Question de M. WATTEBLED Dany (Nord - Les Indépendants) publiée le 26/06/2025

M. Dany Wattebled souhaite rappeler l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la fraude persistante et massive à la contribution sur les boissons sucrées. Lors de la réponse à sa question orale n°0851S en séance publique le 31 octobre 2023, la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme avait indiqué, faute de temps, ne pouvoir répondre de manière complète. À ce jour, aucune suite n'a été donnée, alors même que les enjeux de santé publique, de justice fiscale et de recettes pour l'État sont considérables. Depuis cette première alerte, la situation s'est encore dégradée. Le nouveau barème entré en vigueur le 1er mars 2025 a fortement alourdi la contribution, au point qu'un camion de sodas est désormais plus taxé qu'un camion de bière. Pourtant, contrairement aux boissons alcoolisées, qui doivent circuler sous couvert de documents d'accompagnement électroniques (DAE), les boissons sucrées ne bénéficient d'aucune traçabilité réglementaire. Cette faille alimente un système de fraude à grande échelle, avec des importateurs éphémères, souvent insolvables ou basés à l'étranger, qui échappent à tout contrôle, et des distributeurs qui, en l'absence d'obligation de vérification, peuvent se soustraire au paiement de la taxe. Il en résulte une inégalité de traitement entre les opérateurs respectueux de la loi et ceux qui organisent ou profitent de ces fraudes, ainsi qu'un manque à gagner estimé à près d'un milliard d'euros par an pour les finances publiques. Des solutions simples et déjà éprouvées dans d'autres secteurs existent pourtant : l'intégration des boissons sucrées dans le dispositif DAE, la mise en place d'une solidarité de paiement entre les différents intervenants de la chaîne commerciale, ou encore la réalisation de contrôles ciblés sur les opérateurs les plus à risque, identifiables notamment par leur code d'activité principale exercée (APE) et leur localisation. Il demande donc si le Gouvernement entend enfin agir de manière résolue pour enrayer ces fraudes, garantir le bon recouvrement de la taxe, et rétablir une concurrence équitable entre les entreprises du secteur.

- page 3527


Réponse du Ministère délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire publiée le 09/07/2025

Réponse apportée en séance publique le 08/07/2025

M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, auteur de la question n° 642, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Dany Wattebled. Madame la ministre, en octobre 2023, j'avais déjà alerté le Gouvernement sur la fraude massive à la taxe sur les boissons sucrées. À l'époque, faute de temps, la ministre n'avait pu me répondre complètement. Entre-temps, la situation n'a fait qu'empirer.

En effet, depuis le 1er mars 2025, le barème de cette taxe a été tellement alourdi qu'un camion de soda est désormais plus taxé qu'un camion de bière. Pourtant, les sodas circulent sans faire l'objet de contrôles : aucune traçabilité, aucun document d'accompagnement, rien ! Pendant ce temps, les boissons alcoolisées doivent circuler sous strict contrôle électronique dans le cadre du document administratif électronique (DAE).

Résultat : un système de fraude bien huilé, organisé et massif, que l'on pourrait presque qualifier de « carrousel de la TVA ». Des importateurs éphémères insolvables, souvent situés à l'étranger, disparaissent sans payer la taxe. Les distributeurs, eux, ferment les yeux et vendent en rayon des sodas très sucrés, dont le prix est parfois inférieur aux sodas sans sucres ajoutés.

C'est une double catastrophe : à la fois pour la santé publique, bien sûr, mais aussi pour les finances de l'État. En effet, près de 1 milliard d'euros échappent au fisc chaque année, non loin des montants de profits réalisés par les mafieux. On parle tout de même de 83 millions d'euros par mois !

Depuis ma question d'octobre 2023, l'État déplore un manque à gagner d'environ 1,6 milliard d'euros, à l'heure où l'urgence de redresser les comptes publics n'est plus à démontrer. Pendant ce temps, les entreprises qui respectent la loi sont pénalisées.

Madame la ministre, nous connaissons les solutions : l'intégration des sodas au système DAE, la solidarité de paiement tout au long de la chaîne ou encore la mise en place de contrôles ciblés sur les sociétés à risque. Ces outils existent déjà pour d'autres produits. Dès lors, pourquoi ne sont-ils pas appliqués aux sodas ?

Ma question est simple : quand allez-vous mettre fin à cette fraude massive ? Le temps des constats est passé, il est temps d'agir.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Dany Wattebled, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 a renforcé la fiscalité des boissons sucrées en instaurant un barème à trois tranches progressives, à la fois rehaussé et incitatif, inspiré du modèle britannique. Ce dernier est, selon plusieurs rapports scientifiques, quatre fois plus efficace que le modèle de barème précédent, indexé sur la teneur en sucres ajoutés des boissons.

Le nouveau dispositif fiscal vise un double objectif : encourager la reformulation des produits ou, à défaut, inciter les consommateurs à se reporter vers des boissons moins sucrées. À ce stade, si la réforme entrée en vigueur le 1er mars 2025 ne peut encore faire l'objet d'un bilan complet, les encaissements ne révèlent pas l'existence d'un système de fraude à grande échelle. Ils permettent même d'estimer que le rendement de la taxe soda est cohérent avec les annonces faites lors du vote de la loi de financement de la sécurité sociale.

En tout état de cause, la direction générale des finances publiques (DGFiP), qui dispose d'un large accès aux données macroéconomiques des entreprises, dont les codes APE - activité principale exercée -, est pleinement mobilisée dans le contrôle des contributions sur les boissons non alcoolisées. En témoigne le nombre d'opérations de contrôle, en constante augmentation. Elles ont ainsi assuré, en 2024, un rendement financier de 4 millions d'euros.

Par ailleurs, la fraude aux contributions sur les boissons est proche de la fraude à la TVA, pour laquelle les services fiscaux disposent déjà d'une expérience solide reconnue de tous. La DGFiP s'appuie également sur ses partenaires de lutte contre la fraude, ainsi que sur son réseau d'assistance fiscale internationale, pour apporter une réponse adaptée aux schémas de fraude les plus complexes.

Dans le cadre du transfert de missions, certains outils spécifiquement douaniers, comme le document administratif électronique, n'ont pas été conservés. Pour autant, la DGFiP dispose d'autres outils de programmation, comme l'intelligence artificielle, qui garantissent une exploitation optimale des nombreuses données, dont une partie provient de la direction générale des douanes et droits indirects.

Enfin, la solidarité de paiement semble difficile à mettre en oeuvre, dans la mesure où il n'existe ni obligation ni possibilité pour les clients des importateurs défaillants de s'assurer du paiement effectif de la taxe par leurs fournisseurs. Il n'empêche que nous resterons très attentifs aux problèmes que vous avez portés à notre attention.

- page 7324

Page mise à jour le