Question de Mme PLUCHET Kristina (Eure - Les Républicains) publiée le 08/05/2025
Mme Kristina Pluchet attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur l'absence de référentiel sûr et opposable de mesure du bruit garantissant la santé et la sécurité du voisinage des parcs éoliens terrestres en conséquence de l'annulation par le Conseil d'État, le 8 mars 2024, des « protocoles reconnus » de mesure de l'impact acoustique des parcs éoliens terrestres, associés aux arrêtés ministériels successifs de 2021 à 2023. Depuis lors, un protocole modernisé tenant compte des exigences fixées par le code de la santé publique, régulièrement adopté et publié fait cruellement défaut.
Ainsi, en l'absence d'un tel protocole, les préfets, en application d'une note ministérielle du 23 juillet 2024 maintiennent de manière assez artificielle une vérification de la conformité acoustique des parcs éoliens après leur mise en service en faisant revivre l'obligation de réalisation de cette vérification par la méthode applicable antérieurement au protocole susmentionné, à savoir en respectant les dispositions de la norme NFS 31-114 dans sa version projet de juillet 2011. Or, cette norme n'a jamais été homologuée et n'est donc pas opposable, malgré sa mention expresse à l'alinéa 2 de l'article 28 du 26 août 2011 modifié après l'annulation du Conseil d'État. De plus, reconnaissant l'imprécision du projet de norme NFS 31-114, il leur est préconisé d'utiliser le protocole annulé afin de garantir une meilleure qualité de mise en oeuvre et de restitution des mesures acoustiques.
Cette manière de faire est plus que contestable dans un état de droit.
Face à cette situation, la seule méthode normative de mesurage incontestable existante à ce jour est la norme générale NFS 31-010 toujours en vigueur, d'application obligatoire depuis 1996 pour toutes les mesures de bruit de l'environnement, dont une révision est en cours d'enquête publique pilotée par l'AFNOR. Il conviendrait de la faire évoluer en ajoutant à l'indicateur d'émergence d'autres indicateurs plus représentatifs des crêtes et fréquences de bruit, de leur répétitivité et de leur durée d'apparition et ne reposant plus sur des estimations statistiques susceptibles d'être contestées. C'est la solution qui a été proposée par un groupe expert dédié, issu de la société civile, à la commission mixte du Conseil national du bruit en septembre 2024 et qui permettrait à la fois un meilleur respect du code de la santé publique et de l'article 28 de l'arrêté du 26 août 2011.
Elle lui demande donc quelle solution réglementaire plus satisfaisante et plus conforme au droit le Gouvernement envisage de mettre en oeuvre dans les mois à venir afin de satisfaire aux exigences de respect de la santé et de la sécurité des riverains, qui requièrent d'y intégrer rapidement les spécificités du bruit éolien (comme les basses fréquences et les modulations d'amplitudes) et ainsi éviter des condamnations judiciaires qui ne pourront qu'être croissantes.
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Réponse du Ministère de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche publiée le 10/07/2025
Les parcs éoliens terrestres sont soumis à une réglementation stricte. L'arrêté ministériel du 26 août 2011 fixe des valeurs maximales d'émergence sonore admissibles dans les zones à émergence réglementée (ZER) afin de protéger la santé des riverains. Ainsi, lorsque le bruit ambiant y dépasse 35 dB (A), les émergences autorisées sont limitées à 5 dB (A) le jour et 3 dB (A) la nuit. De plus, l'arrêté impose un niveau de bruit maximal en limite de parc et exige un contrôle de conformité acoustique après mise en service, basé sur des mesures vérifiant le respect des seuils précités. Comme vous le soulignez, par une décision du 8 mars 2024, le Conseil d'État a annulé, pour des raisons de procédure, le protocole de mesures acoustique reconnu par le ministre chargé des installations classées, sans se prononcer sur son contenu. Cette décision a eu pour effet de rétablir réglementairement l'application du projet de norme NFS 31-114 pour la réalisation des mesures acoustiques, qui complète la norme générale NFS 31-010 que vous mentionnez. Cette dernière n'est pas exigée réglementairement pour les éoliennes dans la mesure où elle ne tient pas compte des spécificités inhérentes à leur fonctionnement. Sur ce sujet, le rapport au Parlement dressant une évaluation des nuisances sonores occasionnées par les installations terrestres de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent pour les riverains, remis en janvier 2024, constate que la mise en oeuvre ainsi que le respect du protocole ont permis une amélioration globale de la qualité des rapports d'étude d'impact acoustique. La poursuite de la mise en oeuvre méthodologie prévue par le protocole, cette dernière étant conforme au projet de norme, permet ainsi de garantir une meilleure qualité de mise en oeuvre des mesures. Vous proposez de faire évoluer les modalités de calcul de l'indicateur d'émergence, en y intégrant les crêtes et les fréquences de bruit, leur répétitivité et leur durée d'apparition. Il convient de préciser que la méthode de calcul de l'indicateur d'émergence qui avait été retenue dans le protocole de mesure acoustique avait fait l'objet d'échanges au sein d'un groupe de travail pluraliste. Le groupe de travail avait fait le choix à l'époque de recourir à la médiane et centrale d'une série d'échantillons de mesures sonores collectés pour le calcul des niveaux sonores et non pas les pics de bruit ponctuels ou « crêtes ». Cette méthode de calcul permet en effet de s'affranchir de perturbations ponctuelles et non représentatives de certains bruits fluctuants, comme celles occasionnées par les bruits intermittents (passages de train, de véhicules, activés agricole, bruits ponctuels de la nature et de la faune, etc.) parasitant la mesure du bruit résiduel. Il convient par ailleurs de souligner qu'une méthodologie de calcul de l'émergence basée sur les pics de bruit ou crêtes implique de réaliser des campagnes de mesures à chaque cycle de marche/arrêt des éoliennes, ce qui conduit à calculer l'émergence à chaque transition. Or les données météorologiques ont montré qu'il était impossible d'atteindre des critères de représentativité suffisants si l'on applique cette méthode, sauf à immobiliser les parcs éoliens pendant plusieurs mois pour réaliser le contrôle acoustique, ce qui implique des pertes de production d'électricité importantes et de revenus pour l'Etat. Comme vous le précisez par ailleurs, lors de la commission mixte du Conseil national du bruit de septembre 2024, un groupe d'expert a proposé d'inclure la prise en compte des basses fréquences et des modulations d'amplitude. Sur ces sujets, des études sont actuellement en cours, à savoir : le projet RIBEolH, lancé en 2020, sur les effets sanitaires des basses fréquences et des infrasons générés par les éoliennes ainsi que le projet PIBE, lancé en 2019, qui inclut un axe d'étude sur les modulations d'amplitudes. Il convient donc d'attendre le résultat de ces études avant de statuer sur l'opportunité de les intégrer dans le cadre fixé et en déterminer les modalités techniques. Enfin, sur la question de la prise en compte des basses fréquences, il peut être rappelé l'expertise publiée en 2017 par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'environnement, de l'alimentation et du travail (Anses), qui a conclu que les données disponibles ne justifient ni la révision des seuils actuels ni l'élargissement de la réglementation aux infrasons et aux basses fréquences.
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