Question de M. BENARROCHE Guy (Bouches-du-Rhône - GEST) publiée le 23/10/2025
Question posée en séance publique le 22/10/2025
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guy Benarroche. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice. Elle concerne un ancien Président de la République française condamné par une justice indépendante. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Alors que partout dans le monde, les institutions démocratiques et la règle de droit sont attaquées, nous devrions nous réjouir que notre justice travaille de manière sereine et indépendante, y compris lorsqu'il s'agit de juger des affaires complexes et des faits d'une extrême gravité impliquant des personnalités ayant exercé de hautes fonctions, parfois la plus haute.
Qu'un ancien Président de la République soit mis en accusation pour de tels délits, voilà qui est alarmant pour notre République, et non pas que la justice fasse son oeuvre !
M. Olivier Paccaud. Et le « mur des cons » ?
M. Guy Benarroche. L'État de droit et l'indépendance de la justice sont les garants du respect de nos libertés individuelles et collectives.
À cet égard, je tiens à exprimer notre trouble : les signaux envoyés vont à l'encontre de l'indépendance de la magistrature. Ils sont tellement forts que le procureur général près la Cour de cassation, M. Rémy Heitz, s'en est ému hier, comme beaucoup d'autres.
Au-delà de l'attitude du président Macron, qui assure qu'il est « normal » de recevoir l'ancien Président de la République dans un tel contexte, notre inquiétude porte aussi, monsieur le garde des sceaux, sur vos dernières déclarations, qui entretiennent la confusion des genres.
Vous rendez-vous compte que vos positions risquent de mettre à mal la justice et qu'elles remettent en cause la séparation des pouvoirs ? (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Quel malheur !
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 23/10/2025
Réponse apportée en séance publique le 22/10/2025
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Benarroche, puisque vous invoquez les principes, permettez-moi tout d'abord de rappeler que tant qu'une personne n'est pas définitivement condamnée, elle est présumée innocente. (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.) Cela vaut pour Nicolas Sarkozy comme pour n'importe quel autre citoyen.
Permettez-moi ensuite de citer la loi, et plus précisément l'article 111-1 du code pénitentiaire : « Le service public pénitentiaire est assuré par l'administration pénitentiaire sous l'autorité du garde des sceaux, ministre de la justice ».
Dès lors, y a-t-il confusion des genres ou atteinte à la séparation des pouvoirs lorsque le pouvoir exécutif ou législatif visite des détenus en prison pour s'assurer de leurs conditions de détention ? Sans doute, non.
Il se trouve, tout à fait par hasard, que Mme Souyris et vous-même avez visité tout récemment, à une semaine d'intervalle, le quartier d'isolement et le quartier « VIP » de la prison de la Santé ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - Applaudissements sur des travées des groupes UC et INDEP.)
Monsieur Benarroche, on a pu vous entendre, le 14 octobre dernier sur RTL présenter depuis la prison les cellules susceptibles d'accueillir Nicolas Sarkozy. N'était-ce pas là, je le crains, une forme de voyeurisme carcéral ? (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Silvana Silvani. N'importe quoi !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Quant à Mme Souyris, elle était accompagnée de journalistes de l'AFP et de France Info.
À l'époque, vous n'imaginiez pas que le président Sarkozy n'irait pas au quartier dit VIP, qui est en fait le quartier des personnes vulnérables.
S'il est vrai que discuter avec des détenus, parfois définitivement condamnés, peut interroger, c'est là votre droit le plus strict.
Monsieur Benarroche, vous-même avez visité à plusieurs reprises M. Ouaihid Ben Faïza, condamné pour évasion en bande organisée et association de malfaiteurs à vingt-neuf ans de prison. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
Vous avez également rendu visite à M. Henocq Zehaye, incarcéré depuis 2020 pour détention d'armes, séquestration et enlèvement, et condamné à dix-sept ans de prison. (Mêmes mouvements.)
M. Yannick Jadot. Et les victimes du DC-10 ?
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, je crains que vous ne confondiez justice et vengeance politique ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Jeu, set et match !
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour la réplique.
M. Stéphane Ravier. Et il ose reprendre la parole !
M. Guy Benarroche. Comme d'habitude, monsieur le garde des sceaux, vous ne répondez pas aux questions que l'on vous pose, mais vous inventez une histoire. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, à valeur constitutionnelle, consacre la séparation des pouvoirs.
M. Marc-Philippe Daubresse. Parlons-en !
M. Guy Benarroche. Personne ici ne cherche à entraver vos liens personnels avec un détenu ni à dénier aux prisonniers leur droit à la plus grande sécurité. Mon rôle est précisément, lorsque je visite des prisons, de prévenir de telles situations.
Nous avons appris ce matin que le ministre de l'intérieur allait, par des mesures exceptionnelles, assurer la sécurité de l'ancien chef de l'État.
M. Marc-Philippe Daubresse. Il a raison !
M. Guy Benarroche. Reste, monsieur le garde des sceaux, le problème de la confusion des genres provoquée par vos annonces. À cet égard, notre inquiétude reste grande. Elle est partagée par de nombreux syndicats. (Exclamations et marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
C'est vous qui avez ramé, monsieur le garde des sceaux, pas moi !
M. le président. Il faut conclure !
M. Guy Benarroche. Je conclurai dès que je le pourrai. (Nouvelles marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Vous concluez !
M. Guy Benarroche. Je ne suis pas pressé. (Brouhaha à droite. - l'orateur s'interrompt en attendant le silence, mais son micro est coupé, le temps de parole étant écoulé.)
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