Question de Mme BOYER Valérie (Bouches-du-Rhône - Les Républicains) publiée le 30/10/2025

Question posée en séance publique le 29/10/2025

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Valérie Boyer. Ma question, à laquelle j'associe Alexandra Borchio Fontimp, s'adresse à M. le Premier ministre.

La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a estimé que l'héritage « qui tombe du ciel » n'était « pas sain » et a appelé, de nouveau, à le taxer davantage. Pourtant, hériter consiste à recevoir non pas seulement un bien, mais également une histoire familiale, grâce à un effort accumulé. L'héritage assure une continuité entre les générations. Il est un ciment essentiel de la cohésion de notre pays.

Je parle ici non pas de riches, mais de classes moyennes, que l'on ampute d'une partie de leur histoire familiale. Dans une maison bâtie pierre après pierre, dans un commerce tenu toute une vie, dans de l'argent mis de côté pour protéger les enfants réside, au-delà de la valeur comptable, la mémoire du travail et de la constance dans l'effort. L'héritage est un enracinement : il a une valeur morale et culturelle.

Alors que quinze pays de l'OCDE ont supprimé l'impôt sur les successions, la France persiste à participer au concours Lépine de l'impôt, ce dernier étant déjà responsable de l'appauvrissement des classes moyennes. La protection familiale et la prévoyance semblent devenir une faute et la réussite un soupçon. Si l'on vide de sa substance la liberté de transmettre, le droit de propriété, déjà très malmené en France, perdra tout son sens : le propriétaire deviendra un usufruitier temporaire, dont les biens reviendront à l'État.

Protéger la transmission signifie non pas refuser la solidarité nationale, mais respecter un équilibre. L'héritage est un lien entre le passé et l'avenir. Il incarne la solidarité intergénérationnelle, l'idée que l'on travaille non pas pour soi seul, mais aussi pour ceux qui viendront après nous.

Un pays se renforce en permettant de transmettre, non en pénalisant ceux qui bâtissent et s'enracinent. « Le déraciné se croit ouvert alors qu'il est vide (...) : il confond l'ouverture et la désorientation », disait Barrès. Taxer, taxer toute une vie et jusqu'à la tombe, ça suffit ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - Mmes Annick Jacquemet et Évelyne Perrot applaudissent également.)


Réponse du Ministère délégué auprès de la ministre de l'action et des comptes publics, chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État publiée le 30/10/2025

Réponse apportée en séance publique le 29/10/2025

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État.

M. David Amiel, ministre délégué auprès de la ministre de l'action et des comptes publics, chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État. Madame la sénatrice, lorsque l'on a travaillé toute sa vie, on souhaite évidemment transmettre à ses enfants, pour les aider. C'est une aspiration fondamentale, naturelle. Même si chacun a ses références, il n'est pas besoin de citer Maurice Barrès (Mme Valérie Boyer s'exclame.) : l'héritage fait partie du pacte républicain au sein duquel, dans notre immense majorité, nous nous retrouvons.

Vous m'interrogez sur les mesures de fiscalité en matière de succession et de donation.

D'abord, eu égard à une épargne massive et concentrée, étant le fait de personnes d'un âge de plus en plus élevé, et face à des jeunes qui ne parviennent plus à accéder à la propriété, la priorité, à l'heure actuelle, est de faciliter et d'accélérer les donations. Le Gouvernement sera prêt à travailler avec le Parlement à des mesures allant en ce sens.

Ensuite, pour faire le lien avec ma réponse précédente et puisque vous avez fait référence aux taux d'imposition très élevés dont doivent s'acquitter la plupart des Français, je précise qu'il me paraît important de lutter partout contre la suroptimisation fiscale, c'est-à-dire les comportements abusifs. À la suite des nombreux rapports parlementaires relatifs à cette question, il nous faut travailler à l'Assemblée nationale et au Sénat, puis en commission mixte paritaire.

La boussole doit rester la même : protéger ceux qui prennent des risques, qui investissent et qui créent des richesses et de l'emploi. Je pense en particulier à la nécessité de défendre notre tissu de PME et d'entreprises de taille intermédiaire (ETI) industrielles contre ceux qui veulent supprimer le pacte Dutreil, une mesure qui serait véritablement criminelle pour notre économie et pour notre tissu productif.

Mme Valérie Boyer. Ce n'est pas la question !

M. David Amiel, ministre délégué. Enfin, nous devons améliorer la reconnaissance du travail. Les Français ne sont pas en mesure d'acheter un premier appartement ou une première maison sans apport de leurs parents. Ils ne parviennent plus à s'en sortir - l'héritage devient dès lors un débat -, parce que le travail ne paie plus assez. (Exclamations sur des travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous sommes bien d'accord !

M. le président. Il faut conclure.

M. David Amiel, ministre délégué. À court terme, nous devons nous attaquer à ce problème dans le projet de loi de finances.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour la réplique.

Mme Valérie Boyer. Monsieur le ministre, il est temps de vous reconnecter au peuple réel. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. ) Préserver l'héritage, c'est préserver la France. Les Français attendent de la justice fiscale, pas la lutte des classes pour assurer leur succession familiale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Comme mon groupe le demande avec constance depuis des années, il faut réduire les taxes en vigueur en agissant sur les niches, qui déséquilibrent l'ensemble du système, respecter le deuil, en allongeant, comme le demande M. Rapin, le délai légal d'acquittement des droits et favoriser les donations et transmissions en lignes directe et indirecte, démesurément taxées.

M. le président. Il faut conclure.

Mme Valérie Boyer. Protéger l'héritage, c'est préserver la cohésion de notre Nation et maintenir le fil invisible entre les générations, celui du travail, de la responsabilité et de l'espérance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Page mise à jour le