Question de Mme BLATRIX CONTAT Florence (Ain - SER) publiée le 30/10/2025
Question posée en séance publique le 29/10/2025
M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Florence Blatrix Contat. Je voudrais vous parler de deux économistes de renommée mondiale : Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie, et Olivier Blanchard, ancien chef économiste du FMI. Tous deux soutiennent sans ambiguïté la taxe proposée par Gabriel Zucman sur les très hauts patrimoines. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. - Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Patrick Kanner. Eh oui !
Mme Florence Blatrix Contat. Pourquoi ? Parce que notre système fiscal permet aujourd'hui aux ultra-riches de s'affranchir de la solidarité nationale. Pendant que leur patrimoine s'envole, passant de 200 milliards d'euros en 2015 à plus de 1 200 milliards d'euros aujourd'hui, leur contribution, elle, diminue. Les 0,01 % les plus riches sont imposés deux fois moins que le reste de la population. Où est la justice ? Où est l'égalité ?
Pourtant, l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 est clair : la contribution commune « doit être également répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés. »
Joseph Stiglitz le dit, la France peut montrer l'exemple au monde. Olivier Blanchard le confirme, la taxe Zucman est nécessaire, plus efficace que la taxe sur les holdings, jugée insuffisante. Les Français, eux, ont tranché : ils soutiennent cette taxe à 86 %. Pourtant, monsieur le Premier ministre, votre gouvernement refuse cette mesure sans proposer aucune alternative crédible.
Or c'est à vous qu'il revient de présenter des solutions susceptibles de rassembler une majorité ; c'est à vous qu'il revient de trouver des ressources fiscales permettant de dégager des rendements significatifs et de rétablir la justice fiscale.
Refuser d'agir, c'est faire le choix d'augmenter les franchises médicales, de geler les pensions, les aides personnalisées au logement (APL) ou encore l'allocation aux adultes handicapés.
Monsieur le ministre, allez-vous enfin proposer une contribution significative des hauts patrimoines, indispensable pour redresser nos finances publiques et épargner les classes moyennes et populaires, ou persisterez-vous à protéger les fortunes les plus colossales ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Réponse du Ministère délégué auprès de la ministre de l'action et des comptes publics, chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État publiée le 30/10/2025
Réponse apportée en séance publique le 29/10/2025
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État.
M. David Amiel, ministre délégué auprès de la ministre de l'action et des comptes publics, chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État. Madame la sénatrice Blatrix Contat, il est évident que, lorsque des efforts importants sont demandés, pour qu'ils soient acceptés, il faut qu'ils soient partagés.
Mais le problème de la France, ce n'est pas que les taux d'impôt sont trop bas : ils sont à un niveau record en Europe. Le problème de la France, c'est que ces taux d'impôt sont effectivement parfois contournés. Ils le sont de manière illégale - c'est la lutte contre la fraude, nous en avons parlé - ou ils peuvent l'être de manière légale, mais abusive - c'est la suroptimisation fiscale à laquelle le Premier ministre a fait référence à l'instant. Je ne peux donc pas vous laisser dire que le Gouvernement ne s'est pas emparé de cette question. (M. Pascal Savoldelli proteste.)
Le Premier ministre a évoqué le fait que des multimillionnaires ou des milliardaires voient leur taux d'impôt effectif baisser, parce qu'ils abusent de l'optimisation fiscale. Ce constat a guidé des dispositions qui figurent dans le texte initial qui vous est présenté.
Je pense à la prolongation de la contribution différentielle sur les hauts revenus ou encore à la taxe sur les holdings. Vous faites référence aux travaux de l'Institut des politiques publiques de Paris, qui a précisément montré l'usage qui pouvait être fait de ces holdings. Nous nous y attaquons et, bien entendu, nous aurons ensuite des débats pour pouvoir enrichir et compléter nos propositions.
Cependant, le débat sur la justice sociale ne peut pas uniquement porter sur la fiscalité. La justice sociale, c'est aussi les emplois ; la justice sociale, c'est aussi les salaires (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K et SER.) ; la justice sociale, c'est aussi la réindustrialisation, dont nous parlons suffisamment au Parlement.
M. Mickaël Vallet. À qui le dites-vous ?
M. David Amiel, ministre délégué. Je ne voudrais donc pas que ce que nous faisons dans le projet de loi de finances vienne défaire ce que nous souhaitons construire par ailleurs.
M. Thierry Cozic. Cela fait huit ans que vous êtes aux responsabilités !
M. David Amiel, ministre délégué. C'est la raison pour laquelle l'appareil de production, l'outil productif, les biens professionnels que le Premier ministre a évoqués doivent être protégés. En effet, en 1981, le gouvernement le plus à gauche de la Ve République avait décidé de ne pas toucher aux biens professionnels,...
M. Yannick Jadot. Bettencourt et Mitterrand !
M. David Amiel, ministre délégué. ... les premiers débats d'alors ayant montré les risques que cela ferait peser sur l'économie française. (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
Mme Ghislaine Senée. Pas du tout !
M. David Amiel, ministre délégué. Tirons donc les leçons du passé, améliorons ce qui doit l'être. Défendons évidemment la justice sociale et fiscale, mais protégeons notre économie ; à défaut, ce seront, comme toujours, les classes populaires et les classes moyennes qui paieront la facture. (MM. Martin Lévrier et François Patriat applaudissent. - Protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
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