Question de Mme POUMIROL Émilienne (Haute-Garonne - SER) publiée le 05/06/2025
Question posée en séance publique le 04/06/2025
Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Émilienne Poumirol. Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins.
Monsieur le ministre, les pénuries de médicaments atteignent des niveaux inédits depuis une dizaine d'années, comme vous venez vous-même de le reconnaître. Malgré quelques mesures conjoncturelles qui ne s'attaquent pas aux causes profondes du problème, les tensions d'approvisionnement persistent, en particulier dans les zones rurales.
Les causes de ce phénomène structurel sont pourtant connues : en premier lieu, le non-respect par les laboratoires pharmaceutiques de leurs obligations. Au Sénat, en juillet 2023, Laurence Cohen, Sonia de La Provôté et moi-même avions remis un rapport dans lequel nous formulions trente-six recommandations pour répondre à cet enjeu de santé publique.
Dans ce contexte tendu, deux pharmaciens corréziens installés dans un désert en santé, le plateau de Millevaches, ont été lourdement sanctionnés le mois dernier. Ils ont été condamnés à six mois d'interdiction d'exercice, dont quatre avec sursis, pour avoir dispensé à l'unité des médicaments en tension. Deux mois d'interdiction d'exercice dans un désert médical auront des conséquences graves pour les patients : cela signifie des interruptions de traitement, une rupture de la continuité des soins !
Nous avions pourtant voté, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, la possibilité d'imposer la dispensation à l'unité de certains médicaments face aux tensions d'approvisionnement. La sanction infligée à ces pharmaciens est donc totalement injustifiée, et nous voulons leur redire notre soutien.
Monsieur le ministre, mesurez-vous réellement les conséquences sanitaires de la fermeture de ces pharmacies dans des territoires ruraux et hyperruraux qui sont déjà aujourd'hui de véritables déserts en santé ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
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Réponse du Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins publiée le 05/06/2025
Réponse apportée en séance publique le 04/06/2025
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la sénatrice, merci de cette question. La pénurie de médicaments est un problème dont les causes sont multiples et variées et qui se pose au-delà des frontières de la France.
Il y a d'abord un enjeu européen : celui de la souveraineté sanitaire et de la localisation, voire de la relocalisation, des principes actifs sur notre territoire. C'est le sens de l'action que nous menons actuellement concernant un certain nombre de substances actives. Plus de quarante d'entre elles sont aujourd'hui en cours de relocalisation. C'est le cas, je peux en témoigner, dans ma propre circonscription, où le paracétamol est relocalisé sur un site industriel permettant de couvrir 60 % de la consommation européenne.
Le deuxième sujet, c'est la gestion de la pénurie lorsqu'elle survient. Les difficultés actuelles d'approvisionnement en psychotropes, par exemple, sont liées à un problème de production en Grèce, ce qui illustre bien l'ampleur européenne de la problématique et la nécessité de renforcer notre souveraineté pharmaceutique.
C'est dans cette perspective que se tiendra, à la fin du mois de juin, à Luxembourg, le Conseil des ministres européens de la santé. Il portera notamment sur le paquet pharmaceutique, l'objectif étant d'encourager fortement la relocalisation des industries pharmaceutiques en Europe.
Troisième point : lorsque la pénurie est malheureusement là, un certain nombre de mesures sont mises en oeuvre, comme la dispensation à l'unité, la substitution, l'interdiction pour les grossistes-répartiteurs de livrer à l'étranger, ou encore le gel de certaines prescriptions. Ces leviers, que nous mobilisons par le biais de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) visent à limiter les impacts de la pénurie.
Je prendrai avec beaucoup d'attention, en aparté, les coordonnées des deux pharmacies que vous évoquez.
Les pharmaciens jouent un rôle majeur, notamment dans les déserts médicaux. Je compte bien mener l'action nécessaire pour qu'ils ne deviennent pas également des déserts pharmaceutiques. Une pharmacie ouverte du lundi au samedi, nous le savons bien, est un lieu de soins de proximité, un lieu de conseil, un lieu de dispensation, qui permet d'effectuer des tests rapides d'orientation diagnostique (Trod) ou de délivrer des médicaments essentiels.
Nous devons réfléchir à la manière de soutenir cette présence territoriale, car de nombreuses pharmacies ne sont plus rentables, ne trouvent plus de repreneurs, et finissent par fermer. Je serai donc très attentif à la situation que vous évoquez. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour la réplique.
Mme Émilienne Poumirol. Monsieur le ministre, il est évident que la réponse est européenne et qu'elle doit passer par la réindustrialisation.
Toutefois, je vous interpellais surtout sur le cas de ces deux pharmaciens condamnés en Corrèze. À l'heure actuelle, de nombreuses pharmacies peinent à retrouver des repreneurs et sont obligées de fermer. Après les déserts médicaux, nous sommes à présent confrontés aux déserts en santé. Les conséquences de telles situations sont extrêmement néfastes pour nos territoires ruraux et hyperruraux. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. - Mme Monique de Marco et M. Michel Masset applaudissent également.)
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