Question de Mme RICHER Marie-Pierre (Cher - Les Républicains-R) publiée le 18/09/2025

Mme Marie-Pierre Richer appelle l'attention de Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles sur les insuffisances législatives encadrant la procédure de l'habilitation familiale. Destinée à permettre à un proche d'assister, de représenter ou de passer des actes au nom d'une personne vulnérable, cette disposition connait un très grand succès depuis son introduction dans notre législation en 2016. Or, si cette mesure se révèle appropriée dans la grande majorité des cas, elle peut s'avérer catastrophique pour les personnes vulnérables qui, en raison de leur âge ou de leur handicap font l'objet, notamment au sein de leur propre famille, de maltraitance, de négligence et d'abus de confiance face auxquels, dans bien des cas, elles ne disposent pas des moyens de se prémunir. L'article 494-3 du code civil dispose que la demande aux fins de désignation de la personne habilitée peut-être demandée par les proches de la personne à protéger dont la qualité est mentionnée à l'article 494-1 du même code ou par le procureur de la République à la demande de l'une d'elles. Or la demande effectuée par les proches peut aller à l'encontre de la volonté de la personne à protéger si celle-ci n'est plus en mesure de s'y opposer au moment où elle est formulée, le juge pouvant décider qu'il n'y a pas lieu de procéder à son audition en raison de son état de santé. Il conviendrait donc, par la simple adjonction d'un alinéa à l'actuel article 494-1 du code civil, de permettre à toute personne majeure anticipant une éventuelle perte d'autonomie de faire connaitre, soit par un acte notarié, soit par un acte d'avocat, son adhésion ou son opposition à ce qu'une mesure d'habilitation familiale soit ordonnée à son égard et/ou son opposition au choix de la personne habilitée. Ses déclarations seraient publiées au registre spécial prévu par le code civil dans le cadre du mandat de protection future, permettant ainsi au juge d'être mieux informé de la volonté de la personne à protéger. De telles mesures contribueraient au respect de la convention relative aux droits des personnes handicapées et répondraient aux souhaits formulés par Madame Caron-Déglise, chargée de rapports ministériels à ce sujet préconisant une évolution du cadre juridique visant à mieux respecter la volonté et par là-même, les droits des personnes vulnérables. Elle lui demande, en conséquence, quelles dispositions le Gouvernement entend prendre pour faire évoluer la législation en ce sens.

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Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Ministère de la justice publiée le 04/12/2025

L'objectif de l'habilitation familiale, créée en 2015, est de mieux tenir compte de la place des familles dans la gestion des mesures de leurs proches, en allégeant les obligations de la personne en charge de la mesure de protection lorsqu'il existe un consensus familial à la fois sur le principe de la mesure et sur le choix de la personne désignée pour l'exercer. L'habilitation familiale est ordonnée dans des situations familiales simples, le plus souvent à faibles enjeux patrimoniaux et à faibles risques de dissension familiale. Afin de protéger au mieux les intérêts des adultes vulnérables, l'ouverture d'une habilitation familiale est entourée de garanties : audition de la personne concernée (sauf avis médical contraire), vérification de l'adhésion ou de l'absence d'opposition légitime des proches, et vérification que l'habilitation familiale est conforme aux intérêts patrimoniaux et personnels de l'intéressé (articles 494-1 et suivants du code civil). Une fois la mesure ordonnée, le juge des tutelles et le procureur de la République exercent une surveillance générale de toutes les mesures de protection exercées dans leur ressort, y compris sur les habilitations familiales. Ils peuvent à ce titre rendre visite aux personnes protégées, et les personnes habilitées sont tenues de répondre à toute demande d'information qui pourrait leur être adressée (article 416 du code civil). Enfin, le juge des tutelles peut être saisi par tout intéressé ou par le procureur de la République lorsque des difficultés surviennent dans l'exercice de la mesure, par exemple si la mesure n'est pas exercée dans l'intérêt de la personne protégée. Il peut alors, à tout moment, mettre fin à l'habilitation familiale (article 494-10 du code civil). En tout état de cause, une personne disposant de toutes ses facultés peut conclure un mandat de protection future, ce qui évitera qu'une mesure d'habilitation familiale soit décidée. Cette mesure, créée par la loi du 5 mars 2007, permet de désigner à l'avance une ou plusieurs personnes pour la représenter le jour où elle ne sera plus en capacité de gérer ses intérêts (article 477 du code civil). Toute personne peut également, par acte notarié, désigner à l'avance la personne qu'elle souhaite voir désigner comme tuteur ou curateur. Cette désignation s'impose au juge sauf si la personne désignée refuse la mission ou est dans l'impossibilité de l'exercer, ou si cette désignation est contraire à l'intérêt de la personne protégée (articles 448 du code civil et 1255 du code de procédure civile). En l'état du droit, rien n'empêche la personne de préciser, dans cet acte notarié, qu'elle ne souhaite pas qu'une habilitation familiale soit ordonnée. Le droit positif permet donc déjà d'atteindre les objectifs recherchés.

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