Question de M. ANGLARS Jean-Claude (Aveyron - Les Républicains) publiée le 29/05/2025

M. Jean-Claude Anglars attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement sur la dégradation continue et inquiétante des indicateurs relatifs à l'application des lois entre 2020 et 2025, tendance qui entrave l'efficacité de l'action législative du Parlement et compromet la confiance des citoyens dans nos institutions.

Les données publiées par l'Assemblée nationale révèlent une situation préoccupante : le taux annuel d'application des mesures législatives est passé de 91 % en 2020 à 74 % en 2022, pour chuter à seulement 54 % en 2025, soit une baisse dramatique de 37 points de pourcentage en cinq ans. Parallèlement, le taux moyen annuel d'application des lois s'est effondré de 86 % à 48 % sur la même période, tandis que le taux d'application dans un délai de six mois a été réduit de plus de moitié, passant de 72 % à 32 %.
Cette dégradation est d'autant plus alarmante qu'elle s'accompagne d'un allongement considérable des délais de publication des textes réglementaires, passant de 5,3 mois en moyenne en 2020 à 11,6 mois en 2025. L'analyse détaillée par type de texte révèle des baisses significatives tant pour les décrets (-35 %), que pour les arrêtés (-40 %) et les ordonnances (-37 %). La situation varie considérablement selon les ministères, avec des écarts préoccupants par rapport à la moyenne nationale, notamment pour les secteurs de l'éducation (-17 %) et de la transition écologique (-13 %).

Plus inquiétant encore, le taux de mesures abandonnées ou reportées a triplé, passant de 7 % en 2020 à 21 % en 2025, ce qui signifie concrètement qu'une loi sur cinq votée par le Parlement reste lettre morte ou voit son application indéfiniment repoussée.

Cette situation dévalorise profondément l'action législative des institutions, et notamment celle du Parlement qui se trouve entravé dans sa mission constitutionnelle d'élaboration de la loi par un pouvoir exécutif qui ne prend pas les mesures nécessaires à l'application effective des textes votés. Les facteurs explicatifs identifiés - complexité croissante des textes (+27 % du nombre moyen d'articles par loi), instabilité gouvernementale (3 remaniements entre 2022 et 2025), réduction des effectifs des services juridiques ministériels (-15 %) et multiplication des consultations obligatoires (+32 %) - ne sauraient justifier une telle dégradation.

Les conséquences sur la perception de l'action publique sont graves : selon l'enquête « Confiance et Institutions » réalisée par l'IFOP en février 2024, 68 % des citoyens considèrent que les lois votées ne sont pas suffisamment appliquées et 73 % estiment que cette situation nuit à la crédibilité des institutions.

Il souhaite donc savoir quelles mesures concrètes le Gouvernement entend prendre pour corriger cette tendance qui compromet tant l'effectivité de la loi que la confiance des citoyens dans les institutions et les élus.

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Réponse du Ministère délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement publiée le 05/06/2025

Monsieur le Ministre délégué, auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement partage pleinement la préoccupation et l'exigence de M. le Sénateur quant à l'application des lois, condition essentielle de l'effectivité des politiques publiques et de l'efficacité de l'action publique. La promulgation d'une loi n'est pas un aboutissement en soi : elle appelle une mise en oeuvre rapide et complète, qui donne une portée concrète aux réformes adoptées par la représentation nationale. C'est dans cet esprit que le Gouvernement agit, avec méthode et constance, pour améliorer le taux et les délais d'application des textes de loi votés par le Parlement. Il est vrai que les chiffres relatifs à l'application des lois entre 2020 et 2025 mettent en lumière le fait que d'importantes marges de progression sont possibles et le Gouvernement en est pleinement conscient. Plusieurs facteurs structurels - tels que l'inflation législative, la complexité croissante des lois, les consultations administratives de plus en plus nombreuses, ou encore les tensions sur les effectifs des services juridiques des ministères, ont pu contribuer à ralentir la prise des mesures réglementaires d'application. Mais ces difficultés ne sauraient constituer une fatalité. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé de renforcer très nettement son pilotage en la matière. Deux comités interministériels de l'application des lois (CIAL) ont été organisés par le ministre chargé des relations avec le Parlement, en novembre 2024 et mars 2025, afin de mobiliser l'ensemble des ministères sur cet enjeu. Ces réunions ont permis de faire un point précis sur l'avancement de l'application des lois votées, d'identifier les blocages et de rappeler à chaque ministère ses responsabilités dans la mise en oeuvre des réformes. Elles ont également permis de préparer activement le bilan annuel du Sénat effectué en juin 2025, qui portera notamment sur les lois de la session 2023-2024. Des résultats sont déjà observables : plusieurs ministères ont engagé un rattrapage important des mesures en attente, et la publication de nombreux textes d'application a été accélérée dans les dernières semaines. Le Gouvernement a par ailleurs fixé un objectif clair de 90 % de taux d'application des lois. Surtout, un travail de fond est engagé pour garantir une meilleure anticipation et une plus grande réactivité. Chaque projet de loi est désormais accompagné d'un plan d'application détaillé, intégrant l'agenda réglementaire, les ressources mobilisables et les obligations de consultation. Le suivi des arrêtés d'application est aussi désormais pris en compte par le secrétariat général du Gouvernement au même titre que les décrets, dans une logique de transparence accrue. Le Gouvernement porte une attention particulière à la bonne application des lois issues d'une initiative parlementaire, qui doivent bénéficier du même engagement que les projets de loi. Cet équilibre est indispensable à la vitalité du dialogue entre le Parlement et l'exécutif. La mobilisation est donc bien réelle, avec un objectif partagé : garantir que chaque réforme votée puisse être pleinement mise en oeuvre, au bénéfice des citoyens. L'application des lois votées est une exigence démocratique ; le Gouvernement y est fermement attaché et c'est pourquoi il poursuivra ses efforts avec constance, en lien étroit avec les assemblées parlementaires et leurs commissions.

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