Question de M. COURTIAL Édouard (Oise - UC) publiée le 20/03/2025

M. Édouard Courtial attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur sur le rajeunissement des auteurs de projets d'attentat terroriste en France. En février 2025, le directeur de la section antiterroriste de la Direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI) évoquait au cours d'un entretien des statistiques et des chiffres sur les attentats déjoués sur le sol français, lesquels faisaient état d'une dynamique alarmante : parmi les individus qui ont été interpellés depuis 2023 pour des affaires reliées au terrorisme, 70 % avaient moins de 21 ans. Si les mineurs impliqués dans ces affaires restent « assez rares » selon le directeur de ladite section, il arrive aux agents de la DGSI de faire face à des mineurs « de 14 ans qui sont très déterminés ». Les chiffres du parquet national anti-terroriste (PNAT) confirment la tendance du rajeunissement des auteurs d'attentat sur le territoire français : tandis que les mineurs ne représentent, en 2022, que 1 % des mises en examen pour « association de malfaiteurs terroriste », leur proportion a atteint 10 % en 2023, puis 21 % sur les sept premiers mois de 2024. En 2024, cela représente 18 mineurs. En 2022, ils n'étaient que deux. Le rajeunissement des auteurs de projets d'attentat terroriste en France est très alarmant et pose question. Ces chiffres sont d'autant plus marquants qu'ils sont à ajouter aux adolescents et jeunes adultes qui sont passés à l'acte. Si ces cas sont encore rares, ils sont sources de vive préoccupation en raison de leur violence : Abdoullakh Anzorov a 18 ans lorsqu'il assassine lâchement Samuel Paty, tandis que Benjamin Amselem est attaqué dans les rues de Marseille en 2015 par un lycéen qui n'a que 15 ans au moment des faits. Ainsi, il lui demande quelles mesures le Gouvernement compte mettre en place afin d'endiguer cette dynamique. Plus généralement, comment le Gouvernement entend s'adapter au rajeunissement progressif des auteurs de projets d'attentat terroriste en France.

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 05/06/2025

Depuis 2023, plus des deux tiers des mis en cause dans des projets d'attentats ont moins de 21 ans, une menace portée non seulement par de très jeunes majeurs mais aussi par des acteurs mineurs. De même, à la suite de l'attentat d'Arras, il a été relevé une hausse des inscriptions de mineurs au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT). Aussi, au cours des cinq dernières années, la part des mineurs parmi les individus faisant l'objet d'un suivi actif au FSPRT a triplé, passant de 1,7 % en 2020 à 5,6 % aujourd'hui. Ce constat, largement partagé par nos partenaires européens et internationaux, concerne principalement la mouvance jihadiste, mais aussi les autres mouvances radicales, pour lesquelles l'endoctrinement rapide et l'accès à des contenus extrémistes en ligne facilitent également la radicalisation précoce. L'implication de mineurs dans des affaires de terrorisme n'est toutefois pas inédite. En 2014 et 2017, des mineurs étaient présents parmi les velléitaires au départ sur zone. De même, des mineurs parfois très jeunes ont été régulièrement impliqués dans les actions ou des projets d'action violente sur le territoire national. Ce qui est nouveau en revanche, c'est la proportion que représentent aujourd'hui les mineurs dans les projets terroristes déjoués et les actions commises sur le territoire national, ainsi que l'extrême jeunesse de certains profils, impliqués dans des faits très graves. Parmi les services de l'État, la DGSI est responsable des investigations relatives à la préparation d'éventuelles actions violentes ou celles sur des projets de départ vers une zone de jihad. Ces investigations ont lieu aussi bien à l'encontre des objectifs majeurs que mineurs. Dans ce cadre, les objectifs mineurs sont détectés et pris en compte de la même manière que les autres objectifs de la DGSI. Lorsqu'un mineur est identifié comme porteur d'un projet d'action violente ou velléitaire au départ vers une zone de jihad, de manière identique à tout autre objectif majeur du service, la DGSI signale les faits au parquet national antiterroriste (PNAT), qui décide de confier ou non une enquête préliminaire à un service de police (DGSI, SAT, SDAT) pour les faits d'association de malfaiteurs terroriste. La DGSI peut également identifier un objectif mineur impliqué dans la diffusion et/ou la création de propagande jihadiste. Dès lors, cette infraction de nature infra-terroriste peut être signalée par le service, s'il le juge opportun, à l'autorité judiciaire compétente, au titre de l'article 40 du code de procédure pénale. La justice décidera de saisir, ou non, un service de police judiciaire pour enquêter sur ces faits dans la perspective d'une entrave judiciaire. Par ailleurs, dans le cadre du renforcement de la lutte contre la diffusion de contenus terroristes en ligne, le règlement européen dit « TCO » pour « Terrorist content online » permet aux autorités de chacun des États membres d'enjoindre aux hébergeurs le retrait dans l'heure des contenus terroristes. Dans ce cadre, la plateforme PHAROS donne la possibilité aux internautes et aux partenaires professionnels de signaler les contenus illicites en ligne. Afin de permettre la prise en charge du processus de radicalisation de façon précoce, notamment au profit des familles de jeunes radicalisés, le ministère de l'intérieur héberge une plateforme de signalement et d'assistance aux familles, aux professionnels et aux institutions. Ce centre national d'assistance et de prévention de la radicalisation (CNAPR) est accessible par un numéro vert, et sur internet, par des formulaires en ligne. En outre, ce centre dispose de psychologues pour mieux conseiller les appelants et procéder à un premier accompagnement. Les signalements font l'objet, le cas échéant, d'une évaluation par les services compétents. Par ailleurs, pour lutter contre le phénomène spécifique de la radicalisation des mineurs et opérer le suivi de ces individus, les dispositifs de prévention et de lutte contre la radicalisation en France ont été renforcés au cours des dernières années. Dispositif central de la lutte contre la radicalisation islamiste, le groupe d'évaluation départemental (GED) permet le décloisonnement de l'information entre les différents services de l'État, sous la direction du préfet et du procureur de la République. Aussi, afin de favoriser une détection précoce de la radicalisation, les dispositions réglementaires prévoient de convier systématiquement le directeur académique des services de l'éducation nationale (DASEN) en GED, lorsque les situations de mineurs ou jeunes majeurs scolarisés radicalisés sont inscrites à l'ordre du jour de l'instance. Ce renforcement de la coopération avec l'éducation nationale est essentiel dans la détection et le suivi de ces jeunes, radicalisés ou en voie de radicalisation. C'est dans cette instance d'évaluation qu'il peut être décidé de l'orientation vers une prise en charge sécuritaire ou à caractère social ou psychologique par la cellule locale de prévention de la radicalisation et d'accompagnement des familles (CPRAF), voire d'un double suivi, qui est à favoriser s'agissant de ce public. Par ailleurs, la sensibilisation et la formation des différents acteurs institutionnels travaillant au profit des mineurs et jeunes majeurs sur l'ensemble du territoire national sont des axes importants dans la prévention et la lutte contre la radicalisation. La DGSI sensibilise, soit directement soit par son réseau national de conférenciers spécialisés (CS-RAD), les acteurs de la protection de l'enfance, les agents de l'éducation nationale ainsi que des publics jeunes, étudiants, élèves de filières des métiers de la sécurité ou volontaires du service national universel. Ce réseau, qui oeuvre depuis deux ans en lien étroit avec les référents radicalisation positionnés auprès des préfets, a déjà mené plus de 100 actions à l'attention des équipes pédagogiques et des agents encadrants de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur. Ce sont ainsi plus de 4 100 professionnels de l'enseignement qui ont été sensibilisés.

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