Question de M. ROJOUAN Bruno (Allier - Les Républicains-R) publiée le 30/10/2025

M. Bruno Rojouan attire l'attention de M. le ministre de la ville et du logement sur les difficultés rencontrées par les maires dans le cadre de la prise d'un arrêté de péril imminent.
Les maires disposent d'un outil juridique pour faire face aux situations de danger liées à des bâtiments menaçant de tomber en ruine : l'arrêté de péril imminent.
Ce dispositif permet de mettre en demeure un propriétaire de réaliser les travaux d'office nécessaires de sécurisation, et d'autoriser la commune à se substituer à lui en cas de carence pour protéger la sécurité publique.
La commune doit alors avancer les fonds, avec la possibilité de recouvrer les sommes auprès du propriétaire, ou, en dernier recours, de faire inscrire une hypothèque légale sur le bien.
Or, dans la pratique, le recouvrement effectif des sommes est souvent très long, incertain, voire impossible. Les propriétaires concernés peuvent en effet être insolvables, domiciliés à l'étranger ou introuvables et le bien peut être en situation d'indivision ou de successions non réglées. Dans ce cas, l'hypothèque légale ne produit d'effet que si une vente intervient, parfois des années plus tard, et les petites communes ne disposent pas toujours de l'ingénierie juridique nécessaire.
Quant à la procédure de recouvrement confiée au comptable public, elle s'avère souvent longue - plusieurs mois voire des années - et les aides de l'Agence nationale de l'habitat ne financent pas les travaux faisant suite à un arrêté de péril imminent.
Résultat : de nombreuses communes, principalement rurales, doivent engager des dizaines, voire des centaines de milliers d'euros, sans garantie de recouvrement. Le maire, devant protéger ses administrés contre tous les risques, se voit obligé d'engager des sommes considérables au détriment du budget communal.
Ainsi, un maire du département de l'Allier a dû dépenser plus de 120 000 euros pour sécuriser plusieurs habitations en péril, sur un budget d'investissement annuel de seulement 170 000 euros. Comment nos élus locaux peuvent-ils expliquer à leurs administrés que les économies que la collectivité essaie de réaliser servent à payer les travaux de propriétaires indélicats ?
Ainsi, il lui demande comment le Gouvernement envisage de mieux sécuriser juridiquement et financièrement les maires dans l'exercice de leurs responsabilités en matière de péril imminent.

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Transmise au Ministère de l'aménagement du territoire et de la décentralisation


Réponse du Ministère délégué auprès de la ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé de la ruralité publiée le 05/11/2025

Réponse apportée en séance publique le 04/11/2025

M. le président. La parole est à M. Bruno Rojouan, auteur de la question n° 771, transmise à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

M. Bruno Rojouan. Les maires disposent d'un outil juridique pour faire face aux situations de danger liées à des bâtiments menaçant de tomber en ruine : l'arrêté de péril imminent.

Ce dispositif permet, d'une part, de mettre en demeure un propriétaire de réaliser les travaux d'office nécessaires de sécurisation, d'autre part, d'autoriser la commune à se substituer à lui en cas de carence pour protéger la sécurité publique.

La commune doit alors avancer les fonds, avec la possibilité de recouvrer les sommes auprès du propriétaire. Dans la pratique, le recouvrement effectif des sommes est souvent très long, incertain, voire impossible, lorsque les propriétaires sont insolvables, domiciliés à l'étranger ou introuvables, ou qu'il s'agit d'indivision ou de succession non réglée.

De plus, les aides de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) ne financent pas les travaux d'office faisant suite à un arrêté de péril imminent, laissant ainsi les communes sans aucun soutien financier immédiat.

Quant à la procédure de recouvrement confiée au comptable public, elle se révèle souvent longue et peut durer plusieurs mois, voire des années.

Résultat, des communes se retrouvent contraintes, en vertu de leur obligation de protection de leurs administrés contre tous les risques, d'engager des dizaines, voire des centaines de milliers d'euros, sans garantie de recouvrement. Ces sommes, d'un montant considérable pour les petites communes, sont alors mobilisées au détriment du budget communal.

Monsieur le ministre, le Gouvernement envisage-t-il de mieux sécuriser juridiquement et financièrement les maires dans l'exercice de leurs responsabilités en matière de péril imminent ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Michel Fournier, ministre délégué auprès de la ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur, vous avez raison, les situations de péril imminent mettent souvent, littéralement, les maires au pied du mur : ils doivent protéger leurs habitants et, le cas échéant, lancer des travaux d'urgence souvent coûteux, tout en sachant qu'ils auront les pires difficultés à récupérer les sommes engagées.

L'État en est pleinement conscient. C'est la raison pour laquelle il agit, afin de sécuriser juridiquement et financièrement l'action des élus locaux.

Depuis l'ordonnance du 16 septembre 2020 relative à l'harmonisation et à la simplification des polices des immeubles, locaux et installations, le cadre a été simplifié et renforcé.

Premièrement, le comptable public peut être mobilisé pour assurer le recouvrement des créances.

Deuxièmement, les maires bénéficient désormais de garanties légales : d'une part, la solidarité entre vendeur et acquéreur d'un bien ayant fait l'objet de travaux d'office, d'autre part, la solidarité entre co-indivisaires, pour éviter qu'une succession bloquée n'empêche le recouvrement.

Troisièmement, l'hypothèque légale permet de garantir la créance de la commune en cas de défaillance du propriétaire.

En matière de financement, plusieurs outils existent. Le fonds d'aide pour le relogement d'urgence (Faru) peut être mobilisé non seulement pour l'hébergement temporaire des occupants évacués, mais aussi pour les travaux d'urgence et de sécurisation. Par ailleurs, dans les cas de mise en sécurité ordinaire, l'Anah peut intervenir à hauteur de 50 % maximum du coût des travaux prescrits.

Il nous faut néanmoins travailler avec les associations d'élus et les préfets pour renforcer l'accompagnement juridique des maires confrontés à de telles situations, en particulier dans les communes rurales où les moyens techniques sont limités.

En un mot, le maire n'est pas seul. L'État lui donne les leviers, les garanties et les soutiens financiers nécessaires pour agir sans craindre de mettre en péril les finances de sa commune. Malgré tout, le problème reste souvent entier.

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