Question de Mme ROBERT Sylvie (Ille-et-Vilaine - SER) publiée le 17/04/2025
Mme Sylvie Robert appelle l'attention de Mme la ministre de la culture sur les enjeux éthiques, sociétaux et démocratiques liés à la généralisation de l'utilisation de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée (XR) dans le cadre de projets culturels, éducatifs et patrimoniaux.
Ces technologies immersives, en pleine expansion, sont de puissants médiums qui pénètrent de nombreux secteurs tels que l'éducation, la culture, la formation et le divertissement. En plaçant l'utilisateur au coeur d'expériences et de récits construits, elles ont, par essence, un pouvoir d'influence inédit. Elles sont susceptibles de façonner les représentations, d'orienter les émotions et de véhiculer des valeurs bien précises.
Récemment, plusieurs enquêtes journalistiques ont révélé qu'un double phénomène faisait peser un risque majeur sur le secteur des technologies immersives : non seulement les investissements sont particulièrement concentrés, mais surtout, ces derniers serviraient à financer des programmes aux nombreux biais idéologiques -faisant écho au plan Périclès et à la « bataille culturelle » qui se jouerait en filigrane. Il convient donc de prendre garde à ce que la XR ne serve pas de truchement à la valorisation d'une certaine lecture de l'histoire -voire de sa réécriture- ni à celle de récits objectivement orientés.
Contrairement aux médias traditionnels ou au cinéma, les technologies immersives sont très faiblement réglementées. À titre d'exemple, il n'est pas nécessaire de signaler qu'un contenu est purement fictionnel. Face aux risques de manipulation, et afin que l'écosystème de la XR soit éthique, responsable, indépendant et pluraliste, plusieurs leviers pourraient être actionnés : assurer la diversification des sources de financement, sensibiliser urgemment les acteurs qui déploient des technologies immersives à destination du public -singulièrement les acteurs publics (établissements publics de l'État, collectivités territoriales, acteurs culturels et éducatifs etc.)- et lancer une réflexion sur l'opportunité de réglementer davantage la XR, en particulier sur le volet de la transparence, sans pour autant entraver sa croissance.
Ainsi, elle souhaite connaître la position du Gouvernement sur ce sujet primordial, l'objectif étant de préserver l'intégrité de ce secteur et de garantir un déploiement sain et équilibré sur l'ensemble des territoires.
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Réponse du Ministère de la culture publiée le 05/06/2025
Le ministère de la culture partage la prudence requise quant à la nécessité de penser un cadre éthique pour l'usage des technologies immersives, en particulier la réalité virtuelle (RV) et la réalité augmentée (RA), dans les domaines de la culture, du divertissement, de l'éducation et du patrimoine, dont le potentiel disruptif appelle une approche équilibrée entre innovation, protection des publics et préservation de la diversité culturelle. La spécificité de l'immersif, c'est qu'il traverse et irrigue tous les secteurs : cinéma mais aussi jeu vidéo, musique, spectacle vivant, patrimoine et musées. La réalité étendue ou XR (englobant la RV et RA) offre des opportunités concrètes pour rendre la culture accessible au plus grand nombre, pour valoriser la médiation patrimoniale et la création artistique. Nombre de projets soutenus par le ministère de la culture en témoignent : les reconstitutions virtuelles de sites avec la société Iconem, les expériences immersives proposées par Excurio dans les musées nationaux (récemment au musée d'Orsay), la réalité augmentée proposée par Histovery dans plusieurs châteaux en France (Chambord, Fontainebleau). Les établissements culturels qui font appel à ces technologies, et qui sont mentionnés supra, sont très attentifs à la qualité scientifique des contenus, dont ils sont garants. En créant des environnements virtuels, la XR peut modifier la perception du réel, et véhiculer des récits orientés. Conscient de ces enjeux, le ministère de la culture considère prioritaire d'encadrer le développement des technologies immersives en respectant le pluralisme et la souveraineté culturelle. Tout d'abord, la diversification des sources de financement est un levier essentiel pour garantir l'indépendance de la création. À ce titre, le ministère de la culture soutient les projets immersifs à travers des dispositifs comme le Fonds d'aide à la création immersive (piloté par le centre national du cinéma et de l'image animée). Le ministère soutient également le développement de nouveaux modes de production et de diffusion à travers l'appel à projets France 2030 « Culture immersive et métavers ». Celui-ci a fait l'objet de 140 candidatures à date, toutes évaluées par un comité composé d'experts indépendants, en fonction de critères comme le caractère innovant, la stratégie réglementaire et/ou de propriété intellectuelle, la performance environnementale et l'impact sociétal. Enfin, le ministère de la culture soutient également - dans le cadre du plan France 2030 - le Programme de recherche industries culturelles et créatives « ICCARE ». Ce programme vise à accompagner par la recherche, la filière des industries culturelles et créatives dans sa transformation et son adaptation aux enjeux économiques, numériques et sociaux. Il constitue un espace de rencontres et de dialogues entre les communautés de recherche, les professionnels de la culture et les institutions publiques ; à l'image des projets HARMONIE « Créer, diffuser et produire à l'heure de l'IA et des technologies immersives » ou STYX « Les mondes infinis du métavers, pour en faire quoi ? ». Ces projets explorent les dimensions économiques, sociales, éthiques et réglementaires de ces nouveaux usages. Le Gouvernement souhaite donc préserver un usage éthique et responsable des technologies immersives. La technologie ne doit jamais être une fin en soi. C'est un moyen au service de la culture, au service de la souveraineté de notre modèle culturel.
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