Question de M. BROSSAT Ian (Paris - CRCE-K) publiée le 13/03/2025

M. Ian Brossat attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur l'opéaration « Mur d'Acier » menée par le Gouvernement d'extrême-droite israëlien en Cisjordanie.

Depuis le 21 janvier dernier, cette offensive militaire d'une ampleur inédite a conduit à l'expulsion forcée de plus de 40 000 Palestiniens des camps de réfugiés de Jénine, Tulkarem et Nour Chams. Il s'agit de la plus importante expulsion de population en Cisjordanie depuis la conquête de ce territoire par Israël en 1967. Le ministre israélien de la défense, Israël Katz, a publiquement assumé que ces camps avaient été « vidés » et a ordonné à l'armée d'empêcher le retour des habitants, consacrant ainsi un déplacement forcé de population en violation du droit international.

Ce « nettoyage ethnique », couvert par l'armée israélienne et accompagné de violences de colons, a été précédé par des destructions massives d'infrastructures, notamment du réseau routier et du système d'approvisionnement en eau, afin de rendre tout retour impossible. Officiellement justifiée par la lutte contre des groupes armés, cette opération s'inscrit en réalité dans une stratégie d'appropriation progressive des territoires occupés, dans le but d'empêcher toute solution politique fondée sur l'existence de deux États.

Dans le même temps, l'UNRWA, l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, a été interdite d'opérer en Israël et à Jérusalem-Est, tandis que plusieurs pays occidentaux, dont les États-Unis, l'Allemagne et le Royaume-Uni, ont suspendu leur financement vital pour cette organisation. Or, depuis près de 75 ans, l'UNRWA fournit une assistance essentielle à des millions de réfugiés palestiniens, dont plus de 6 millions sont aujourd'hui enregistrés auprès de l'agence. Son asphyxie financière et son interdiction d'opérer participent de la même logique : faire disparaître la question des réfugiés palestiniens en les privant de leur statut et de toute reconnaissance internationale.

Depuis le 7 octobre 2023, la Cisjordanie occupée connaît une intensification sans précédent de la violence : au moins 900 Palestiniens y ont été tués par des soldats israéliens ou des colons. Cette répression s'inscrit dans un contexte plus large où, selon une étude de la revue médicale britannique The Lancet, le nombre de morts à Gaza aurait atteint 64 260 personnes en neuf mois de guerre, un bilan probablement sous-estimé compte tenu de l'ampleur des destructions.

Face à cette situation d'une extrême gravité, il souhaite savoir quelle est la position du Gouvernement français sur cette opération militaire qui constitue une violation manifeste du droit international et de la Quatrième Convention de Genève. Il l'interroge sur les mesures que la France entend prendre, au niveau national et européen, pour venir en aide aux dizaines de milliers de Palestiniens déplacés de force et contraints à l'errance, ainsi que sur les initiatives diplomatiques envisagées pour exiger l'arrêt des expulsions et le respect du droit international par le Gouvernement israélien.

- page 1074


Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 11/09/2025

L'usage de la force par l'armée israélienne a connu des évolutions majeures en Cisjordanie, marquées par l'usage croissant de méthodes observées dans le cadre de l'offensive à Gaza. L'opération « Mur de Fer » lancée le 21 janvier 2025 par les forces israéliennes contre les camps de réfugiés du Nord de la Cisjordanie (Jénine, Tulkarem, Tubas) a fait de la Cisjordanie un théâtre de guerre assumé du gouvernement israélien. Les ministres israéliens Israël Katz et Bezalel Smotrich ont publiquement effectué un rapprochement entre les méthodes employées à Gaza et celles qu'ils entendaient employer en Cisjordanie. Un lourd bilan humain s'en est suivi, le nombre de réfugiés déplacés étant estimé entre 45 000 et 50 000 personnes en février 2025, ainsi que les campagnes de démolition qui se poursuivent jusqu'à ce jour. De nouvelles opérations militaires des forces de défense israéliennes ont entre-temps été documentées à Naplouse, dans le camp de réfugiés de Balata. Face à cela, la position de la France est sans ambiguïté : elle appelle les autorités israéliennes à garantir la protection des civils et du personnel humanitaire, à un arrêt immédiat des hostilités qui portent atteinte à la population civile en Cisjordanie et à Gaza, et à la reprise des négociations en vue d'un cessez-le-feu effectif et permanent. Elle s'oppose à tout déplacement de population, à toute annexion, à toute colonisation, en Cisjordanie comme à Gaza. Elle y voit une violation grave du droit international, notamment de la charte des Nations unies, des conventions de Genève, des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations unies et des avis de la Cour internationale de justice. Cette violation nuit à la recherche d'une paix juste et durable et menace la solution des deux Etats portée par le Président de la République. Plus spécifiquement, au niveau national comme européen, la France a plusieurs fois pris des sanctions contre les colons extrémistes et violents qui, en Cisjordanie, menacent d'ériger l'occupation israélienne du territoire palestinien en état de fait. Concernant l'UNRWA, la France est assurée par le rapport Colonna du strict respect du principe de neutralité par l'agence. Convaincue qu'elle est un acteur incontournable de la délivrance de l'aide humanitaire d'urgence à la population civile de Gaza, la France continue de la soutenir financièrement à hauteur de 20 Meuros pour l'exercice 2025. Seule une solution diplomatique permettra de mettre fin aux violences auxquelles la population civile est exposée à Gaza comme en Cisjordanie. La France oeuvre et n'a cessé d'oeuvrer en faveur d'une solution à deux Etats, qui doit permettre l'établissement d'un Etat palestinien indépendant, démocratique et contigu, vivant aux côtés de l'Etat d'Israël dans la paix et la sécurité, dans le cadre du droit international et des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. A cette fin, la France a coprésidé avec l'Arabie saoudite, les 28 et 29 juillet 2025, une conférence à New York, sous l'égide des Nations unies, pour soutenir les engagements pris en en ce sens et préparer la reconnaissance de l'Etat de Palestine en septembre 2025. La France et son gouvernement réservent à cette question toute l'attention qu'exige la gravité de la situation.

- page 5006

Page mise à jour le