Question de Mme SOUYRIS Anne (Paris - GEST) publiée le 16/10/2025
Mme Anne Souyris attire l'attention de Mme la ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées concernant la présence de résidus d'hexane dans les denrées alimentaires et le manque de données scientifiques concernant les conséquences sur la santé humaine de l'exposition par voie orale à l'hexane.
L'hexane est un solvant dérivé du pétrole et issu de la pétrochimie. Dans l'industrie alimentaire, l'hexane est utilisé comme auxiliaire technologique pour extraire l'huile des graines de colza, de soja, de tournesol et pour produire des tourteaux déshuilés à destination des animaux d'élevage. L'hexane est classé comme substance cancérogène, mutagène, reprotoxique (CMR) de catégorie 2 par l'agence européenne des produits chimiques (ECHA).
Les limites maximales de résidus (LMR) autorisées concernant la présence d'hexane dans les denrées alimentaires ont été établies en 1996 par l'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Plusieurs problèmes se posent. Premièrement, ces LMR avaient été élaborées avec l'appui de données communiquées par les industriels eux-mêmes.
L'étude « Salamon et al » publiée en 2019 par l'université de Padoue relève une exposition à l'hexane 2,2 à 3,7 fois plus élevée que ce qu'avait anticipé l'EFSA en 1996 et affirme que les LMR établies ne protègent pas suffisamment des risques sanitaires. En 2024, l'EFSA reconnaît également l'insuffisance des données de 1996 et encourage une réévaluation des LMR.
De plus, ces LMR ne s'appliquent qu'aux huiles, graisses ou beurres de cacao, aux produits à base de protéines et de farines dégraissées et aux germes de céréales dégraissées. Il n'existe aujourd'hui aucune réglementation encadrant la présence de solvants dans les produits d'origine animale, et plus spécifiquement, dans les produits d'origine animale lorsque les animaux dont ils ont été issus ont été nourris avec des protéines obtenues par un procédé sollicitant l'utilisation d'hexane.
Enfin, dans un contexte où la dangerosité de l'hexane à historiquement été étudiée autour des risques sanitaires pour les travailleurs y étant exposés, il existe un véritable déficit de littérature scientifique concernant les risques de son ingestion. C'est notamment ce que démontre le rapport « Nos aliments contaminés à l'hexane » publié par Greenpeace le 22 septembre 2025.
Ainsi, si une valeur toxicologique de référence (VTR) a été établie par l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) pour l'exposition à l'hexane par inhalation, il n'existe toujours pas de VTR concernant l'ingestion d'hexane.
Elle souhaite savoir ce que compte faire le Gouvernement concernant l'absence de VTR établie par l'Anses pour l'exposition à l'hexane par voie orale. Elle souhaite également attirer l'attention du Gouvernement sur la nécessité pour la France de soutenir officiellement et activement une saisine de l'EFSA à propos de l'insuffisance des LMR de 1996 et du manque de données scientifiques sur les dangers sanitaires de l'exposition à l'hexane par voie orale.
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Réponse du Ministère délégué auprès de la ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées, chargé de l'autonomie et des personnes handicapées publiée le 05/11/2025
Réponse apportée en séance publique le 04/11/2025
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, auteure de la question n° 732, adressée à Mme la ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées.
Mme Anne Souyris. Et si je vous disais qu'il y a de l'essence et, plus spécifiquement, de l'hexane - un solvant dérivé de l'industrie pétrochimique - dans vos assiettes ? C'est ce que Guillaume Coudray, dans son ouvrage sorti le 18 septembre dernier, puis Greenpeace, au travers d'une enquête, ont récemment dévoilé au grand public.
Utilisé pour séparer les matières grasses des plantes oléagineuses, l'hexane, comme l'a démontré l'étude de Greenpeace, se retrouve dans les huiles de colza et de tournesol, dans le poulet et même dans le lait infantile ! Pas moins de 64 % de nos assiettes sont contaminées. Pourtant, l'hexane est identifié comme neurotoxique ; il est également classé comme substance cancérogène par l'Agence européenne des produits chimiques. Sa présence dans la nourriture n'est pas pour autant notifiée, l'hexane n'étant pas reconnu comme ingrédient alimentaire.
Les limites maximales de résidus, définies en 1996 à l'échelon européen, ont été définies en tenant compte d'informations communiquées par les industriels eux-mêmes. L'Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) a récemment reconnu l'insuffisance de ses propres données. Par conséquent, ces limites maximales ne protègent pas suffisamment contre les risques sanitaires...
Nous observons également des défaillances réglementaires au niveau national. De fait, il n'existe toujours pas de valeur toxicologique de référence concernant l'ingestion d'hexane. Plutôt qu'à un nouveau scandale, nous faisons surtout face à la nécessité de construire une politique de santé environnementale ambitieuse. Cela n'est pas nouveau ! L'hexane est le symptôme d'un système malade, dans lequel la santé humaine et la Terre sont toutes deux contaminées.
Aussi, madame la ministre, qu'attendez-vous pour saisir la Commission européenne, faire établir une valeur toxicologique de référence, offrir une meilleure information aux consommateurs, transparente et protectrice pour tous et, le cas échéant, interdire rapidement l'hexane, comme le demande Greenpeace ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées, chargée de l'autonomie et des personnes handicapées. Madame la sénatrice, ma collègue Stéphanie Rist, ministre de la santé, me charge de vous indiquer que les services de son ministère sont pleinement mobilisés sur ce sujet et qu'ils oeuvrent de concert avec le ministère de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la souveraineté alimentaire.
Le Gouvernement est attentif à cette question depuis plusieurs années, car elle touche à la santé publique. Comme vous l'avez signalé, l'hexane est un solvant, qui peut avoir des effets nocifs sur la santé : troubles neurologiques, effets sur la fertilité, etc.
Dans l'agroalimentaire, cette substance sert à extraire les huiles végétales. Son usage est autorisé par la réglementation européenne, puisque les résidus d'hexane dans les aliments sont strictement limités par une directive. En réalité, ce sont d'abord les industriels qui sont responsables de la sécurité des aliments qu'ils fabriquent et vendent. Telle est la règle fixée dans le paquet Hygiène de l'Union européenne.
En 2013, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) s'est penchée sur les dangers liés à l'inhalation d'hexane. En revanche, il n'existe pas encore d'évaluation officielle des dangers liés à son ingestion.
En 2024, l'Autorité européenne de sécurité des aliments a estimé qu'il fallait procéder à un réexamen de cette question. Cette année, la Commission européenne a donc demandé une nouvelle expertise, ce qui a conduit l'AESA à lancer un appel à données : l'autorité demande à tous les acteurs concernés de transmettre leurs informations, qu'elles soient publiées ou non. Cet appel restera ouvert jusqu'au 12 décembre 2025. Nous suivrons de près ces travaux, en lien avec la ministre de l'agriculture, pour nous tenir informés.
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