Question de M. JOLY Patrice (Nièvre - SER) publiée le 17/04/2025

M. Patrice Joly attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur concernant la situation que traverse aujourd'hui l'activité de la vente de tabac dans la Nièvre.
Le marché légal de vente de tabac, au travers des droits et taxes de consommation, a dégagé plus de 13 milliards d'euros en 2024 de recettes pour l'État. Aujourd'hui, la France est confrontée toujours plus durement aux effets néfastes de l'expansion du marché parallèle illégal du tabac, qui prospère grâce aux prix largement inférieurs des produits proposés par rapport aux marchandises traditionnelles soumises à l'impôt. Ce marché représenterait jusqu'à 35 % de la consommation de tabac en France. Ce sont entre 3 et 5 milliards d'euros de recettes fiscales perdues chaque année.
Au-delà des territoires frontaliers usuellement confrontés à cette situation, les zones rurales sont touchées par le trafic de tabac. Dans la Nièvre, les 123 buralistes du département témoignent de leur inquiétude vis-à-vis de ce marché parallèle, qui mène à une perte de chiffre d'affaires pour les bureaux de tabac, avec une baisse du volume vendu de 12 % dans la Nièvre. Par ailleurs, ce trafic fait courir un risque non-négligeable en termes de santé publique, aucun contrôle de la qualité ne pouvant être conduit et aucune garantie sur la composition des produits de tabac vendus illégalement ne pouvant être assurée.
Ainsi, il est de toute utilité que l'État agisse pour limiter l'ampleur de ce marché parallèle du tabac, dont les produits peuvent gravement nuire à la santé. Ce marché illégal participe également de l'augmentation tendancielle des trafics, qui s'imbriquent les uns aux autres et qui confrontent la population à la violence criminelle.
Aussi, il souhaite connaître les dispositions que le Gouvernement entend mettre en place pour lutter contre ce marché parallèle, qui nuit tant aux finances publiques qu'aux petites entreprises que sont les bureaux de tabac, et à la population en termes de santé publique et d'insécurité.

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Transmise au Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics publiée le 05/06/2025

Le plan national de lutte contre les trafics illicites de tabacs 2023-2025 renforce la capacité d'action douanière contre toutes les formes de commerce illicite de tabacs. Articulé autour de quatre engagements qui structurent l'action douanière contre ce fléau jusqu'à la fin de l'année 2025, ce plan porte sur des mesures importantes, qui correspondent à autant de nouveaux moyens déployés par la douane. D'abord, la douane a investi dans des capacités de détection permettant de lutter contre les trafics, dont ceux liés aux tabacs. En effet, différents équipements de détection non intrusive sont déployés et continueront à l'être d'ici la fin de l'année 2025. Il s'agit de caméras endoscopes (depuis septembre 2024), de scanners (depuis décembre 2024) et d'équipes maître de chien anti-tabac supplémentaires, d'ici fin 2025. Ensuite, des groupes de lutte anti trafics de tabacs (GLATT) ont été créés afin de répondre au besoin d'adapter l'organisation des services douaniers pour faire face à celle des trafiquants. Créés en 2023, dans des bassins de fraude prioritaires, ils permettent de faire travailler de façon plus efficace et coordonnée l'ensemble des services douaniers concernés, en coopération avec des services partenaires. Ils exploitent, notamment, les fiches Stop Trafic Tabac émises par les buralistes pour signaler des ventes illicites de produits du tabac. Ces groupes ont été enrichis d'un réseau douanier cyber déconcentré pour lutter contre les trafics sur internet. De plus, les opérations coordonnées ou « coups de poing » constituent un levier important et nécessaire de lutte contre les trafics illicites de tabac, qui envoient un signal fort aux trafiquants. Les opérations « COLBERT » constituent l'illustration du pilotage par la DGDDI du groupe opérationnel national antifraude (GONAF), aux côtés de la Mission interministérielle de coordination antifraude (MICAF). Ces opérations ont également renforcé la présence de la douane au sein des comités opérationnels départementaux antifraudes (CODAF). Les cibles d'intérêt douanier, notamment les commerces vendant illégalement des produits du tabac, sont ainsi régulièrement inscrites dans les plans de contrôle des CODAF. L'opération nationale COLBERT II, qui a eu lieu du 20 au 27 mars 2024, a permis la saisie de 27 tonnes de tabacs sur cette période. Par ailleurs, le législateur a fait évoluer le régime juridique entourant la lutte contre les trafics de tabacs via la loi n° 2023-610 du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces. Le durcissement des sanctions encourues fait écho aux échanges réguliers avec la confédération des buralistes. La peine d'emprisonnement encourue pour la fabrication, la détention frauduleuse en vue de la vente, la vente hors du monopole, l'introduction ou l'importation frauduleuse de tabacs manufacturés passe ainsi de un à trois ans, et peut aller jusqu'à cinq à dix ans pour les mêmes infractions réalisées en bande organisée ; de même, la durée de fermeture administrative encourue par les commerces revendant du tabac de manière illicite passe de 3 à 6 mois maximum encourus. En outre, une sanction pour non-respect des mesures de fermeture administrative est instaurée, l'infracteur étant désormais passible de deux mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende. Cet affermissement de la réponse étatique vise à envoyer un signal fort aux infracteurs qui détournent des commerces de leur vocation d'origine pour s'adonner au commerce illégal de tabac. Depuis la publication du décret n° 2024-276 du 27 mars 2024, la DGDDI a mis en place un observatoire sur les achats transfrontaliers de tabacs afin de suivre au plus près les contentieux réalisés par ses services, mais également les ventes mensuelles de tabacs dans les départements concernés. En outre, ce décret offre la possibilité aux douaniers de retenir d'autres critères que celui portant que la quantité de tabacs transportés afin d'établir si un particulier rapporte du tabac d'un autre pays de l'Union européenne pour sa consommation personnelle et non pour un but commercial. Dans le cadre du plan national de lutte contre les trafics illicites de tabac 2023-2025, la douane a également entamé des travaux, en coopération avec la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), visant au développement d'une capacité publique souveraine d'estimation et d'analyse du marché parallèle des produits du tabac. Celle-ci devra permettre de mieux comprendre, de façon indépendante, les ressorts criminologiques et socio-économiques du marché parallèle de tabacs. Cette meilleure maîtrise permettra une communication publique argumentée en la matière, et améliorera le niveau de connaissance douanière des marchandises de fraude. Les premiers résultats de ces recherches seront publiés dans le courant de l'année 2025. Enfin, dans le cadre du programme national de lutte contre le tabac pour 2023-2027, co-porté par les ministères chargés de la santé et des comptes publics, une des mesures phares de l'axe 4 « Transformer les métiers du tabac et lutter contre les trafics » est d'agir au niveau de l'Union européenne et des Etats membres pour mieux harmoniser la politique fiscale et réduire les écarts de prix. La position française reste inchangée sur cette nécessité d'harmonisation, et des échanges réguliers avec les homologues européens permettent de garder cet objectif au centre de l'actualité en matière de tabac.

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