Question de M. DEMILLY Stéphane (Somme - UC) publiée le 03/04/2025

M. Stéphane Demilly attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur sur le nombre de mesures d'obligation de quitter le territoire (OQTF) prononcées, qui n'a cessé d'augmenter depuis leur instauration dans la loi en 2006 (123 000 en 2019, 124 000 en 2021, 134 000 en 2022), tandis que leur taux d'exécution stagne quant à lui à 12,5 %.
Ce qui finalement nous amène à penser que les obligations ne sont finalement pas obligatoires !
Une situation notamment due au faible taux de délivrance des laissez-passer consulaires, les fameux documents que doit délivrer le pays d'origine d'une personne sans-papiers pour permettre son expulsion.
En 2023, 96 % des annulations d'éloignement s'expliquent par ces refus de délivrance de ces laissez-passer.
Même si ces refus émanent de divers pays comme la Russie, la Libye, la Syrie ou encore l'Afghanistan, la plupart émane des autorités des pays du Maghreb, à commencer par l'Algérie.
Et comme nos centres de rétention administrative ne sont pas extensibles, on finit par relâcher dans la nature les OQTF...
Un récent rapport parlementaire note qu'il y a quatre fois plus de personnes libérées des centres de rétention administrative (CRA) en 2023 qu'en 2019.
En moyenne, ce sont 678 sans-papiers qui ont été libérés par mois avec une durée moyenne de rétention en CRA de 31 jours en 2023 !
Certaines autorités consulaires des pays de retour abusant de ces délais et laissant les individus placés en rétention jusqu'à forclusion de celle-ci pour finalement délivrer le laissez-passer consulaire ou notifier un refus...
Monsieur le Ministre a raison de « mettre les pieds dans le plat » et de durcir le ton avec les autorités algériennes.
Dernier exemple en date qui suscite l'incompréhension légitime de nos compatriotes : l'auteur de l'attaque au couteau survenue récemment à Mulhouse qui a coûté la vie à une personne est un Algérien sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF)... mais l'Algérie a « refusé à dix reprises » de le reprendre sur son territoire !
Il l'interroge ainsi pour savoir, dans le cas où l'Algérie maintiendrait ses positions (sans parler de la dramatique et insupportable incarcération de notre compatriote Boualem Sansal), s'il ne faudrait pas réviser notre politique de visas vis-à-vis de ce pays, probablement un des seuls leviers à notre disposition pour faire entendre raison aux autorités algériennes.

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 05/06/2025

La délivrance des visas aux ressortissants algériens relève d'un régime spécifique et est soumise au cadre normatif constitué de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, du protocole qui lui est annexé, adapté par un échange de lettres du 3 décembre 1984 et les trois avenants de 1985, 1994 et 2001, qui ont eu pour objectif de le rapprocher du droit commun applicable, ainsi que de l'accord sur les jeunes actifs signé le 26 octobre 2015. A ce jour, aucune disposition portant réforme de ce cadre normatif n'a été instaurée. Néanmoins, la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, publiée au journal officiel du 27 janvier 2024, intervient en faveur de l'amélioration du dispositif d'éloignement des étrangers représentant une menace grave pour l'ordre public et a des implications en matière d'instruction des visas dans les postes consulaires. L'article 61 de la loi du 26 janvier 2024 institue un nouveau motif de refus de visa, fondé sur l'existence d'une OQTF prononcée moins de cinq ans avant la date à laquelle l'autorité consulaire se prononce sur la demande de visa. En cas d'existence d'une telle OQTF, il appartient au demandeur de visa de démontrer qu'il a respecté les conditions d'exécution dont était assortie cette mesure. A défaut de la preuve de cette exécution, un refus de visa peut être opposé conformément à l'article L.312-1 A du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). Par ailleurs, le législateur a entendu mettre l'accent sur les conséquences en matière de délivrance de visas d'un défaut de coopération des autorités étrangères dans le domaine migratoire (article 47). Ces dispositions, soutenues par le Gouvernement, consacrent la capacité de l'Etat de prendre des mesures nationales de restriction en matière de visas susceptibles d'être adoptées à l'égard des pays étrangers méconnaissant l'obligation de réadmission de leurs ressortissants de leurs ressortissants en situation irrégulière ou ne respectant pas un accord bilatéral ou multilatéral de gestion des flux migratoires. Enfin, en ce qui concerne la coopération avec l'Algérie, le comité interministériel de contrôle de l'immigration, présidé par le Premier ministre le 26 février 2025, a décidé la mise en oeuvre de mesures graduelles visant les membres de la nomenklatura car il ne s'agit pas de viser la population algérienne. Ainsi, des instructions ont été données les 14 et 15 mai dans le sens d'une application stricte des régularisations de ressortissants algériens ainsi que de la délivrance de titres de séjour normaux aux personnels diplomatiques et consulaires algériens ayant achevé leur mandat (et ayant bénéficié de titres de séjour spéciaux), et suspendant l'échange des permis de conduire pour cette dernière catégorie de population (en l'absence d'accord bilatéral sur ce sujet). Des instructions ont été également transmises le 16 mai exigeant la présentation de visas de court séjour pour les détenteurs de passeports officiels (hors personnels diplomatiques et consulaires accrédités en France, détenteurs de titres de séjour spéciaux).

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