Question de Mme PONCET MONGE Raymonde (Rhône - GEST) publiée le 22/05/2025
Mme Raymonde Poncet Monge attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères au sujet de la gestion des ressources en eau en Cisjordanie.
Selon l'avis consultatif de la Cour Internationale de Justice du 19 juillet 2024 puis de la Résolution de l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations unies (ONU) du 18 septembre, la fin de l'occupation et de la colonisation israélienne du Territoire palestinien occupé (TPO) doit intervenir urgemment, dans un délai de 12 mois.
Avant même l'indépendance d'Israël, lors du mandat britannique en Palestine, la question de l'utilisation de l'eau, notamment celle du Jourdain, était déjà considérée comme un moyen de développement essentiel. En 1936, sous le mandat britannique, la compagnie de l'eau « Mekorot » est fondée et se développe devenant la compagnie nationale de l'eau israélienne en 1948
En 1967, l'Ordonnance militaire 158 est promulguée par les autorités israéliennes. Ce texte interdit aux Palestiniens de construire de nouvelles infrastructures hydrauliques sans permis de construire préalable, permis uniquement délivrés par l'armée israélienne.
Cette ordonnance marque un tournant majeur dans les violations des droits humains en Palestine, en diminuant drastiquement voire en confisquant l'eau disponible aux Palestiniens. Ces derniers ne peuvent ni construire de nouveaux puits, ni agrandir ceux existants. Ces interdictions privent d'eau potable 180 villages palestiniens, selon le bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'ONU.
La compagnie Mekorot ne s'arrête pas là, celle-ci creuse des puits autour des villages en TPO, ce qui a pour conséquence directe d'assécher volontairement les sources se trouvant au coeur de villages palestiniens. Un cultivateur palestinien, Issa Nijoum, affirme à Amnesty International qu'« en 1967, lorsque (les autorités israéliennes) ont commencé à contrôler l'eau, ça a été comme une maladie qui ronge un corps... les terres se sont asséchées petit à petit. »
La réduction quantitative et qualitative de la ressource la plus essentielle pour l'Homme provoque une flambée des prix : la dépense pour l'eau peut représenter près de la moitié des revenus mensuels de certaines familles palestiniennes. Alors que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande un minimum de 100 L d'eau par jour et par personne, les Palestiniens ne disposent en moyenne que de 73 L et 3 L à Gaza (quantité à peine suffisante pour la survie) avant le siège.
À quelques kilomètres de ces zones taries, comme pour le quartier nord-est de Jérusalem, isolé par le mur de séparation, les colonies israéliennes contrastent : palmeraie, végétation luxuriante, cultures des vignes, grandes consommatrices d'eau, fleurissent cyniquement.
Un rapport de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée Nationale (octobre 2009) portant sur la « géopolitique de l'eau », décrivait la situation comme suit : « L'eau, révélatrice d'un nouvel apartheid au Moyen-Orient ».
L'Union européenne (UE) n'est pas exempte de tout reproche puisqu'elle finance sans interruption depuis 2007, la compagnie Mekorot. Les financements de l'UE permettent ainsi de poursuivre des activités illégales, violant le droit international. La résolution du 18 septembre 2024 dénonce le « mépris de sa (la Palestine) souveraineté permanente sur ses ressources ».
Par conséquent, elle l'interroge concernant la nécessité d'exercer des pressions diplomatiques afin d'empêcher la poursuite de cette situation « d'apartheid de l'eau ». Elle lui demande quelles actions concrètes et quelles dispositions il compte prendre afin de sanctionner cette prédation de la ressource en eau subie par les palestiniens depuis des dizaines d'années, plus particulièrement depuis le 18 septembre 2024, et les obligations de la France, État partie des Nations Unies.
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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 11/09/2025
Les infrastructures liées à l'eau et à l'assainissement sont souvent prises pour cible dans les conflits armés ou détournés à des fins militaires. Toute tentative d'obstruction de l'accès à l'eau potable en zone de conflit est contraire au droit international, et peut également nuire au respect du droit à l'eau, du droit à la santé et des droits de l'Homme qui y sont liés. La question de l'eau est donc cruciale et l'accès à l'eau doit être assuré partout et pour tous. Nous avons une responsabilité collective d'agir pour assurer la protection des civils et le respect du droit international humanitaire, et la France se mobilise en ce sens. Nous avons lancé, aux côtés du Comité international de la Croix rouge et de cinq autres Etats, l'Initiative mondiale, un groupe de travail qui porte spécifiquement sur les infrastructures civiles. Nous appelons également au respect des résolutions du conseil de sécurité des Nations unies, dont les résolutions 2417 et 2573. En 2023, nous avons par ailleurs signé l'appel à l'action de la WASH Roadmap afin d'accroître notre action en matière d'accès à l'eau, d'assainissement et d'hygiène dans les environnements de fragilité, de conflit et de violence. L'un des objectifs de cet appel était la création d'un envoyé spécial de l'ONU pour l'eau qui est maintenant nommé. Nous nous réjouissons de travailler avec Madame Retno Marsudi et de poursuivre notre coopération avec le rapporteur spécial pour le droit à l'eau et le droit à l'assainissement. La France continue de mettre en garde contre les risques liés à la politique de colonisation, et notamment les déplacements forcés de villages, qu'elle condamne fermement. Résolument attachée au respect du droit international, elle soutient l'application de la décision de la Cour internationale de justice qui rappelle l'illégalité de la colonisation et demande à Israël de cesser ses activités de colonisation à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. Ces actions sapent la mise en oeuvre de la solution à deux Etats et éloignent toute perspective de règlement juste et durable du conflit israélo-palestinien. La France soutient par ailleurs la révision de l'accord d'association entre l'Union européenne et Israël, notamment pour vérifier le respect des obligations de l'Etat d'Israël en matière de respect des droits de l'Homme et des principes démocratiques, conformément à l'article 2 de l'accord.
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