Question de Mme JOURDA Muriel (Morbihan - Les Républicains) publiée le 05/06/2025

Question posée en séance publique le 04/06/2025

Mme la présidente. La parole est à Mme Muriel Jourda, pour le groupe Les Républicains.

Mme Muriel Jourda. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux.

Je veux à mon tour revenir sur les faits d'une grande violence qui se sont déroulés samedi dernier, à la « faveur », ou plutôt au prétexte, d'un match de football. Certes, pour ce qui est des forces de l'ordre mobilisées, les moyens déployés étaient importants. En outre, les instructions données étaient inédites ; d'où le nombre d'interpellations que vous avez indiqué.

La question est désormais de savoir quelle va être la sanction. À mon sens, elle doit être punitive et dissuasive. Nous en sommes d'accord, me semble-t-il : en substance, monsieur le garde des sceaux, vous avez dit souhaiter que la sanction soit plus effective et plus lourde.

Mais comment allez-vous faire ? J'ai entendu votre réponse tout à l'heure, mais elle ne répond pas à un certain nombre de problèmes.

Comment imposer des peines minimales lorsque le principe d'individualisation des peines a été constitutionnalisé ? Comment allez-vous faire, sachant que cela suppose, au-delà de l'abrogation du texte de loi sur l'aménagement obligatoire des courtes peines, de s'opposer à une culture de politique pénale prévoyant que des peines d'avertissement doivent être données pour la première infraction, voire pour les premières infractions ?

Comment allez-vous faire pour diffuser, non seulement auprès des magistrats du parquet, mais aussi auprès des magistrats du siège, qui rendent les décisions, une telle circulaire de politique pénale ?

Enfin, comment allez-vous faire face à un syndicat de magistrats qui s'est déjà exprimé et qui, lorsque votre prédécesseur rendait une circulaire de politique pénale, diffusait immédiatement une contre-circulaire ?

Expliquez-nous, monsieur le garde des sceaux ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - M. Franck Menonville applaudit également.)

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 05/06/2025

Réponse apportée en séance publique le 04/06/2025

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice, les violences de ce week-end sont totalement inacceptables ; ces désordres publics sont choquants pour l'intégralité de la Nation. Ayant eu à gérer des questions relevant de l'ordre public - je pense notamment aux jeux Olympiques -, je sais combien de telles difficultés sont difficiles à gérer.

Lorsqu'arrive le moment pour la justice de remplir son office, c'est-à-dire une fois que le ministère de l'intérieur a fait son travail de maintien de l'ordre public, la réponse qu'elle apporte - la réponse judiciaire - doit être non seulement efficace et rapide, mais aussi éducative, dans la perspective d'autres faits qui pourraient malheureusement se produire. En effet, on le voit, malgré le volontarisme et les moyens déployés, et comme l'a dit M. le ministre de l'intérieur, la violence dont il est question est désormais inhérente à notre société.

C'est pourquoi il faut adapter notre code pénal. Madame la présidente de la commission des lois, vous êtes à la fois une grande légiste et une avocate, et vous savez que les magistrats, en qui nous avons tous ici confiance - je l'espère -, appliquent la loi de la République.

Or la loi de la République, c'est-à-dire le code pénal, prévoit un maximum de peine, mais non un minimum. Et de même que les peines planchers, telles qu'elles ont été inventées par le président Sarkozy, que vous avez soutenu, laissaient intact le principe d'individualisation des peines,...

M. Mickaël Vallet. Justement !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. ... l'inscription dans le code pénal d'un minimum et d'un maximum laissera au magistrat un éventail assez large pour individualiser la peine dès le premier fait.

Le système que nous avons collectivement construit, malheureusement, depuis trente ou quarante ans, toutes majorités confondues, ne met en prison que des multirécidivistes ; or lorsque l'on en est au stade de la multirécidive, il est trop tard !

La révolution pénale que j'ai proposée dès le 12 mai dernier dans ma lettre aux magistrats - je n'ai pas attendu ce week-end -, c'est la révision totale de l'échelle des peines.

Notre code pénal prévoit un éventail de 235 peines, dont nous sommes tous responsables, contre 3, par exemple, en Allemagne : le jour-amende, la peine de probation, la peine de prison, point. Que chaque jour-amende non payé se transforme en jour de prison, tel n'est pas notre droit aujourd'hui.

Je suis tout à fait certain que les magistrats appliqueront la loi. Il nous faut être courageux, tous ensemble. Je le serai, à ma place. Vous n'avez jamais entendu un garde des sceaux dire ce que j'ai dit depuis quelques semaines, et particulièrement depuis quarante-huit heures.

Je sais que vous me soutiendrez dans ce qui est désormais le socle commun. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe Les Républicains. - MM. Vincent Capo-Canellas, Loïc Hervé et Franck Menonville applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Muriel Jourda, pour la réplique.

Mme Muriel Jourda. Monsieur le garde des sceaux, je vous soutiendrai, bien sûr, mais vous avez - nous avons - désormais une obligation de résultat.

Les Français ont constaté, effarés, qu'un boulanger qui ouvrait le 1er mai se voyait infliger une amende de 7 500 euros (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - M. Marc Laménie applaudit également.), alors qu'un délinquant qui brise du mobilier urbain, qui brise des vitrines, qui brise, en définitive, les codes de ce qui fait notre société, se voit infliger une peine beaucoup plus faible. (Protestations sur des travées des groupes GEST et SER.)

M. Yannick Jadot. Sérieusement ? Et l'ancien président de la République ?...

Mme Muriel Jourda. La confiance ne tient plus qu'à un fil : la confiance non seulement dans la politique, dans le ministre ou dans le Gouvernement, mais aussi la confiance dans nos institutions et, tout compte fait, la confiance dans l'État de droit. L'État de droit, c'est la fin de la loi du plus fort.

Mme la présidente. Veuillez conclure.

Mme Muriel Jourda. Et aujourd'hui, ce que constatent nos concitoyens, c'est que l'État de droit les empêche d'acheter du pain un jour férié (Exclamations sur les travées des groupes GEST et SER.),...

Mme la présidente. Il faut conclure !

Mme Muriel Jourda. ... mais ne les protégera pas des barbares un prochain soir de match. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)

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