Question de Mme BONFANTI-DOSSAT Christine (Lot-et-Garonne - Les Républicains) publiée le 11/09/2025

Mme Christine Bonfanti-Dossat attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur une situation qui met aujourd'hui en péril des filières entières de notre agriculture, et qui illustre le décalage profond entre les besoins réels de nos territoires et la lourdeur de nos procédures administratives.

Dans mon département du Lot-et-Garonne, des arboriculteurs engagés dans la récolte des pommes sont confrontés depuis plusieurs mois à des blocages persistants dans la délivrance des visas saisonniers pour des travailleurs marocains. Les autorisations de travail sont pourtant en règle, les dossiers déposés dans les délais, mais les services consulaires et l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) multiplient les refus, ou laissent les demandes s'enliser dans une opacité totale.

Résultat : alors que les campagnes de récolte sont en cours, les exploitants manquent cruellement de main-d'oeuvre. Des fruits restent sur les arbres et se perdent, faute de bras pour les cueillir. En 2024 déjà, certains ont dû faire constater par expert judiciaire les pertes considérables liées à ces dysfonctionnements, ouvrant ainsi un contentieux inédit. En cette année 2025, le scénario se répète, avec des conséquences économiques et humaines dramatiques.

Pire encore, ce système ressemble à une véritable loterie incompréhensible : d'une année à l'autre, sur une même exploitation, pour les mêmes saisonniers, certains se voient refusés un visa alors qu'ils avaient été acceptés l'année précédente, sans explication ni logique apparente.

Quelle ironie de constater que des flux d'immigration irrégulière franchissent chaque jour nos frontières sans contrôle suffisant, et que nos agriculteurs, eux, ne parviennent pas à obtenir quelques dizaines de visas de travail temporaires, parfaitement encadrés, pour des saisonniers qui viennent, travaillent, et repartent une fois leur mission accomplie !

Ce paradoxe alimente un sentiment d'injustice et d'abandon dans nos campagnes. Il fragilise des filières déjà confrontées à la concurrence mondiale, aux aléas climatiques, aux prix écrasés, et maintenant aux méandres de notre bureaucratie.

Elle lui demande donc quelles instructions il entend donner à ses services consulaires et à l'OFII pour que cessent ces blocages incompréhensibles et arbitraires et quand il va apporter une réponse concrète aux exploitants agricoles qui voient aujourd'hui leurs récoltes compromises, et avec elles l'avenir même de leur activité.

Il est urgent que la voix de la raison et de la responsabilité l'emporte : notre agriculture ne peut pas être sacrifiée sur l'autel d'un excès de zèle administratif.

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Transmise au Ministère de l'Europe et des affaires étrangères


Réponse du Ministère délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe publiée le 05/11/2025

Réponse apportée en séance publique le 04/11/2025

M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, en remplacement de Mme Christine Bonfanti-Dossat, auteur de la question n° 709, adressée à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Laurent Burgoa. Monsieur le ministre, je supplée ma collègue Christine Bonfanti-Dossat, sénateur de Lot-et-Garonne, qui souhaitait attirer l'attention du Gouvernement sur les blocages administratifs et la pénurie de main-d'oeuvre agricole.

Dans le département du Lot-et-Garonne comme dans tant d'autres territoires agricoles, nos producteurs vivent aujourd'hui une situation ubuesque et profondément injuste. Chaque année, la récolte devient un véritable casse-tête administratif.

En effet, les exploitants attendent des mois pour obtenir les visas de leurs travailleurs saisonniers étrangers, alors qu'il s'agit d'hommes et de femmes qu'ils connaissent, qui reviennent chaque année et dont les autorisations de travail sont parfaitement en règle.

Malgré des dossiers complets, les réponses tardent. Les refus s'accumulent, les délais s'étirent et les services consulaires, comme l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii), laissent les exploitants dans une incertitude totale.

En conséquence, des fruits restent sur les arbres, faute de bras pour les cueillir. En 2024 déjà, de nombreux arboriculteurs du département de Lot-et-Garonne ont perdu une partie de leur récolte. En 2025, le scénario se répète, avec les mêmes drames économique et humain.

Cette situation n'est plus une exception ; c'est un dysfonctionnement structurel, mais aussi, disons-le clairement, le résultat d'une profonde absurdité administrative. Comment expliquer qu'alors que nos frontières peuvent être traversées sans contrôle nos agriculteurs, eux, peinent à obtenir quelques dizaines de visas pour des travailleurs réguliers, identifiés et indispensables à la survie de leur exploitation ?

Ce « deux poids, deux mesures » alimente un sentiment d'injustice, de colère et de découragement. Nos producteurs se sentent abandonnés. Ils voient leur travail, leur engagement et parfois même leur patrimoine sacrifiés sur l'autel d'une bureaucratie incompréhensible.

Aussi, monsieur le ministre, je vous le demande : quelles instructions précises comptez-vous donner aux services consulaires et à l'Ofii pour que de tels blocages cessent enfin ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe. Vous avez raison, monsieur le sénateur, nous ne pouvons pas sacrifier notre agriculture à cause de procédures administratives excessives.

La réforme des services de la main-d'oeuvre étrangère, entrée en vigueur en avril 2021, a permis de dématérialiser et de simplifier la procédure. L'employeur saisit désormais une plateforme nationale pour obtenir une autorisation de travail, transmise ensuite à l'Office français de l'immigration et de l'intégration au Maroc, dépendant du ministère de l'intérieur, qui organise les rendez-vous auprès de notre prestataire TLScontact. Le consulat général de France à Casablanca intervient en fin de chaîne pour instruire les demandes de visa.

Les chiffres disponibles mettent en évidence un effet de vases communicants : le nombre de visas accordés diminue, tandis que les titres de séjour pluriannuels délivrés en préfecture augmentent. En 2024, plus de 10 000 titres de séjour portant la mention « travailleur saisonnier » ont été établis, ce qui est le signe d'une fidélisation croissante des salariés par leurs employeurs.

Les refus résultent d'un examen rigoureux mené en coopération avec l'Ofii. Ils concernent principalement des situations où sont constatés un état de santé incompatible avec les travaux agricoles, une méconnaissance manifeste de l'employeur, un recours à des intermédiaires rémunérés, la présentation de documents douteux, ou encore des taux de retour insuffisants pour certaines entreprises - lorsque ces derniers sont inférieurs à 80 %, l'entreprise ne peut plus se voir accorder de nouveaux visas.

Monsieur le sénateur, ces garde-fous indispensables pour garantir la crédibilité du dispositif ne doivent pas, en effet, fragiliser nos filières agricoles. C'est pourquoi un travail interministériel est en cours, en lien avec les organisations professionnelles, pour améliorer la lisibilité et la prévisibilité de la procédure. Il faut concilier les besoins des exploitants agricoles avec la nécessaire maîtrise des flux migratoires.

Vous pouvez compter sur notre mobilisation pour que l'agriculture française puisse continuer de compter sur une main-d'oeuvre saisonnière encadrée, régulière et respectueuse de nos règles.

M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour la réplique.

M. Laurent Burgoa. Monsieur le ministre, j'ai bien entendu votre réponse, mais, alors que nous nous trouvons dans cet hémicycle, sachez que, dans les champs, les fruits pourrissent et les producteurs s'épuisent... Ce que nos agriculteurs demandent, comme beaucoup de nos concitoyens, ce n'est pas une faveur, mais du bon sens !

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