Question de Mme VOGEL Mélanie (Français établis hors de France - GEST) publiée le 23/10/2025
Mme Mélanie Vogel attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur les contradictions apparentes entre les principes affichés par la diplomatie française et certaines actions récentes de l'État français à Madagascar.
Selon plusieurs médias, dont RFI, le Gouvernement français aurait mobilisé des moyens militaires pour exfiltrer le Président Andry Rajoelina dans le contexte de la crise politique actuelle. Cette opération, non communiquée officiellement, soulève des questions sur le respect du principe de non-ingérence et de la souveraineté d'un État partenaire, réaffirmés par la France depuis le début de la crise.
Dans le même temps, le Président de la République française a publiquement appelé au respect de « l'ordre constitutionnel » et de la « continuité institutionnelle » à Madagascar. Une telle position, après une opération qui pourrait être interprétée comme un soutien à un dirigeant contesté, confère à cet appel l'apparence d'un double discours. Cette contradiction est d'autant plus préoccupante que le président malgache Rajoelina invoque désormais cette rhétorique pour légitimer sa présence au pouvoir, prétendant être « en mission officielle » à l'étranger, alors qu'il se trouve, selon toute vraisemblance, hors du pays.
D'après les informations récentes, les militaires ont pris le palais présidentiel, dissous toutes les institutions à l'exception de l'Assemblée nationale et annoncé un calendrier de deux ans pour référendum et élections, ce qui soulève de nouvelles questions sur l'attitude de la France dans cette crise institutionnelle.
Elle rappelle que la jeunesse malgache, exaspérée par les coupures récurrentes d'eau et d'électricité, la pauvreté endémique et l'accès limité à la santé et à l'éducation, s'est massivement mobilisée pour réclamer des changements démocratiques. Cette mobilisation a été violemment réprimée, faisant plus d'une vingtaine de morts et une centaine de blessés. L'absence de réaction claire et ferme de la France interroge et heurte les valeurs qu'elle prétend défendre sur la scène internationale.
Elle souligne en outre que l'État français n'a jamais condamné officiellement les atteintes répétées à l'État de droit, les dérives autoritaires et le manque de transparence institutionnelle observés sous la présidence de M. Rajoelina, y compris lors de la visite d'État d'avril 2025. Cette absence de réaction nourrit la perception d'une indulgence politique et affaiblit la crédibilité du discours français sur la démocratie et les droits humains.
Elle s'inquiète également du risque de chantage implicite lié aux aides internationales, souvent davantage aux élites qu'à la population. L'exemple du financement français du téléphérique de Tananarive illustre cette préoccupation.
Cette politique, perçue comme incohérente, risque d'alimenter un sentiment anti-français croissant, déjà perceptible au sein de la jeunesse et de la société civile malgaches, et de fragiliser durablement les relations bilatérales, voire de mettre en danger la sécurité de nos compatriotes établis à Madagascar. Il est urgent que la France se réengage dans une politique étrangère réellement respectueuse des peuples, des institutions démocratiques et des principes de non-ingérence.
En conséquence, elle lui demande si le Gouvernement confirme l'utilisation de moyens militaires français pour l'exfiltration du président M. Rajoelina ; sur quelle base juridique, diplomatique et politique cette opération a été autorisée, et si le Gouvernement entend en rendre compte devant le Parlement pour garantir la transparence et le contrôle démocratique ; enfin, quelles mesures le ministère de l'Europe et des affaires étrangères compte mettre en oeuvre pour réaffirmer la neutralité et la cohérence de la diplomatie française à Madagascar et dans la région de l'océan Indien.
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En attente de réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères.
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