Question de M. MALHURET Claude (Allier - Les Indépendants) publiée le 30/10/2025
Question posée en séance publique le 29/10/2025
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. - M. Loïc Hervé applaudit également.)
M. Claude Malhuret. Monsieur le Premier ministre, depuis quelques jours, le concours Lépine des taxes les plus déjantées bat son plein à l'Assemblée nationale, mené par les « pistoleros » de la justice fiscale. (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
M. Jean-François Husson. Très bien !
M. Claude Malhuret. Je vois qu'en ce moment vous appréciez les histoires de vaches et de lait ; je voudrais donc vous raconter celle de la vache de Zuc.
C'est un paysan que les gens de son village ont surnommé Zuc. Ce dernier n'est pas très fort en économie, il n'a qu'une vache et celle-ci n'a que la peau sur les os. Elle ressemble plus à une vache sacrée famélique d'Inde qu'à une belle charolaise du Bourbonnais. (Sourires sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)
M. Franck Montaugé. Mais non, elle est magnifique !
M. Claude Malhuret. Un matin, Zuc se lève pour aller dans son champ et là, c'est le drame : la vache est morte. Zuc tombe à genoux, se roule par terre. Il crie, lève les mains au ciel et demande : « Mon Dieu, pourquoi as-tu tué ma vache ? » Soudain, un énorme grondement de tonnerre retentit. Il entend une voix formidable venue d'en haut : « Zuc, tu me casses les oreilles avec tes cris. Qu'est-ce qui t'arrive ? »
Tout tremblant, Zuc répond : « Mon Dieu, c'est horrible, tu as fait mourir ma vache. » La voix répond : « Ce n'est pas moi qui l'ai tuée, c'est toi qui ne lui as presque rien donné à manger depuis six mois. Mais tu me fais de la peine. Dis-moi ce que je peux faire pour t'aider. Veux-tu que je ressuscite ta vache ? »
M. Pascal Savoldelli. C'est une thérapie ?
M. Claude Malhuret. Zuc lui répond : « Non, mon Dieu, je demande simplement la justice : tue la vache de mon voisin ! » (Rires et applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)
Appauvrir les uns pour enrichir les autres, c'est la recette séculaire de l'enfer pavé de bonnes intentions du camp du bien. Tous les pays qui l'ont appliquée n'ont jamais enrichi personne, mais ils ont tous réussi à ruiner tout le monde.
M. Yannick Jadot. Et la Révolution française ? Et 1789 ?
M. Claude Malhuret. Monsieur le Premier ministre, la France crève d'un excès de dépenses, de dettes et de taxes, mais au lieu de faire des économies, depuis huit jours, les députés adoptent des centaines d'amendements, créant chaque jour de nouveaux impôts.
Je vous supplie de résister et de défendre avec nous la ligne dont le pays a besoin : moins d'impôts, moins de dépenses publiques, plus d'emplois et de liberté pour les Français. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains. - Protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
M. le président. Il faut conclure !
M. Claude Malhuret. Aussi ma question est-elle simple : que comptez-vous faire face à cette assemblée saisie de folie fiscale ? (Mêmes mouvements.)
Réponse du Premier ministre publiée le 30/10/2025
Réponse apportée en séance publique le 29/10/2025
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. Monsieur le président Malhuret, ne vendez pas la vache, disait le président Pompidou, ainsi que je l'indiquais à l'instant. Au-delà du lait, cela pose plus précisément la question du patrimoine professionnel.
Un premier principe est que notre société et notre vie économique ont besoin de capitaux, de préférence de capitaux français. J'ai eu l'honneur d'être ministre des armées pendant trois ans et demi : dès qu'une PME sous-traitante de notre appareil de défense est en difficulté - je parle sous le contrôle du président Perrin -, il n'est pas rare que certains veuillent très vite un plan de sauvegarde, voire une nationalisation.
Il serait tout à fait curieux de décourager les capitaux français de rester en France ou les capitaux européens de rester en Europe, et donc de créer une énorme vulnérabilité revenant à ouvrir la plupart de notre outil productif à des capitaux chinois, américains ou venant de pays du Golfe.
On ne peut déconnecter le débat sur la fiscalité de celui sur l'économie, l'emploi, l'attractivité et la croissance. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI.) C'est le débat technique qui permettra d'aller plus loin que le seul débat politique.
Monsieur le président Malhuret, vous avez été secrétaire d'État aux droits de l'homme. Un autre principe important est de respecter notre Constitution. J'y insiste, car notre Constitution n'est pas là pour protéger des privilèges ; elle n'a pas non plus à s'appliquer à la carte. L'État de droit doit être respecté en toutes circonstances.
L'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui établit l'égalité des charges devant l'impôt, pose aussi la question des capacités contributives.
Au fond, il s'agit d'un côté d'assurer la justice fiscale et, de l'autre, de ne pas adopter des dispositifs fiscaux inconstitutionnels, parce qu'ayant une dimension objectivement confiscatoire.
Il y a là un deuxième principe qui permet, à mon avis, de guider les débats à l'Assemblée nationale et, j'en suis certain, au Sénat : on ne peut pas appliquer l'État de droit à la carte. On l'a peut-être trop ou pas assez rappelé ces derniers temps sur d'autres sujets.
Enfin, et c'est mon dernier point, il me semble que l'on ne peut décorréler le chapitre des recettes de celui des dépenses.
Mme Silvana Silvani. Quelle information !
M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. Au fond, il s'agit de la question que le président Kanner m'a posée la semaine dernière sur la protection des plus fragiles et des différentes saisines des présidents de groupe du Sénat demandant d'avancer sur des mesures pluriannuelles d'économies structurelles et évoquant notamment la question de la réforme de l'État.
Cela nous amène à deux considérations pour les temps à venir.
Il faut que le Gouvernement entre plus vite en discussion avec les différentes formations politiques, notamment pour l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).
M. Jean-François Husson. Il arrive !
M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. Un certain nombre de mesures, comme le gel des minima sociaux ou des petites retraites, sont des sujets qui, légitimement, posent question. On ne peut pas les décorréler du chapitre des recettes du projet de loi de finances (PLF) et du PLFSS. Le moment est venu de parler des dépenses et des recettes en même temps.
En ce qui concerne les dépenses, une première réunion s'est tenue avec les différents ministres sur la réforme de l'État pour aborder les questions relatives aux agences, à la décentralisation, à l'adaptation d'un certain nombre de politiques publiques pour les territoires d'outre-mer, que je mentionnais il y a un instant. Il est grand temps de sortir de notre myopie de l'annualité budgétaire, d'être capables de voir un tout petit peu plus loin que le bout de notre nez et de dessiner une réforme de l'État.
Je veux dire aux derniers parlementaires qui pourraient douter de nos engagements que la volonté de compromis va dans les deux sens.
Si nous sommes prêts à avancer sur un certain nombre de demandes faites sur ces travées, il faudra aussi que nous soyons capables de trouver un consensus sur la réforme de l'État.
Nos concitoyens demandent que l'on traite un certain nombre de problèmes à la racine sans démagogie, sans faire de fonctionnaire-bashing, sans opposer les collectivités locales à l'État et vice-versa, mais en étant capables, tout simplement, de repartir de zéro et de faire preuve de créativité. C'est le seul chemin que je vois pour sortir notre pays de la situation dans laquelle il se trouve. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)
Page mise à jour le