Question de Mme ROSSIGNOL Laurence (Val-de-Marne - SER) publiée le 26/06/2025
Mme Laurence Rossignol attire l'attention de Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur l'usage du numérique dans la transmission des notes et des devoirs dans les établissements scolaires.
À l'heure où la puissance publique se préoccupe des enjeux sanitaires liés la consommation d'écrans par les enfants, il apparaît opportun de s'intéresser aux inconvénients des cahiers de texte et des notes en ligne. Sans nier les avantages qu'ils peuvent apporter, ils sont avant tout à l'origine d'un temps d'écran supplémentaire chez les enfants (leurs parents et leurs professeurs), d'une source de stress additionnelle et d'une déresponsabilisation des élèves. Pronote, Éducartable ou plus récemment Papillon incarnent une excuse supplémentaire, « une bonne raison », pour être sur un écran alors qu'il est urgent d'en faire baisser la consommation. Les conséquences sur la santé physique et la santé mentale font aujourd'hui l'objet d'un certain consensus scientifique : troubles de l'attention, des effets sur le développement du cerveau et sur l'apprentissage de compétences fondamentales, problèmes émotionnels, moins d'activité physique, effets sur le comportement, risques cardio-vasculaires. Une liste alarmante et pourtant non exhaustive. Alors, dans le plan d'action à élaborer, nous pourrions peut-être commencer par réfléchir aux écrans que nous imposons aux jeunes à l'école. Au-delà de l'enjeu de la consommation d'écran, ces outils numériques envahissants sont questionnables. On peut signaler qu'ils rendent la note omniprésente. Les élèves comme les parents peuvent recevoir des notifications lorsqu'une nouvelle note est enregistrée : au stress de la notification pouvant arriver à tout moment s'ajoute la déresponsabilisation de l'enfant qui ne présente pas lui-même le devoir à ses parents. Rappelons par ailleurs que c'est la note brute qui arrive et non la copie complète permettant de comprendre les réussites et les échecs.
Plus encore l'adolescent peut consulter sur Papillon quasiment à chaque instant son classement par rapport aux autres élèves, une possibilité qui encourage la compétition. En ce qui concerne le cahier de texte en ligne, s'il peut lui être reconnu quelques avantages, sa systématisation ne semble pas représenter un atout pédagogique. Premièrement, noter soi-même les consignes est essentiel pour mieux les assimiler, deuxièmement en cas d'incompréhension l'élève peut interroger immédiatement son professeur, troisièmement cela lui permet d'avoir une meilleure vision des devoirs qu'il a à réaliser, ce qui favorise un travail d'organisation. Lorsque l'on regarde du côté des professeurs, il y a également des conséquences négatives : une charge de travail supplémentaire, une pression à communiquer au plus vite, des parents d'élève qui les contactent à la suite de la mise en ligne d'une note pour obtenir des explications au lieu d'attendre la réception de la copie. Enfin, ces outils posent la question du droit à la déconnexion, que cela soit pour les élèves, les professeurs ou les parents d'élève.
Ainsi, elle souhaite savoir si le Gouvernement serait prêt à remettre en question l'usage permanent de ces outils numériques.
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Réponse du Ministère auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 09/07/2025
Réponse apportée en séance publique le 08/07/2025
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, auteure de la question n° 647, adressée à Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le ministre, il existe désormais un consensus scientifique : l'exposition aux écrans comporte de nombreux désavantages et risques pour la santé physique et mentale des enfants et des adolescents.
Votre gouvernement aurait d'ailleurs l'ambition d'agir sur ce sujet. Aussi voudrais-je vous interroger sur ce que nous imposons nous-mêmes à nos enfants en matière d'usage des écrans. Je pense en particulier à Pronote, Educartable et maintenant Papillon, qui permettent de prendre connaissance des notes en ligne, et même de faire office de cahier de textes.
J'attire votre attention sur le fait que ces différents dispositifs ne sont bons ni pour les enfants, ni pour les enseignants, ni pour les parents.
Tout d'abord, ils ne sont pas bons pour les enfants, car l'arrivée des notes en flux continu sans aucune explication est facteur de stress. Une note ne saurait être remise sans un commentaire de l'enseignant. Cela évite à l'enfant de discuter avec ses parents de la note ou du devoir en question.
En ce qui concerne les cahiers de textes, sans me considérer comme une « boomeuse », j'estime que prendre des notes aide à assimiler les informations et permet de poser des questions à l'enseignant lorsque la consigne n'est pas comprise.
Ensuite, pour les enseignants, ces plateformes sont très intrusives et invasives. D'une part, elles représentent pour eux une charge de travail supplémentaire. D'autre part, elles les soumettent aux questions des parents.
En réalité, cette affaire n'est bonne pour personne. Ces outils peuvent servir de prétexte aux enfants pour passer du temps sur leur téléphone. Que peut dire un parent lorsqu'il demande à son enfant ce qu'il fait sur son téléphone et que celui-ci lui répond : « Je suis sur Pronote » ? Rien !
Aussi, votre gouvernement a-t-il l'intention de garantir le droit à la déconnexion des enfants, des parents et des enseignants ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Laurence Rossignol, vous le savez, le Président de la République a commandé en 2024 un rapport sur ce sujet, dont les conclusions alertent sur les répercussions d'un usage incontrôlé des écrans.
La ministre d'État Élisabeth Borne partage également ces préoccupations. C'est pourquoi elle a confié au début de 2025 une mission sur le sujet à l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR). Ses conclusions sont tout à fait éclairantes.
Depuis 2010, l'année de publication de la circulaire imposant le déploiement d'un cahier de textes numérique, les pratiques ont considérablement évolué. Nous devons nous interroger de nouveau sur la place du numérique, à l'école comme en dehors.
Aussi Élisabeth Borne envisage-t-elle de revoir cette circulaire. S'il constitue un levier pédagogique important, l'usage du numérique à l'école doit être encadré, afin de prévenir les usages inappropriés, de protéger les élèves et de contribuer à un climat scolaire le plus serein possible.
Vous avez mentionné le stress parfois causé par des logiciels scolaires comme Pronote. Permettez-moi de préciser la chronologie que les professeurs sont censés respecter lorsqu'ils rendent les copies : tout d'abord, la copie est remise à l'élève, pour que celui-ci comprenne sa note ; ensuite, la note est affichée dans l'outil numérique ; enfin, la note est communiquée aux parents, à l'issue d'un délai raisonnable.
En ce qui concerne le droit à la déconnexion, c'est parce qu'elle a l'ambition de le garantir qu'Élisabeth Borne a demandé la suspension des mises à jour des logiciels de vie scolaire entre vingt heures et sept heures du matin. Il en va de même pour l'interdiction du téléphone portable au collège dès la rentrée prochaine.
Ainsi, je vous répète que le ministère s'attache à définir un cadre d'usage équilibré, qui tienne compte des déterminants sanitaires et pédagogiques que vous mentionnez.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le ministre, nous partageons les mêmes constats et nos points de vue semblent converger. Toutefois, il existe une différence entre vous et moi : vous gouvernez, pas moi ! Vous, vous pouvez prendre des décisions et mettre fin à l'usage de tous ces systèmes qui sont intrusifs pour les enfants, les parents et les enseignants, et pas moi.
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