Question de Mme HAVET Nadège (Finistère - RDPI) publiée le 01/05/2025

Mme Nadège Havet appelle l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique sur l'opportunité de créer un espace social numérique public selon des règles partagées.

Alors que l'Australie vient de voter une loi pour interdire aux mineurs de moins de 16 ans l'accès aux réseaux sociaux, ou plus précisément, de prévoir que les plateformes doivent prendre « des mesures raisonnables » pour empêcher les jeunes de créer un compte, la France avance également, en s'inscrivant dans un cadre de régulation européen, notamment à travers le Digital Services Act (DSA), afin de fixer, et de façon uniforme, les modalités d'une mise en oeuvre effective de cette protection des plus jeunes.

Les enjeux sont multiples et répondent à des impératifs à la fois politiques, sociaux et sanitaires : d'une part, réguler l'usage des terminaux en tant que tel est primordial car les sur-expositions aux écrans dés le plus jeune âge inquiètent légitimement les familles et les pouvoirs publics ; et d'autre part, sur un plan plus qualitatif et la Sénatrice Nicole Duranton le rappelait dans un débat sénatorial consacré à ce sujet le 10 avril 2025, il est nécessaire de rendre possible « une régulation équilibrée, qui préserve la liberté d'expression tout en garantissant la responsabilité des utilisateurs »

Il est aussi rappelé ici la volonté de généraliser la « pause numérique » à la rentrée de septembre qui vient en complément de la loi n° 2018-698 du 3 août 2018 relative à l'encadrement de l'utilisation du téléphone portable dans les établissements d'enseignement scolaire, visant à interdire l'utilisation du téléphone portable dans les écoles maternelles, primaires et dans les collèges.
Cela va dans le sens d'une meilleure prise en compte des excès et des risques addictifs extrêmement préjudiciables. D'après Santé publique France, les enfants de 6 à 17 ans passeraient en moyenne 4 heures 11 par jour sur un écran, hors temps scolaire.

Aussi, elle souhaite interroger le Gouvernement sur l'opportunité de développer un espace social numérique public avec un accès libre aux algorithmes utilisés pour les chercheurs, de toutes les disciplines.
La lutte contre les ingérences et déstabilisations étrangères, contre les logiques commerciales qui recourent à la radicalité et contre les bulles de filtre imposées sont aussi les conditions d'un débat public de qualité.

Car comme Mme la ministre l'a récemment rappelé, « laisser l'organisation du débat public à des acteurs privés, qui privilégient la polarisation, est risqué ».

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Réponse du Ministère délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'intelligence artificielle et du numérique publiée le 04/09/2025

Le Gouvernement est fermement engagé dans la préservation de notre espace social numérique. Les autorités françaises se sont pleinement investies dans la négociation du règlement DSA en 2022 et le Gouvernement a fait adopter - en 2024 - son projet de loi visant à sécuriser et à réguler notre espace numérique (loi n° 2024-449 du 21 mai 2024, dite loi SREN). Le règlement DSA prévoit des dispositions spécifiques visant à responsabiliser les plateformes. La protection des mineurs étant défini comme un risque systémique, les très grandes plateformes doivent évaluer les risques induits par leurs services et prendre des mesures d'atténuation. La Commission européenne a lancé plusieurs enquêtes à l'encontre de plateformes en raison notamment de la conception addictive de leurs interfaces. Prolongeant les dispositions du règlement DSA, la loi SREN impose des mesures de protection supplémentaires en faveur des mineurs telles que l'obligation pour les sites à caractère pornographiques de mettre en place un système de vérification de l'âge. L'ARCOM, dotée de pouvoirs de mise en demeure et de sanctions à cet effet, assure l'application de cette obligation. Elle a adressé depuis le début de l'année plusieurs lettres d'observations aux sites pornographiques ne respectant pas cette obligation. Les injonctions de l'Arcom ont d'ores et déjà permis d'obtenir la mise en conformité de certains sites et aussi le blocage du site récalcitrant par les moteurs de recherches et fournisseurs d'accès internet. Afin d'étendre cette obligation aux sites les plus consultés, établis au sein de l'UE, le Gouvernement a pris au mois de mars 2025 un arrêté qui étend cette obligation à 16 sites (à compter du 7 juin 2025). Le Gouvernement souhaite également avancer au niveau européen vers une majorité numérique pour l'utilisation de médias sociaux et une obligation de mettre en place une vérification de l'âge effective. Le Gouvernement demande en outre la reconnaissance d'un nouveau « droit au paramétrage », l'encadrement des fonctionnalités addictives (défilement infini, lecture automatique des vidéos et hyper-notification) et l'obligation pour les plateformes de mettre en place des fonctionnalités par défaut protectrices à destination des mineurs ainsi qu'un contrôle parental renforcé. La France mène un travail d'influence important afin que les futures lignes directrices du règlement DSA relatives à la protection des mineurs soient le plus ambitieuses possible et intègrent ces exigences. Les lignes directrices seront publiées dans les prochaines semaines et devraient constituer une avancée importante pour la protection des mineurs en ligne. Les très grandes plateformes doivent donner aux chercheurs agréés l'accès aux données nécessaires, à la demande du coordinateur pour les services numériques de l'État membre d'établissement ou de la Commission européenne. Ces données algorithmiques ou relatives aux systèmes de recommandation et de modération, doivent permettre aux professionnels agréés de procéder à des recherches sur les risques systémiques et les réponses mises en place par les plateformes. La Commission a ouvert plusieurs enquêtes pointant des insuffisances en matière d'accès aux données et rappelant dans ses griefs préliminaires l'obligation d'ouvrir les données et certaines API aux chercheurs agréés. La lutte contre les ingérences et la protection de l'intégrité des processus électoraux sont appréhendées par le règlement DSA, au titre des risques systémiques obligeant les très grandes plateformes à prendre des mesures d'évaluation et d'atténuation contre la désinformation. Suite à l'annulation de l'élection présidentielle en Roumanie, la Commission européenne a ouvert une enquête pour violation des obligations d'atténuation des risques, notamment sur les systèmes de recommandation et infraction aux règles de gestion des publicités à caractère politique et de contenus politiques payants. Sur le plan opérationnel, le Gouvernement s'appuie sur l'action du Service de vigilance et protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum), qui détecte, caractérise et étudie les phénomènes inauthentiques se manifestant sur les plateformes numériques pour parer aux opérations d'ingérences étrangères. Le service coordonne, au sein du comité de lutte contre les manipulations de l'information (COLMI) et aux côtés des ministères en charge des affaires étrangères, des armées et de l'intérieur, la réponse française face à une ingérence numérique étrangère. De façon complémentaire, Viginum travaille étroitement avec l'ARCOM. Viginum a récemment mis en lumière plusieurs opérations informationnelles menées par des puissances étrangères (Portal Kombat, Matriochka, Storm 1516). Enfin, Viginum opère un rôle de veille active en période électorale, en coordination avec les autorités compétentes telles que l'ARCOM, la CNCCEP et le juge électoral.Enfin, le Gouvernement a lancé l'application Agora, qui permet aux Français de s'exprimer sur des sujets à forts enjeux en participant à des consultations et en posant des questions au Gouvernement. L'objectif est de mieux associer les Français aux grandes décisions les concernant, en faisant émerger leurs choix et leurs attentes pour la mise en place des politiques publiques.

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