Question de Mme NOËL Sylviane (Haute-Savoie - Les Républicains) publiée le 16/10/2025

Mme Sylviane Noël attire l'attention de Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation sur les conséquences de la réforme de la taxe d'aménagement sur les finances des collectivités territoriales et sur le modèle économique des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE).

Depuis l'entrée en vigueur en janvier 2022 de la réforme de la taxe d'aménagement issue de l'article 155 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, les collectivités territoriales, et tout particulièrement les communes, se trouvent confrontées à d'importantes difficultés dans le recouvrement de cette taxe, pourtant essentielle au financement de leurs équipements publics.

En effet, alors que la taxe d'aménagement était auparavant exigible quelques mois suivant la délivrance de l'autorisation d'urbanisme, elle ne l'est désormais qu'après la déclaration d'achèvement des travaux. Ce nouveau mécanisme a profondément désorganisé le recouvrement, jusque là automatique du fait des retards conséquents dans les déclarations et une charge accrue de relance désormais supportée par les communes.

Le manque à gagner est colossal : dans son département, la commune de Marignier prévoyait ainsi la perception de 300 000 euros en 2025, elle n'a perçu que 10 000 euros à mi-année !

Les retards s'accumulent : la station des Houches lui a indiqué attendre toujours le recouvrement de 216 000 euros au titre des permis délivrés en 2021 et 2022 !

Au-delà de ces retards préoccupants, une question de fond se pose : que deviennent ces taxes pourtant légalement dues ? Plus grave encore, les contribuables redevables peuvent-ils, faute de recouvrement dans les délais, invoquer le délai de prescription prévu par le livre des procédures fiscales, entraînant ainsi une perte définitive de recettes pour les collectivités ?

Une telle perspective serait particulièrement préoccupante dans un contexte où, comme vous le savez, chaque euro compte dans l'équilibre budgétaire des communes, déjà fortement sollicitées pour maintenir le niveau de leurs services publics locaux.

Les conséquences de cette réforme dépassent le cadre communal.

Elles affectent également les départements, dont la part départementale de taxe d'aménagement finance notamment les CAUE qui ont vu leurs ressources chuter de 40 % en 2024, contraignant plusieurs d'entre elles à des licenciements.

Depuis deux ans, elle multiplie les alertes sur les effets néfastes de cette réforme, via des questions parlementaires, une proposition de loi cosignée par plus de quarante sénateurs et de nombreuses remontées de terrain.

Pourtant, le Gouvernement est resté sourd à ces avertissements. Aussi, elle lui demande de revenir de manière urgente au dispositif antérieur pour mettre fin à ce grand bazar extrêmement pénalisant pour les collectivités locales.

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Réponse du Ministère délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique, chargé de l'industrie publiée le 05/11/2025

Réponse apportée en séance publique le 04/11/2025

M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, auteure de la question n° 731, adressée à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

Mme Sylviane Noël. Monsieur le ministre, depuis l'entrée en vigueur de la réforme de la taxe d'aménagement en janvier 2022, les communes sont confrontées à des difficultés insurmontables dans le recouvrement de cette taxe.

En effet, alors que la taxe d'aménagement était auparavant exigible quelques mois après la délivrance de l'autorisation d'urbanisme, elle ne l'est désormais qu'après la déclaration d'achèvement des travaux.

Ce nouveau mécanisme a profondément désorganisé le recouvrement, jusque-là automatique, du fait des retards considérables dans les déclarations et d'une charge accrue de relances qui incombe désormais aux communes.

Le manque à gagner est colossal : dans mon département, par exemple, la commune de Marignier prévoyait le recouvrement de 300 000 euros en 2025 ; or elle n'a perçu que 10 000 euros à mi-année. Et les retards s'accumulent : la commune des Houches est toujours en attente du recouvrement de 216 000 euros au titre des permis délivrés en 2021 et 2022...

Les conséquences de cette réforme affectent également les départements. La part départementale de la taxe d'aménagement finance notamment les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement, dont les ressources ont chuté de 40 % en 2024, obligeant plusieurs d'entre eux à licencier.

Depuis deux ans, je ne cesse d'alerter sur les effets désastreux de cette réforme, via des questions au Gouvernement, une proposition de loi et de nombreuses remontées que je tiens du terrain, auxquelles le Gouvernement est resté sourd.

Monsieur le ministre, je vous en conjure : il y a urgence à revenir au dispositif antérieur pour mettre fin à ce grand bazar extrêmement pénalisant pour les collectivités locales.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Sébastien Martin, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique, chargé de l'industrie. Madame la sénatrice Noël, les sommes collectées par l'État au titre de la taxe d'aménagement et reversées aux collectivités locales sont en effet en forte baisse : elles s'élevaient à 2,2 milliards d'euros en 2023 contre 1,5 milliard d'euros en 2024, et une nouvelle diminution est attendue en 2025.

Cette évolution tient notamment à la chute du nombre de permis de construire entre 2022 et 2024 - environ moins 31 % -, et à la réduction de la surface moyenne des constructions.

Par ailleurs, depuis fin 2022, la taxe d'aménagement est exigible à l'achèvement des travaux, sauf pour les projets de plus de 5 000 mètres carrés qui restent soumis à un acompte.

Ce nouveau dispositif, associé au transfert de la liquidation et du recouvrement à la DGFiP évite que plus du quart des sommes collectées au titre de la taxe ne soit remboursé ensuite aux usagers et ainsi reversé par les collectivités.

Sa mise en oeuvre a toutefois entraîné un retard dans la collecte. Comme je l'ai souligné, la DGFiP a engagé d'importants efforts de rattrapage, en mobilisant ses ressources internes et son réseau territorial.

Des échanges récents avec l'AMF et de nombreux élus ont permis de faire le point sur les sommes restant à recouvrer ; des montants significatifs seront liquidés dans les prochains mois, avant l'expiration des délais de prescription.

La DGFiP a en outre engagé une réflexion avec son réseau, en concertation avec les élus, pour améliorer la gestion et la lisibilité de ces taxes, souvent complexes pour les usagers.

Enfin, le Premier ministre a appelé les élus locaux, les membres du Gouvernement et les parlementaires à engager une réflexion sur la décentralisation, la déconcentration et l'organisation générale de l'État : vos propositions, que nous examinerons avec la plus grande attention, nourriront ce débat.

M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, pour la réplique.

Mme Sylviane Noël. Monsieur le ministre, cessez de dire que la diminution du recouvrement est due à une baisse des mises en chantier. Les élus savent parfaitement ce qu'ils ont à recouvrer en fonction des autorisations d'urbanisme qu'ils ont délivrées.

Par ailleurs, vous êtes mal informé : la direction départementale des finances publiques de la Haute-Savoie a indiqué à une commune de mon département qu'il était aujourd'hui impossible de réaliser la taxation d'office, au prétexte que « la DGFiP ne dispose pas encore des instructions qui permettent de le faire et que l'applicatif actuel n'est pas encore adapté ».

Le Gouvernement porte une très lourde responsabilité dans la mise en oeuvre de cette réforme improvisée, qui a des conséquences désastreuses pour les finances des collectivités locales. On peut même craindre que certains contribuables ne se prévalent d'une prescription fiscale si la commune ne parvient pas à recouvrer sa dette dans les temps. Il y a urgence à revenir au dispositif initial.

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