Question de M. KERROUCHE Éric (Landes - SER) publiée le 05/06/2025
Question posée en séance publique le 04/06/2025
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Éric Kerrouche. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Cinq semaines après le meurtre d'Aboubakar Cissé, un deuxième homicide à motivation raciste et antimusulmane a eu lieu, samedi dernier, dans le Var : Hichem Miraoui, Tunisien de 45 ans, a été tué par balles. Nous avons une pensée pour lui et pour sa famille. Nous saluons l'efficacité des forces de l'ordre pour l'interpellation de son meurtrier, admirateur sans borne du Rassemblement national et client ordinaire de la « fachosphère ».
Hier à l'Assemblée nationale et aujourd'hui encore devant nous, vous avez déclaré, monsieur le ministre d'État, que ce crime était prémédité, certainement raciste, sans doute antimusulman et peut-être de nature terroriste. Cette déclaration contraste nettement avec certains mots et certaines expressions employés au sein du Gouvernement - « submersion migratoire », par exemple -, qui contribuent à alimenter un climat délétère et une culture du soupçon.
M. Roger Karoutchi. Quel est le rapport ?
M. Éric Kerrouche. Pour la première fois depuis sa création, le parquet national antiterroriste (Pnat) s'est saisi d'un meurtre possiblement inspiré par les idées de l'ultradroite.
Cette menace est bien réelle dans notre pays ; depuis 2017, au moins dix projets d'attentats liés à l'ultradroite ont été déjoués. En 2023, le directeur de la DGSI nous alertait sur la montée de cette menace, marquée par la banalisation de la violence et par une radicalisation idéologique néonazie, complotiste, raciste, « accélérationniste ».
Ces thèses sont notamment relayées par l'extrême droite et certains médias complaisants, et, comme souvent avec les mouvements radicaux, la propagande de l'ultradroite intervient majoritairement en ligne.
Monsieur le ministre d'État, ces mouvements menacent notre République, ils sont organisés. Quels leviers entendez-vous actionner pour les contrer et les éliminer ? À titre personnel, comptez-vous enfin vous inscrire dans une démarche de pacification du discours public ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe INDEP. - MM. Pierre Ouzoulias et Philippe Grosvalet applaudissent également.)
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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 05/06/2025
Réponse apportée en séance publique le 04/06/2025
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, je vous répondrai avec la même franchise qu'à M. Guiol.
C'est un crime odieux. J'ai utilisé quatre termes pour le qualifier : raciste, c'est sûr ; antimusulman, c'est très probable ; terroriste, c'est vraisemblable ; et lié à l'ultradroite. Le parquet national antiterroriste a été saisi, au cours des dernières années, d'une vingtaine d'affaires et une quinzaine d'attentats s'enracinant dans l'idéologie de l'ultradroite radicale - je reprends la terminologie du Pnat lui-même - ont été déjoués.
En effet, il ne faut faire aucune concession avec de tels mouvements. J'espère pouvoir proposer au conseil des ministres, au cours des prochaines semaines, la dissolution d'un groupuscule lyonnais, Lyon populaire.
La démocratie, c'est le dissensus et j'accepte le débat - vous m'avez connu comme sénateur et nous avons souvent débattu l'un avec l'autre -, mais, si le débat public doit être serein, il ne doit pas non plus méconnaître la réalité. Lutter contre l'islamisme, par exemple, ce n'est pas lutter contre l'islam. Lutter contre l'islamisme, c'est lutter contre une idéologie politique qui n'a rien à voir avec une religion, avec la foi ; c'est de la politique ! Le pire des amalgames consisterait à affirmer que, quand on tape l'islamisme, on tape les musulmans.
J'ai eu l'occasion de le dire ici, les pays qui ont été les plus durs avec les Frères musulmans ne sont pas les démocraties occidentales, ce sont des pays arabes musulmans, le dernier en date étant la Jordanie. (M. Loïc Hervé opine.)
M. Stéphane Demilly. Bien sûr !
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. On peut avoir des désaccords, mais lorsque se produisent de tels événements, nous devons nous situer à une certaine hauteur et retrouver, au-delà des débats et des dissensus, qui sont naturels, une forme d'unité pour faire face à ces menaces, qui sont graves. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. - M. Daniel Chasseing applaudit également.)
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