Question de Mme CAZEBONNE Samantha (Français établis hors de France - RDPI) publiée le 10/04/2025

Mme Samantha Cazebonne attire l'attention de Mme la ministre de la culture sur la promotion de la tauromachie dans les régions où la pratique de la corrida est interdite, comme à Paris. Bien que la corrida bénéficie d'une dérogation légale dans certaines régions en vertu de l'article 521-1 du code pénal, cette pratique reste strictement encadrée et réservée aux zones de « tradition locale ininterrompue ».

Il apparaît toutefois que des clubs taurins situés à Paris organisent des activités culturelles (conférences, projections, débats) et font activement la publicité de spectacles de tauromachie dans le sud de la France. Ces pratiques soulèvent des interrogations sur leur conformité avec l'esprit de la dérogation législative de 1951, qui visait à respecter les coutumes locales sans étendre la portée de la corrida à des régions où elle n'existe pas. Si Paris devient une ville « d'aficion », comme le suggèrent les communications des clubs taurins qui y promeuvent activement la tauromachie, une question légitime se pose : pourquoi ne pas y réintroduire les corridas ? L'organisation de corridas étant un délit sanctionné à Paris, leur promotion devrait l'être également, par cohérence législative et éthique.

De plus, en attirant des spectateurs parisiens dans les arènes du sud, ces clubs faussent la perception de l'intérêt réel de la population locale pour la corrida. Cette fréquentation extérieure gonfle artificiellement les chiffres, donnant à tort l'impression d'une tradition vivace dans les régions concernées. Cela pose problème, car les tribunaux se basent sur l'intérêt local pour justifier la « tradition locale » et la dérogation autorisant les corridas.

Enfin, faire la publicité d'une pratique interdite dans une région peut être perçu comme un contournement de la loi. Promouvoir les corridas dans une zone où elles sont illégales banalise la violence qu'elles incarnent et incite indirectement à un délit défini par l'article 521-1 du code pénal.

Elle lui demande donc si elle envisage de prendre des mesures pour encadrer ou interdire la publicité et les activités de promotion taurine dans les régions où la corrida est interdite, afin de respecter l'esprit de la loi et de garantir que Paris ne contribue pas à la promotion de la souffrance animale.

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Réponse du Ministère de la culture publiée le 05/06/2025

La loi du 2 juillet 1850 relative aux mauvais traitements envers les animaux, dite « loi Grammont », pénalise les sévices graves et actes de cruauté envers les animaux. Le premier alinéa de l'article 521-1 du code pénal punit de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende « le fait, publiquement ou non, d'exercer des sévices graves ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité ». « Lorsque les faits ont entraîné la mort de l'animal, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende » (alinéa 2). Cependant, la loi du 24 avril 1951, complétant la loi Grammont, a institué une exception au principe de la répression pénale des sévices graves envers les animaux, en matière de courses de taureaux et de tauromachie (exception également codifiée à l'article 521-1 du code pénal). Ces actes de cruauté et de mise à mort ont été soustraits au droit pénal afin de ne pas remettre en cause certaines pratiques traditionnelles locales. Cette exclusion de responsabilité pénale est strictement encadrée par l'exigence d'une tradition locale ininterrompue. Elle n'est ainsi applicable qu'aux corridas organisées « dans les parties du territoire national où l'existence d'une telle tradition ininterrompue est établie et pour les seuls actes qui relèvent de cette tradition » (Conseil Constitutionnel, QPC 2012-271, 21 septembre 2012). L'existence de la tradition doit être attestée dans la localité concernée et l'organisation de corridas doit y être régulière. Un siècle s'étant écoulé depuis la dernière corrida aux Arènes de Lutèce, il est invraisemblable que cette pratique soit réintroduite à Paris. En outre, il est à noter que les activités culturelles liées à la tauromachie n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 521-1 du code pénal, puisqu'elles n'incitent pas à la commission d'actes de cruauté envers un taureau à Paris. Elles valorisent cette pratique, telle qu'elle existe légalement dans les régions de tradition taurine. Cela étant dit, le Conseil de Paris a voté à l'unanimité, le 11 avril 2025, le voeu que « La Ville de Paris rappelle son opposition à la Corrida, en tant que spectacle de souffrance animale, et à toutes les manifestations de sa promotion sur le territoire parisien ».

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