponibles sur la France entière. En 2023 et 2024, près de 66 000 analyses ont été réalisées dans le cadre du contrôle sanitaire avec un taux de conformité de plus de 98% par rapport à la limite de qualité européenne fixée à 0,5 µg/L. Au regard de l'avis rendu par l'AFSSA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) en janvier 2005, les modalités de gestion des risques sanitaires liés à la présence de CVM dans l'eau potable ont été précisées dès 2006 (circulaire n° DGS/SD7A/2006/110 du 8 mars 2006). En parallèle du contrôle sanitaire, le ministère chargé de la santé a mandaté le laboratoire d'hydrologie de Nancy de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) afin de mener une campagne nationale exploratoire de mesures du CVM dans l'eau potable sur la période 2008-2010. Au vu des résultats de cette campagne et d'un nouvel avis de l'ANSES de juillet 2012, la DGS a fait évoluer les modalités de gestion (instruction n° DGS/EA4 n° 2012-366 du 18 octobre 2012) en demandant aux ARS d'identifier les secteurs à risque du réseau de distribution d'eau potable grâce notamment aux données patrimoniales fournies par les collectivités et d'engager un plan d'échantillonnage pluriannuel, avec l'appui des personnes responsables de la production et de la distribution de l'eau (PRPDE). Cette instruction encadre également les modalités de gestion des non-conformités. En 2020, sur le fondement des retours d'expérience des ARS, des professionnels de l'eau et d'études scientifiques, l'instruction n° DGS/EA4/2020/67 du 29 avril 2020 a fait évoluer les modalités d'identification des zones à risque et de gestion des non-conformités en replaçant la PRPDE comme acteur central dans la gestion de la problématique du CVM dans les EDCH. Cette instruction précise le calendrier de mise en oeuvre des actions correctives graduées selon les concentrations mesurées. Dorénavant, les PRPDE sont chargées des investigations sur les réseaux à risque. Par ailleurs, les ARS poursuivent la sensibilisation des collectivités à la problématique des CVM dans l'eau. Elles sensibilisent également les comités de bassin des agences de l'eau afin que celles-ci puissent apporter un soutien financier aux collectivités concernées (réalisations d'études dites patrimoniales et/ou réalisation de travaux de remplacement des canalisations incriminées). Lorsque les mesures correctives à court terme (purges) ne sont pas possibles ou pas efficaces, ou en l'absence de retour à la conformité par des mesures à long terme dans les délais encadrés par l'instruction de 2020, des mesures de restriction de consommation d'eau doivent être prononcées. Seuls des travaux sur les canalisations concernées permettent de garantir une conformité durable vis-à-vis du CVM. La PRPDE informe les consommateurs de la restriction et met à leur disposition de l'eau de qualité potable (en citerne, en sachet, conditionnée) jusqu'au retour à la conformité. Enfin, concernant la problématique des substances perfluoroalkylées (PFAS), la situation est la suivante : en lien avec la transposition de la directive (UE) 2020/2184 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relative à la qualité des EDCH (refonte), la recherche des PFAS est rendue obligatoire dans le cadre du contrôle sanitaire des ARS, sur l'EDCH et les ressources en eau utilisées pour la production d'EDCH, à partir de janvier 2026, en lien avec les capacités analytiques existantes des laboratoires. Certaines ARS intègrent d'ores et déjà progressivement les PFAS dans les paramètres du contrôle sanitaire. C'est également le cas de certaines PRPDE qui intègrent la recherche des PFAS dans leur programme de surveillance. Afin d'appuyer les décisions en matière de gestion des risques sanitaires, l'Anses a été saisie par le Gouvernement en novembre 2022 afin d'évaluer les risques sanitaires et les expositions liés aux PFAS. L'expertise de l'Anses permettra de guider les acteurs nationaux et locaux en produisant des référentiels sanitaires pour des substances prioritaires et en proposant des mesures d'aide à la gestion des risques (surveillance, contrôle, réglementation, valeurs repères, etc.). Le résultat des travaux de l'ANSES menés sur les EDCH est attendu mi-2025 pour certains PFAS. De son côté, la Commission européenne a saisi l'Organisation mondiale de la santé en décembre 2023 pour définir une méthodologie de priorisation des PFAS à enjeux sanitaires et établir des valeurs de gestion dans les EDCH. Les résultats de ces travaux sont attendus courant 2025. Sur la base de l'avis du HCSP du 9 juillet 2024 et dans l'attente des travaux d'expertise nationaux et internationaux, les modalités de gestion spécifiques aux PFAS dans les EDCH précisées par instruction du ministère chargé de la santé aux ARS du 12 mars 2024 ont été actualisées par instruction du 19 février 2025. Cette instruction demande le traitement des situations de non-conformités à la limite de qualité de 0,1 ¼g/L selon une approche proportionnée de l'action publique au regard du risque sanitaire et un retour à la conformité de l'ensemble de ces situations dans les meilleurs délais et au plus tard d'ici le 12 janvier 2026 compte tenu des échéances européennes de mise en oeuvre de la directive (UE) 2020/2184 précitée.
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