Question de M. COURTIAL Édouard (Oise - UC) publiée le 10/04/2025

M. Édouard Courtial attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur sur l'explosion de la violence dans le football professionnel.

Le 29 mars 2025, le ministère de l'intérieur publiait un communiqué de presse, lequel faisait état d'une dynamique affolante : les violences en marge des matchs de football professionnel ont bondi de 41 % par rapport à 2023/2024. Depuis le début de la saison 2024/2025, 64 rencontres ont ainsi été marquées par des incidents majeurs, conduisant à 627 interpellations. L'explosion drastique du nombre de cas est d'autant plus marquante que la nature même de cette violence évolue, en se diversifiant autant qu'en ne s'aggravant, que ce soit au sein des stades ou à l'extérieur. Par exemple, il n'est « plus rare que des membres de forces de l'ordre soient directement pris pour cible et blessés par les groupes de supporters ultra ». En 2022, 20 policiers et gendarmes sont blessés au cours d'un match entre l'AS Saint-Étienne (ASSE) et l'AJ Auxerre. La violence physique touche également les joueurs et les entraîneurs directement. En octobre 2023, un bus transportant les joueurs de l'Olympique lyonnais (OL) est la cible de projectiles en amont d'un match contre l'Olympique de Marseille (OM). Résultat des courses : l'entraîneur de Lyon est blessé après avoir reçu une bouteille en verre. Des rixes entre supporters sont également monnaie courante dans les rencontres, comme le témoignent les 38 blessés et le bus brûlé en marge de la finale de la Coupe de France 2024 entre le PSG et l'OL. En plus des violences physiques, les banderoles et chants racistes, sexistes et homophobes pullulent dans les stades. Un des derniers exemples en date: des injures racistes telles que « cours, sale esclave » ou « va cueillir du coton » auraient été proférées au cours d'un match opposant l'OGC Nice et Bastia en janvier 2025. Les rencontres finies, certains joueurs, arbitres et dirigeants de clubs sont également victimes de cyberharcèlement ou de propos injurieux sur les réseaux sociaux.

De toute évidence, ces actions et propos contraires à l'esprit du sport doivent être endigués le plus rapidement possible. Aussi, il lui demande comment le Gouvernement entend faire cesser l'augmentation des actes de violence, qu'ils soient de nature physique ou verbale, sur les réseaux sociaux ou dans les stades, en marge des matchs de football.

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 12/06/2025

Aux côtés des autres acteurs concernés (ministère chargé du sport, instances du football, acteurs du milieu sportif, etc.), la lutte contre toutes les formes de violence dans les stades mobilise de longue date les services du ministère de l'intérieur, au premier rang desquels les préfets et les forces de l'ordre. Le ministère dispose en outre depuis 2009 d'un service spécialisé à la compétence reconnue : la division nationale de lutte contre le hooliganisme, rattachée à la direction nationale de la sécurité publique. L'arsenal juridique applicable à la lutte contre les violences qui se produisent dans les enceintes sportives n'a cessé de se renforcer depuis plus de 30 ans (loi du 6 décembre 1993 relative à la sécurité des manifestations sportives), avec notamment les lois du 2 mars 2010 et du 14 mars 2011 ou la loi du 10 mai 2016 renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme. Que ce soit sur le plan des mesures de police administrative, sur le plan pénal ou sur le plan opérationnel, les instances sportives et l'État ont professionnalisé et développé leurs moyens et leurs outils : détection des supporters à risques, réunions préparatoires de sécurité pour les rencontres sensibles, renforcement des interdictions de stade, échanges d'informations au niveau européen pour les rencontres internationales, mesures administratives de restriction d'accès à un périmètre autour du stade ou d'interdiction de déplacement de supporters, partenariat avec l'ensemble des acteurs du football, responsabilisation des clubs, dialogue avec les acteurs du supportérisme (création de l'Instance nationale du supportérisme en 2019, développement des référents supporters dans les clubs à partir de 2020, etc.), sécurisation des infrastructures des stades, dispositifs humains de sécurisation dans les stades, dissolution administrative d'associations de supports, etc. L'action s'inscrit dorénavant dans une stratégie structurée, fondée sur la coproduction de sécurité. Il convient de rappeler que la sécurisation des rencontres relève en premier lieu de l'organisateur, à savoir le club hôte. Malgré les efforts consentis par les clubs organisateurs dans la mise en oeuvre de moyens humains et matériels visant à sécuriser les rencontres et à identifier les fauteurs de troubles pour les mettre à la disposition des forces de l'ordre, des incidents et actes violents perturbent encore régulièrement ces manifestations. Pour ce qui le concerne, le ministère de l'intérieur est fortement engagé pour assurer, avec le milieu sportif, le bon déroulement des matchs, veiller à la sécurité dans et autour des enceintes sportives, réprimer les comportements sans rapport avec les valeurs du sport. D'importants dispositifs de sécurité sont mis en place pour les matchs à risques. Les événements violents qui surviennent dans les stades font l'objet, de la part des forces de l'ordre, d'un minutieux travail d'investigation, en collaboration avec les clubs, passant notamment par l'analyse des images de vidéo aux fins d'identification et d'interpellation des fauteurs de troubles. La priorité est donnée à l'interpellation systématique et les forces de l'ordre transmettent systématiquement au parquet les délits qu'elles sont amenées à constater. Il est parfois difficile d'imputer les infractions aux individus en raison du principe de l'individualisation de la peine, car certains ne sont pas identifiables (dissimulation du visage, mêmes codes vestimentaires). Cela engendre également des difficultés pour les décisions d'interdiction de stade car il convient d'identifier formellement les fauteurs de troubles. Alors que le phénomène des violences dans le football - qui vise souvent à perturber le déroulement même des manifestations - ne cesse de prendre de l'ampleur (incivilités, dégradations, incidents à caractère raciste, tentatives d'envahissement, usage d'engins pyrotechniques, affrontements entre supporters, violences contre les forces de l'ordre, etc.), y compris à l'extérieur des stades (rixes, attaques de convois, etc.), le ministre d'État, ministre de l'intérieur a fait de la lutte contre ce phénomène une priorité. Cette situation n'est en effet pas seulement contraire aux valeurs du sport, elle est également coûteuse pour la collectivité puisqu'elle nécessite une mobilisation croissante des forces de l'ordre, ainsi détournées de leurs missions prioritaires de sécurité du quotidien et de lutte contre la criminalité organisée. Tout doit donc être mis en oeuvre pour restaurer l'esprit sportif qui sied à toute rencontre de football et l'ambiance festive qu'attend légitimement le public. Le 6 mars 2025, le ministre d'État, ministre de l'intérieur a ainsi co-signé avec la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative une circulaire aux préfets afin de renforcer la politique de prévention des violences liées aux rencontres de football. Plusieurs initiatives ont été prises pour apporter une réponse ferme à ce phénomène. Le ministère de l'intérieur a donné en début de saison des instructions de fermeté visant à renforcer la sécurité dans les stades. Depuis le début de la saison, ce sont par exemple plus de 620 interpellations qui ont été réalisées en marge de rencontres de football professionnel (données au 9 avril 2025), soit + 41 % par rapport à la saison dernière. Il a été demandé que des policiers en civil soient systématiquement présents dans les tribunes et coursives des stades pour interpeller les auteurs d'infraction ou contribuer à leur identification rapide. D'autre part, les préfets ont reçu pour instruction de mettre en oeuvre aussi largement que possible la procédure d'interdiction administrative de stade à l'égard d'individus qui représentent une menace pour l'ordre public. Pour mieux identifier les fauteurs de troubles, la circulaire interministérielle donne des instructions très précises, notamment le renforcement de la présence de policiers en civil à l'intérieur des enceintes sportives ou encore le recours accru aux dispositifs de vidéoprotection mis à disposition par l'organisateur afin de constater les faits. En outre, sur la base du code du sport et avec pour objectif d'éloigner efficacement des stades les fauteurs de troubles, le ministère de l'intérieur saisit régulièrement la Commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives afin d'engager des procédures de dissolution ou de suspension d'activité à l'encontre d'associations ou de groupements de fait de supporters violents (y compris à l'encontre des forces de l'ordre). Aucune indulgence ni aucune complaisance ne sont de mise face aux « hooligans » comme aux « ultras ». La circulaire précitée rappelle également que les clubs, en tant qu'organisateurs, ont une obligation générale de sécurité envers les participants comme envers le public et doivent mettre en place, dans l'enceinte sportive, tous les moyens nécessaires pour assurer la sécurité de l'événement. Cette responsabilisation des clubs est un élément essentiel dans la lutte contre les violences et contre le hooliganisme. C'est la raison pour laquelle, dans une logique de coproduction de sécurité, l'État et la Ligue de football professionnel signeront prochainement une convention de partenariat, visant à mieux préciser les compétences et les responsabilités de chacun, notamment des clubs, dans la sécurisation des rencontres. La signature de cette convention sera aussi l'occasion d'encourager la Ligue de football professionnel à mettre systématiquement en oeuvre les pouvoirs de sanction dont elle dispose à l'encontre des clubs n'assumant pas leurs responsabilités. Les clubs de football professionnels, les instances du football et les clubs de supporters ont un rôle d'apaisement essentiel à jouer aux côtés des pouvoirs publics. Par cette nouvelle stratégie d'ensemble, l'État entend pacifier durablement les rencontres de football et redonner à ce sport ses lettres de noblesse tout en garantissant un meilleur emploi des forces de l'ordre. Enfin, il convient de préciser qu'avant chaque match sur le ressort de l'agglomération parisienne, la préfecture de police, forte de son expérience des grands événements sportifs, est très attentive aux tensions interclubs et au contexte des rencontres. Elle évalue systématiquement les risques liés à la tenue des matchs et adapte son service d'ordre en conséquence. La détection et l'identification des éléments à risque issus des mouvements ultra, en amont des événements, puis en temps réel, demeure également essentielle pour prévenir les troubles.Les services de renseignement jouent ainsi un rôle primordial dans le dispositif global de gestion de l'ordre public, afin d'anticiper les risques et renseigner l'autorité administrative en amont des évènements d'ordre public pour établir les dispositifs, et pendant les rassemblements, pour les adapter. Selon le contexte et la sensibilité de la rencontre, qui fait l'objet d'une évaluation de la division nationale de lutte contre le hooliganisme, le préfet de police fait usage des dispositions procédurales de l'article L 332-16-2 du code du sport interdisant aux supporters de paraître sur la voie publique dans un périmètre délimité autour de l'enceinte sportive afin de prévenir le risque de troubles à l'ordre public. Cette mesure peut s'accompagner d'un encadrement par les forces de l'ordre de certains groupes de supporters à risques jusqu'au stade. Le point de prise en charge, le plus souvent au péage d'entrée dans la région, est fixé par les services de police qui travaillent à la préparation des déplacements en lien avec les clubs. Lorsque les antagonismes sont forts entre les supporters et que les déplacements antérieurs ont été émaillés de troubles avérés, les supporters peuvent être interdits de déplacement pour la rencontre via un arrêté ministériel pris sur le fondement de l'article L 332-16-1 du code du sport. Sur le volet prévention, il convient en outre de noter que les arbitres, souvent victimes de violences, ont la possibilité de demander leur inscription SIP (sécurité des interventions et demandes particulières de protection) auprès des brigades de gendarmerie ou des commissariats. En matière de cyberharcèlement, la gendarmerie s'engage dans l'accompagnement des victimes, complété par des dispositifs numériques dans le cadre des faits à caractère cyber. Elle adosse son action à plusieurs entités et dispositifs comme : les brigades numériques (BNum), composées de gendarmes spécifiquement formés et accessibles 7j/7 et 24h/24 mais également le dispositif 17-cyber qui permet de recevoir des conseils personnalisés (en lien avec www.cybermalveillance.gouv.fr).

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