Question de M. IACOVELLI Xavier (Hauts-de-Seine - RDPI) publiée le 20/03/2025
M. Xavier Iacovelli attire l'attention de M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice sur la question de la protection de l'enfance et de la nécessaire prévention des violences sexuelles dans le secteur associatif.
La liberté d'association, consacrée par la loi du 1er juillet 1901, constitue l'un des piliers de notre démocratie et permet à chacun de créer une structure associative sans autorisation ni déclaration préalable. Toutefois, cette liberté interroge dès lors que l'on constate l'absence d'obligation légale de fournir un extrait de casier judiciaire pour les personnes souhaitant créer ou diriger une association en contact avec des mineurs.
De récents faits, hélas trop nombreux, illustrent la gravité de la situation. D'un côté, on apprend qu'un individu condamné pour pédophilie, sorti de prison depuis seulement deux ans, envisage de créer un nouveau club sportif destiné aux enfants. De l'autre, le scandale survenu au sein du club de football la Salésienne, où des cas d'agressions sexuelles sur mineurs et des faits de harcèlement ont été rapportés, met en lumière un risque réel de récidive ou de passage à l'acte. Les victimes, souvent confrontées à un sentiment d'impunité, paient un lourd tribut psychologique, tandis que certains agresseurs - faute de contrôle - peuvent continuer à encadrer des activités avec des enfants.
Dans de nombreuses professions, un extrait de casier judiciaire peut pourtant déjà être exigé - on pense notamment aux métiers de la petite enfance ou à celui d'assistante maternelle, où même le conjoint doit fournir cette pièce justificative (article L. 421-3 du code de l'action sociale et de la famille). De même, l'article L. 212-1 du code du sport impose la présentation d'un extrait de casier judiciaire pour exercer, contre rémunération, une activité d'enseignement sportif auprès de mineurs. En revanche, ce dispositif ne couvre pas systématiquement les bénévoles associatifs ni les dirigeants bénévoles.
Il s'agit là d'une mesure protectrice élémentaire : s'il est vrai qu'aucune trace n'apparaît pour les infractions non condamnées, l'existence d'antécédents avérés, notamment en matière de pédocriminalité, justifie de renforcer la vigilance, d'autant plus lorsqu'il est question d'activités régulières et directes avec un public mineur.
Alors que la France recense chaque année environ 160 000 enfants victimes de violences sexuelles - soit un toutes les trois minutes -, il apparaît indispensable de renforcer la prévention et de protéger les plus jeunes. Si l'objectif n'est en aucun cas de restreindre la liberté d'association, principe constitutionnel, il convient néanmoins d'éviter que des agresseurs sexuels condamnés ne puissent créer ou diriger librement des structures recevant un jeune public.
Face au désarroi des victimes qui, pour beaucoup, portent à vie les séquelles de ces agressions, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour concilier la liberté associative et la nécessité de protéger les mineurs en France ?
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Réponse du Ministère auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur publiée le 30/04/2025
Réponse apportée en séance publique le 29/04/2025
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, auteur de la question n° 404, adressée à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Xavier Iacovelli. Monsieur le ministre, j'ai été récemment sollicité par une mère, inquiète pour son fils, qui s'interrogeait légitimement sur l'absence de contrôle des antécédents judiciaires des personnes intervenant auprès de jeunes enfants, notamment dans des associations.
La liberté d'association, consacrée par la loi du 1er juillet 1901, est un pilier de notre démocratie. Pourtant, nous ne pouvons que nous interroger face à l'absence d'obligation légale de fournir un extrait de casier judiciaire pour les personnes souhaitant créer ou diriger une association en contact avec des mineurs. Pourtant, de trop nombreux faits en France illustrent, hélas ! la gravité de la situation.
D'un côté, on apprend qu'un individu condamné pour pédophilie, sorti de prison depuis deux ans, envisage de créer un nouveau club sportif destiné aux enfants.
De l'autre, le scandale survenu au sein du club de football La Salésienne, où des cas d'agressions sexuelles sur mineurs et des faits de harcèlement ont été rapportés, met en lumière un risque réel de récidive ou de passage à l'acte.
Aujourd'hui, aucune vérification systématique des antécédents judiciaires n'est imposée dans le milieu associatif, laissant ainsi ouverte la porte à des situations inacceptables une porte que nous pourrions, et devrions, définitivement refermer pour protéger nos enfants. En effet, la liberté d'association ne doit pas servir de paravent à la récidive pédocriminelle.
Monsieur le ministre, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour mieux sécuriser l'encadrement de nos enfants dans les structures associatives ?
Ne pourrions-nous pas imposer un contrôle obligatoire par la préfecture à chaque création d'association ayant pour objet d'accueillir de jeunes enfants ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur Iacovelli, vous soulevez une question éminemment importante. Le droit positif permet déjà la vérification des antécédents judiciaires de très nombreux professionnels ou bénévoles exerçant au contact de mineurs.
Ainsi l'article L. 212-9 du code du sport, qui établit des incapacités d'exercice en raison de certaines condamnations pénales, s'applique-t-il aux professionnels comme aux bénévoles dans leurs fonctions d'éducateur sportif, d'arbitre, de surveillant de piscine et d'exploitant d'établissement d'activités physiques ou sportives. Cela couvre donc l'exemple que vous mentionnez avec une légitime inquiétude, à laquelle les pouvoirs publics n'ont cessé de porter attention ces dernières années.
En outre, les contrôles des antécédents judiciaires ont été étendus par les lois du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, du 8 mars 2024 visant à renforcer la protection des mineurs et l'honorabilité dans le sport, et du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l'autonomie.
Nombre de ces consultations se font de manière massive et automatisée, impliquant les services de l'État, des collectivités locales et de la fonction publique hospitalière, afin de réduire le temps et la charge administrative de ces contrôles et d'asseoir leur extension. Le but est d'apporter rapidement une réponse, qu'elle soit favorable ou non, à la personne qui souhaite s'engager professionnellement ou bénévolement dans une structure de ce type. À titre d'exemple, les consultations des données du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijaisv) ont progressé de plus de 50 % en quelques années seulement.
Ces textes, ainsi que la volumétrie de ces consultations, qui s'étendent aussi aux membres des associations sportives dès lors qu'ils exercent leur activité auprès de mineurs, illustrent la force et la constance de l'engagement de l'État dans la lutte contre les violences de cette nature.
Comme vous, je souhaite préserver la liberté associative en France. Ces contrôles ne la remettent absolument pas en question. Au contraire même, ils la prémunissent contre l'action de personnes dont l'engagement associatif peut dissimuler un tout autre et criminel dessein.
Le Gouvernement est ouvert à toute proposition nouvelle, qui se traduirait par un acte législatif positif, de la nature de celle que vous évoquez. En la matière, il me paraît légitime de faire preuve de rigueur et de fermeté, car il s'agit de protéger les plus faibles d'entre nous.
Madame la présidente, j'ai répondu très rapidement à cette question relative à la justice, mais M. le garde des sceaux me l'avait demandé : j'espère lui avoir rendu hommage !
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