Question de M. RUELLE Jean-Luc (Français établis hors de France - Les Républicains-R) publiée le 03/04/2025

M. Jean-Luc Ruelle interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur les accords relatifs aux monuments et sépultures.
Ceux-ci ont pour but d'organiser la conservation du patrimoine mémoriel d'un État situé sur le territoire d'un autre État. En lien avec le ministère des armées et les autres administrations concernées, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères participe aux négociations de ces accords. Un accord relatif au Mémorial de l'escadrille Lafayette, monument érigé pour célébrer la mémoire des pilotes américains du Lafayette Flying Corps morts pendant la Première Guerre mondiale sous les couleurs françaises avant l'entrée en guerre des États-Unis était d'ailleurs en cours de signature avec les États-Unis.
Il l'interroge sur le nombre d'accords de ce type ayant été signés et si d'autres conventions sont en cours de négociation. Il souhaiterait connaître le nombre de lieux de mémoire administrés par la France à l'étranger, ainsi que celui de ceux gérés par d'autres pays en France.

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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 11/09/2025

La notion d'un traitement spécifique des sépultures des morts au combat, y compris à l'étranger, apparait progressivement en Europe lors des conflits qui émaillent le XIXe siècle. Le traité de Francfort (1871), qui met fin à la guerre franco-prussienne, consacre le principe selon lequel il revient à l'État sur le territoire duquel est situé le cimetière de l'entretenir, même s'il contient les corps d'adversaires. À partir de cette date, des accords encadrent l'installation et l'entretien des cimetières situés à l'étranger, c'est-à-dire selon la terminologie de l'époque, en dehors des métropoles et des empires coloniaux (3 conclus en 1893-1897). Le nombre d'accords conclus est très important après la Première guerre mondiale (10), en raison de l'importance du front français pour les alliés et les Allemands (139 sites funéraires et mémoriels du front Ouest de la Première Guerre mondiale figurent depuis 2023 sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO). A la même époque apparaissent les premiers accords qui encadrent les monuments commémoratifs, selon les mêmes principes que les cimetières. Après la seconde guerre mondiale, les accords existants sont révisés pour inclure les défunts tombés lors de l'ensemble des guerres (11). C'est ainsi que l'accord franco-allemand de 1966 fixe les règles pour la gestion de tous les cimetières allemands en France créés depuis 1871. La collection des traités des affaires étrangères porte la mémoire de 29 accords concernant les sépultures militaires et monuments commémoratifs. Deux accords intergouvernementaux sont actuellement en cours de rédaction : (i) entre la France et la Turquie portant sur les sépultures de guerre turques et à la découverte des restes mortels de militaires turcs en France ; (ii) entre la France et le Portugal relatif aux sépultures militaires françaises situées sur le territoire portugais et des sépultures militaires portugaises situées en France. S'agissant de l'accord relatif au Mémorial de l'Escadrille Lafayette, le transfert à l'American Battle Monuments Commission (ABMC) du monument permanent dédié à la mémoire des aviateurs ainsi que du terrain sur lequel il est érigé, avait été approuvé par la Fondation du Mémorial de l'Escadrille Lafayette en 2016. La France et les États-Unis se sont accordés sur les termes d'un instrument juridique permettant ce transfert. Ce texte est désormais en instance de signature. Le ministère des Armées est responsable des sépultures de militaires français à l'étranger, soit un millier de lieux de sépultures répartis dans plus de 90 pays, où reposent 320 000 corps. Il s'agit essentiellement des sépultures liées aux conflits auxquels la France a pris part depuis le milieu du XIXème siècle. Le ministère des Armées assure également la sauvegarde des sépultures des militaires morts en service hors guerre, dites « tombes de garnison », situées principalement dans les anciennes colonies françaises. Un certain nombre de ces sites sont couverts par des accords internationaux, mais une grande partie relève de la coutume et des relations historiques entre la France et les pays en question. De nombreux cimetières militaires (plus de 3500) ont été créés sur le territoire français afin d'accueillir les sépultures des militaires étrangers tombés durant les guerres qui se sont déroulées sur le sol français depuis 1870. Les cimetières militaires étrangers créés à l'issue de la Première et de la Seconde Guerres mondiales sont propriété de l'État français (à l'exception du cimetière roumain de Soultzmatt - 68, propriété communale). Leur gestion est confiée à différents opérateurs étrangers (ABMC, CWGC, VDK etc.). Outre l'entretien et l'aménagement de ces cimetières militaires étrangers, ces organismes sont compétents pour l'entretien des sépultures de leurs ressortissants qui se trouvent également au sein de carrés militaires dans les cimetières communaux. Sept d'entre eux demeurent néanmoins à la charge de l'Etat français, à défaut d'accord international conclu avec les pays concernés. Il s'agit : - du cimetière militaire polonais de Grainville-Langannerie (14) - du cimetière militaire polonais d'Aubérive (51) - du cimetière militaire russe de Saint-Hilaire-le-Grand (51) - des cimetières militaires soviétiques de Valleroy (54) et de Noyers-Saint-Martin (60) - du cimetière militaire néerlandais de Orry-la-Ville (60) - du cimetière militaire tchécoslovaque de Neuville-Saint-Vaast (62) Le ministère des Armées, à travers la Direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA), est responsable de la politique mémorielle et des sites accueillant des « sépultures de militaires des forces armées ennemies » et des « militaires des armées alliées ». La DMCA en confie la gestion à l'Office National des Combattants et des Victimes de Guerres (ONaCVG), qui se voit allouer des crédits pour assurer la conservation et la valorisation des sites. A l'exception de l'Algérie et du Maroc où cette mission relève de l'ONaCVG, ce sont les postes diplomatiques français qui sont chargés pour le compte du ministère des Armées, de la conservation et de la valorisation de ces sépultures dans plus de 50 pays (sur la base de conventions internationales ou de coutume). Dans les autres pays, ces lieux de sépultures sont habituellement entretenus par les gouvernements, les collectivités ou les associations locales. Le ministère des armées y assure malgré tout une veille mémorielle par l'intermédiaire des postes diplomatiques français.

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