Question de Mme LERMYTTE Marie-Claude (Nord - Les Indépendants) publiée le 26/06/2025
Mme Marie-Claude Lermytte attire l'attention de Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire à propos des ventes amiables de biens ruraux à usage agricole, entre un propriétaire bailleur et son preneur, respectant les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 412-5 du code rural et de la pêche maritime (CPRM) prévoyant qu'un preneur agriculteur, exploitant un bien rural depuis plus de trois ans par lui-même ou par sa famille conformément aux conditions édictées audit texte, se voit conférer un droit de préemption primant sur celui de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER).
Il a été constaté lors des notifications électronique de mutation auprès des SAFER, qu'en cochant la case « exemption au droit de préemption de la SAFER : preneur en place depuis au moins 3 ans et non propriétaire de plus de 3 fois le seuil minimum mentionné à l'article L. 312-1 du code rural » un rejet de l'exemption par certaines SAFER ; alors même que toutes les preuves liées à l'exemption susvisée ont été produites (quittance, copie du bail, justificatif de paiement de fermage, autorisation administrative d'exploiter etc.)
Certaines SAFER justifient ce rejet de l'exemption susvisée par l'absence d'engagement du preneur d'exploiter pendant 9 ans le bien agricole dont il entend devenir propriétaire.
Il est rappelé qu'un tel engagement n'était d'ailleurs pas requis par les SAFER quand la notification préalable de mutation se faisait de manière non dématérialisée auprès des SAFER.
Cet engagement sur l'honneur d'exploiter pendant 9 ans semble faire référence aux dispositions de l'article L. 412-12 du code rural et de la pêche maritime (CPRM), selon lesquelles le preneur qui a fait usage du droit de préemption est tenu aux obligations mentionnées aux articles L. 411-58 à L. 411-63 et L. 411-67 du CRPM.
L'article L. 411-59 du CRPM dispose en effet que « le bénéficiaire de la reprise doit, à partir de celle-ci, se consacrer à l'exploitation du bien repris pendant au moins neuf ans »
Toutefois cet engagement d'exploiter du preneur pendant 9 ans est requis selon ce texte dans le cadre d'une vente sur préemption et non dans le cadre d'une vente amiable entre un bailleur et son preneur.
En outre selon ce texte il s'agit d'une obligation d'exploiter « a posteriori » à respecter par le propriétaire exploitant après l'acquisition ; et non à priori.
Dans ces conditions et afin de justifier la nécessité de produire cette attestation, les SAFER invoquent régulièrement un arrêt de la Cour de cassation en date du 13 juillet 2011, (Cass. 3e civ. 13 juillet 2011, BC III, numéro 137) ; alors même que l'arrêt fait référence aux dispositions des articles L. 143-6 et L. 412-5 du CRPM afférents aux conditions à remplir par le preneur pour être prioritaire à la SAFER mais qui ne concernent en aucune manière les ventes amiables.
Par ailleurs, il est à noter que la seule sanction prévue par les textes au manquement à l'obligation d'exploiter pendant 9 ans dans le cadre de l'exercice du droit de préemption est l'allocation de dommages et intérêts à l'acquéreur évincé (CRPM, article L. 412-12).
La SAFER ne peut être assimilée à l'acquéreur évincé en cas d'acquisition amiable par le preneur.
Par la définition même de la vente amiable où se rencontre la commune volonté des parties, il n'y a aucun acquéreur évincé. Les SAFER a priori ne peuvent exiger du preneur candidat à l'acquisition du bien qu'il a exploité pendant au moins 3 ans, un engagement supplémentaire d'exploiter pendant 9 ans après l'acquisition par voie amiable dès lors que sont remplies les seules conditions exigées par l'article L. 412-5 du CRPM
Aussi, elle lui demande de clarifier ce point de droit.
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Transmise au Ministère de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la souveraineté alimentaire
Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la souveraineté alimentaire publiée le 13/11/2025
Un preneur en place peut acquérir de deux manières, auprès du propriétaire bailleur, le bien qu'il met en valeur : soit en faisant usage de son droit de préemption en application de l'article L. 412-5 du code rural et de de la pêche maritime (CRPM), soit en acquérant ce bien par voie amiable sans faire usage de son droit de préemption. L'article L. 412-5 du CRPM dispose : « Bénéficie du droit de préemption le preneur ayant exercé, au moins pendant trois ans, la profession agricole et exploitant par lui-même ou par sa famille le fonds mis en vente. ( ) « Le bénéficiaire du droit de préemption, le conjoint ou le partenaire d'un pacte civil de solidarité participant à l'exploitation ou le descendant au profit duquel le preneur a exercé son droit de préemption devra exploiter personnellement le fonds objet de préemption aux conditions fixées aux articles L. 411-59 et L. 412-12. » L'article L. 412-12 du CRPM dispose : « Celui qui a fait usage du droit de préemption est tenu aux obligations mentionnées aux articles L. 411-58 à L. 411-63 et L. 411-67. A défaut, l'acquéreur évincé peut prétendre à des dommages-intérêts prononcés par les tribunaux paritaires. Il est privé de toute action après expiration de la période d'exploitation personnelle de neuf années prévues aux articles L. 411-59, L. 411-60 et L. 411-63. » Le preneur souhaitant faire usage de son droit de préemption doit être preneur en place depuis plus de trois ans et propriétaire de parcelles représentant une superficie qui ne doit pas être supérieure à trois fois le seuil d'assujetissement au contrôle des structures mentionné à l'article L. 312-1 du CRPM. Il doit de plus s'engager à exploiter personnellement le bien pendant une durée minimale de neuf ans. Ces conditions et cet engagement ne s'appliquent pas par contre si le preneur souhaite acquérir le bien sans faire usage de son droit de préemption. Dans tous les cas, la déclaration d'intention d'aliéner est transmise à la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER), en application de l'article L. 141-1-1 du CRPM. Si le preneur exerce son droit de préemption, alors la case « exemption au droit de préemption de la SAFER : preneur en place depuis au moins 3 ans et non propriétaire de plus de trois fois le seuil minimum mentionné à l'article L. 312-1 du code rural » doit être cochée lors de la transmission électronique à la SAFER de la déclaration d'intention d'aliéner. Dans ce cas, le droit de préemption du preneur en place prime celui de la SAFER dès lors que l'ensemble des preuves de respect des conditions ainsi que de l'engagement susvisé sont apportées. Si le preneur n'exerce pas son droit de préemption et qu'il acquiert le bien à l'amiable, alors cette case ne doit pas être cochée. Dans ce cas, la SAFER a toute légitimité pour intervenir, à l'amiable ou en préemption, si la société l'estime nécessaire.
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