Question de Mme CARRÈRE-GÉE Marie-Claire (Paris - Les Républicains) publiée le 05/06/2025

Question posée en séance publique le 04/06/2025

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le ministre, le 24 janvier dernier, Elias, âgé de 14 ans, a été assassiné à la machette et à la hachette, à Paris, dans le XIVe arrondissement, par deux mineurs multirécidivistes. Déjà condamnés, ils étaient libres. Ils auraient dû être placés en centre éducatif fermé ou en prison. Ils ne l'étaient pas. Ainsi, Elias est mort.

C'est le symbole de l'effondrement silencieux d'un système qui ne protège plus, n'éduque plus, ne sanctionne plus à temps et presque jamais dès le premier délit.

J'ai deux questions, monsieur le ministre.

Premièrement, allez-vous enfin abroger les dispositions de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, dite loi Belloubet, qui interdit les courtes peines de prison ? Quand réintroduirez-vous des peines ultracourtes pour que soient enfin appliquées des sanctions immédiates, proportionnées et éducatives ? Ce refus de sanctionner ne sauve personne, il enfonce les jeunes dans la violence.

On nous répond souvent : « Nous n'avons pas de place. » Étienne Blanc en a parlé : être efficace pour construire des places de prison et d'établissement pour mineurs, c'est certes austère, cela ne fait pas le journal de vingt heures, mais c'est absolument indispensable, vous l'avez également souligné.

Deuxième question, allez-vous remettre en cause la césure du procès pénal des mineurs, qui est devenu l'un des symboles du renoncement face à la délinquance juvénile ?

Comment un adolescent peut-il saisir la gravité de son acte quand la peine tombe, le cas échéant, un an après et est prononcée moins au vu de la gravité du délit qu'au regard du comportement du mineur vis-à-vis de son éducateur dans l'intervalle ?

Il est temps de restaurer l'unité de jugement et de redonner à la sanction son rôle pédagogique premier : elle doit pour cela être immédiate, certaine, lisible et assumée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 05/06/2025

Réponse apportée en séance publique le 04/06/2025

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Marie-Claire Carrère-Gée, je vais essayer de répondre à l'ensemble de vos interrogations, même si je me suis déjà exprimé sur ce sujet en réponse aux questions de Mme Jourda, de Mme Florennes et de M. Blanc.

Vous l'avez compris, j'ai la ferme volonté de construire rapidement de nouvelles places de prison, en procédant différemment de ce que fait habituellement le ministère de la justice.

Aujourd'hui, on construit, grosso modo, les mêmes établissements pénitentiaires sur l'ensemble du territoire national, sans véritablement différencier les profils de détenus selon leur dangerosité. On les catégorise seulement selon leur statut devant la justice : les personnes en détention provisoire sont orientées vers les maisons d'arrêt, tandis que les personnes condamnées sont placées dans des établissements pour peine. Résultat : surpopulation chronique en maison d'arrêt et sous-occupation des établissements pour peine. Ce déséquilibre traduit un dysfonctionnement du système.

Le 31 juillet prochain, comme vous l'avez voté, sera créée la première prison de haute sécurité dans le Pas-de-Calais. Puis ouvrira, le 15 octobre, celle de Condé-sur-Sarthe. Comme je l'ai indiqué à M. Blanc, nous développons également des prisons à taille humaine, moins carcérales, destinées aux auteurs de délits ou de crimes qui, une fois condamnés et incarcérés, ne poseront plus de problèmes à l'extérieur. Je pense, notamment, aux infractions routières, à certains faits de violences sexuelles ou de destruction. Les auteurs de ces faits, une fois qu'ils sont à l'intérieur de la prison, ne posent plus de difficulté à l'extérieur, ce qui n'est pas le cas des narcobandits ou des terroristes.

Oui, je suis favorable à la fin de l'aménagement de peine obligatoire. Vous avez cité la loi Belloubet, mais permettez-moi de rappeler que cette orientation a été mise en oeuvre par M. Perben, poursuivie par Mme Dati, puis par Mme Belloubet, enfin par M. Dupond-Moretti. Tous ont agi au nom d'un principe intelligent que nous avons collectivement soutenu : celui d'une régulation carcérale inversée, en refusant les peines ultracourtes, qui n'ont jamais véritablement eu leur place dans notre droit.

Un travail est en cours au Sénat sur ces peines courtes et ultracourtes. Je pense notamment aux travaux conduits par Mme Vérien. Nous devons également observer ce qui se fait au Royaume-Uni, en Allemagne ou aux Pays-Bas. Je suis prêt à en débattre. Mais j'indique d'ores et déjà que je proposerai la fin de l'aménagement de peine obligatoire dès le premier jour d'incarcération dans le texte que je compte vous présenter - je l'espère - dès septembre prochain.

J'en viens à la justice des mineurs. Vous avez, madame, voté la réforme du code de la justice pénale des mineurs proposée par mon prédécesseur, qui prévoit notamment la césure. Et dans le texte dont nous avons débattu ensemble - je parle ici de votre groupe politique -, vous n'avez pas proposé la suppression de ce dispositif.

Cependant, la loi qui vient d'être adoptée permet de faire beaucoup de choses. La comparution immédiate, l'assistance éducative suivie de sanctions, le couvre-feu, sont autant d'outils à notre disposition.

Mme la présidente. Il faut conclure !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Nous attendons à présent la décision du Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour la réplique.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Monsieur le ministre, vous avez cité M. Perben. Je me permets de vous rappeler - mais vous le savez certainement - que lors du mandat du président Jacques Chirac,...

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Oh là !

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. ... nous avions fait voter une loi spéciale pour accélérer le rythme de construction de places de prison. Il y avait même, à l'époque, un ministre qui se consacrait entièrement à cette tâche.

Je tenais à vous adresser un mot d'encouragement pour les deux années qui viennent. Car, même en l'absence d'une majorité parlementaire forte, il est possible de réaliser des avancées considérables en matière de construction carcérale. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

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